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09/04/2014

On a tant écrit sur la population que je veux au moins peupler le pays de Gex de chevaux, ne pouvant guère avoir l'honneur de provigner mon espèce

... Inexplicablement, Hautetfort a supprimé la barre d'outils de mise en page et en forme, d'où cette infecte mise en ligne sans grâce , mais dont la seule vertu est d'être écrite par Voltaire .



« A Marc-René d'Argenson, marquis de Voyer
Ferney, 5 [mars 1759] 1
Mon sérail est prêt, monsieur, il ne me manque que le sultan que vous m’avez promis . On a tant écrit sur la population que je veux au moins peupler le pays de Gex de chevaux, ne pouvant guère avoir l'honneur de provigner mon espèce . Je ne savais point du tout quels étaient les usages des haras du roi, quand j’eus l'honneur de vous écrire 2. Mon seul objet, monsieur, est de seconder vos vues pour le bien de l’État . Je n'ai nul besoin du titre glorieux de garde-étalons du roi pour avoir quelques franchises qu’on dit être attachées à ce noble caractère ; je suis seulement flatté de rendre service, d'ajouter un goût nouveau à mes goûts, et d'être à portée de recevoir quelques uns de vos ordres . Si vous n'avez point de bel étalon à me donner, j'en ferai venir un dans mes terres ; je vous servirai de mon mieux, et sans qu'il vous en coûte rien . Je vous supplie de m’honorer de vos ordres le plus tôt que vous pourrez .
J'ignore heureusement dans ma retraite tout ce qui se passe dans le monde ; je ne sais si vous êtes aux Ormes ou à l'armée . Si vous êtes aux Ormes, permettez-moi de présenter mes respects à monsieur votre père et à toute votre famille . Oserais-je vous prier, monsieur, d'avoir la bonté de me faire savoir vos intentions un peu plus tôt que vous ne fîtes, quand j’eus l'honneur de vous parler de haras pour la première fois ? Il faut un mari à mes filles, et si vous ne m'en donnez pas un , elles se marieront bien toutes seules .
Au reste, monsieur, pour me faire respecter de tous les palefreniers et de toutes les blanchisseuse du pays de Gex, je voudrais sous votre bon plaisir, prendre le titre pompeux de directeur ou de lieutenant des haras dans toute l'étendue de trois ou quatre lieues . Un jésuite missionnaire portugais raconte qu'un mandarin lui ayant demandé , à Macao, quel était un homme qui venait de lui parler assez fièrement, le jésuite lui répondit : C'est celui qui a l'honneur de ferrer les chevaux de l'empereur de Portugal, roi des rois ; aussitôt le mandarin se prosterna .
J'ai l'honneur d'être, avec les sentiments les plus respectueux, monsieur, vote très humble et très obéissant serviteur . »


1 Cette lettre est une réponse à celle du 31 janvier 1759 du marquis d'Argenson : «  […] comment espérer qu'un étalon isolé puisse convenir indistinctement à toutes les juments d son arrondissement ? Il faut donc pour appareiller les races plusieurs étalons réunis ; c'est le seul moyen de remédier au défaut d'une partie par les qualités opposées de l'autre . […] ma place m'oblige à accorder de temps en temps aux plus désespérés quelques palliatifs [...]La première fois que j'enverrai des chevaux en Bresse, j'en désignerai un pour vous . M. le comte de Crangeac, notre inspecteur, aura ordre de vous l'envoyer […]
D’autre part on sait que V* était sans doute à Ferney le 5 mars 1759.

2 Voir lettre du 16 décembre 1758 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/12/31/c-est-a-vous-a-decider-jusqu-ou-vos-bontes-pour-moi-peuvent-5259064.html




J'ai rempli la vocation de l'homme ; Dieu l'avait créé libre, et je le suis devenu : c'est assurément la plus belle fortune qu'on puisse faire

... Les liens du mariage sont désormais tranchés ... par vocation . De là à dire que c'est une fortune, il y a un grand pas , d'autant plus grand que la pension alimentaire est élevée .

Dieu, libérateur de l'homme, aurait pu prévenir que l'épouse n'est pas désintéressée ...

Aber... Keine Rose ohne Dornen !

 rosa burgundica.jpg

 

 

 

 

« A Germain-Gilles-Richard de RUFFEY
Aux Délices, ce 3 mars [1759].


Vos rosiers sont dans mes jardins,
Et leurs fleurs vont bientôt paraître.
Doux asile où je suis mon maître !
Je renonce aux lauriers si vains,
Qu'à Paris j'aimai trop peut-être.
Je me suis trop piqué les mains
Aux épines qu'ils ont fait naître.


Je viens de recevoir, monsieur, et de faire planter sur-le- champ vos jolis rosiers de Bourgogne 1; j'y ai mis la main, je les ai baptisés de votre nom : ils s'appellent des Ruffey, et j'en donnerai sous ce nom à mes voisins, qui partageront ma reconnaissance. Pourrais-je me flatter que vous viendrez les voir quelque jour, et que vous n'oublierez pas entièrement ce petit coin du monde que vous embellissez par vos présents? Vous serez probablement dans vos terres cet été ; je viendrais vous y voir si je pouvais abandonner un moment mes maçons et mes charpentiers. Je commence par me ruiner avant de donner mon aveu et dénombrement à la chambre des comptes, qui, probablement, me fera interdire quand elle saura que je dépense vingt mille écus à un château dont la terre ne vaut pas trois mille livres de rente. Il n'en sera pas de même de Tournay : je ne dois rien pour cette acquisition ; j'y suis entièrement libre, et c'était là l'objet de mes tendres vœux. J'ai rempli la vocation de l'homme ; Dieu l'avait créé libre, et je le suis devenu : c'est assurément la plus belle fortune qu'on puisse faire. Ma nièce de Fontaine sera encore plus heureuse que moi : elle aura l'honneur de vous voir, vous et Mme la présidente de Ruffey, à la fin du mois, si vous êtes à Dijon.
Je ne sais si je vous ai mandé que le roi de Prusse m'avait envoyé deux cents vers de Breslau, dans le temps qu'il assemble deux cent mille hommes. On commence déjà à rougir la terre avant qu'elle soit verte : cela est infernal. Les jésuites sont plus infernaux encore, s'ils sont en effet convaincus d'avoir trempé dans le parricide du roi de Portugal. On ne leur jette encore à Paris que des oranges de Portugal à la tête ; mais si le crime est avéré, on leur jettera de grosses pierres.
Adieu, mon cher donneur de roses. Mille respects à Mme de Ruffey et aux roses de son teint.
Senza ceremonie.2 

V.»

1 Rosa burgundica , voir Flore de Bourgogne de Jean-François Durande, 1782, page 196 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65287530/f210.image.r=burgundica

et page 567 : http://books.google.fr/books?id=ysn71sCJ75MC&pg=PA567&lpg=PA567&dq=Rosa+burgundica&source=bl&ots=M3uoMzbab4&sig=ZY8co2nEwjsNINwNgkXfGX5y_DI&hl=fr&sa=X&ei=4nlEU4PpF8nbPfPGgeAJ&ved=0CFEQ6AEwBg#v=onepage&q=Rosa%20burgundica&f=false

ou rosa pimpinellifolia , voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Rosa_pimpinellifolia

Voir Notes relatives à l'histoire de la botanique en Bourgogne, dans Compte rendu de l'académie de Dijon, 1877 ; ces références sont dues à M. Pierre Gras bibliothécaire en chef de la ville de Dijon .

2 Sans cérémonie .