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21/07/2014

Ma modestie m'a perdu, je n'ai pas eu la témérité de parler de moi

... Et je n'ai pas perdu ma modestie, comme j'ai la témérité de le dire, en rougissant !

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

conseiller d'honneur du Parlement

Rue de la Sourdière

à Paris

Les ailes des anges m'ont obombré, mon cher et respectable ami . J'ai le brevet pour Ferney plus favorable que je n'avais osé le demander et l'espérer . Il est pour moi comme pour Mme Denis . Je n'aurais jamais osé prétendre que mon nom fût couché en parchemin dans une patente signée Louis .

Monsieur l'ambassadeur 1 recevez mes très humbles actions de grâce .

Mon cher ange vous avez voulu un pot de vin pour vos négociations . Vous devez l'avoir reçu, vous devez avoir lu mon petit drame .

Si j'avais pu deviner que M. le duc de Choiseul 2 pousserait ses bontés que je vous dois, jusqu'à parler de moi dans la chambre du roi, j'aurais moi poussé l'insolence jusqu'à demander dans le brevet l'insertion des droits de Tournay . Cela n'aurait rien coûté, et cette grâce si naturelle était tout aussi facile que l'autre . Ma modestie m'a perdu, je n'ai pas eu la témérité de parler de moi . Je n'ai demandé les droits de Ferney que pour ma nièce, mais Tournay ne regardait que moi et je me suis tu .

Maintenant que mon brevet pour Ferney 3 est obtenu, je n'ai pas l'insolence d'en demander un second pour Tournay . Figurez-vous quel plaisir ce serait d'avoir deux terres entièrement libres et comme cela irait à l'air de mon visage . M. de Brosses m'a garanti tous les droits de sa terre, mais c'est le beau billet qu'a La Châtre 4. Ils disent qu'il n'a pu me garantir des droits qui lui sont personnels . Tant pis pour lui . Il ne m'a vendu qu'à cette condition, mais tant pis pour moi qui serait vexé .

Monsieur le Parmesan qui êtes envoyé chez vous, je vous ai fait mon compliment . Vous avez été obligé d'écrire à Parme, vous n'avez pas le temps d'écrire aux Délices . Cependant je vous ai envoyé une tragédie . Pour Dieu, donnez-moi un petit signe de vie . Que dites-vous de l'avis à frère Berthier et à monsieur des Nouvelles ecclésiastiques 5?

Mille tendres respects à tout ange .

V. 

3 juin [1759] 6»

1 D'Argental venait d'être nommé ministre plénipotentiaire de l'infant duc de Parme, à Paris . Il reçut alors le titre de comte qu'il ne portait pas avant de remplir ces fonctions, créées spécialement pour lui . Sur ses fonctions, voir « Comte d'Argental », Studies, de Maija B. May, 1970 .

2 Étienne-François de Choiseul, connu sous le nom de marquis de Stainville jusqu'au mois d'auguste 1758, époque où il fut créé duc de Choiseul, avait remplacé le cardinal de Bernis aux affaires étrangères, vers la fin d'octobre 1758. De 1759 à 1770, Voltaire fut en correspondance suivie avec ce ministre; mais, par malheur, les lettres les plus intéressantes qu'il lui adressa sont restées inconnues. (Clogenson.)

3 V* avait d'abord commencé à écrire Tou .

5 Clogenson pensait qu'il s'agissait de la note publiée avec l'Ode sur la mort de Wilhelmine, et Beuchot et Moland le suivirent . Ainsi qu'on l'a déjà vu, l' »avis à frère Berthier » est probablement une première version de l’œuvre mentionnée dans la lettre à d'Alembert du 4 mai 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/06/18/j-ai-deux-cures-dont-je-suis-assez-content-je-ruine-l-un-je-5393384.html

6 Date complétée par d'Argental .