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08/08/2014

je veux que les prêtres sachent que je suis bien en cour

... Et encore mieux au jardin ! Celui-ci il est vrai rend l'échine souple .

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL. 1
Aux Délices, 23 juin [1759].
Mon divin ange parmesan, si je n'obéis pas bien -- j'obéis vite.
Il y a quelques coups de lime à donner, nous l'avouons; mais prenez toujours, et, avec le temps, toutes les lois de madame d'Argental seront exécutées. On sait bien qu'en parlant du courrier qui va porter le billet doux, la confidente peut dire :

Il vous fut attaché dès vos plus jeunes ans,

Vos intérêts lui sont aussi chers que la vie 2,

et en faire ainsi un excellent domestique, qui fait pendre sa maîtresse en ne disant pas son secret. Il y a encore quelque chose à fortifier au cinquième acte; mais il s'agit à présent d'une importante négociation. Votre Suisse vous donnera bientôt autant d'affaires que votre Parme.
Madame la marquise 3 a su que je faisais un drame, et moi, je lui ai écrit galamment que je le lui enverrais, que je le soumettrais à ses lumières, que je me souvenais toujours des belles décorations qu'elle eut la bonté de faire donner à Sémiramis, etc. Elle m'a répondu qu'elle attendait la pièce.4 Que faut-il donc faire, mon cher ange? La donner à M. le duc de Choiseul, et que M. le duc de Choiseul la donne à madame la marquise comme un secret d'État. Elle fera ses observations, elle protégera notre Sicile. Je suis Suisse, il est vrai ; mais je sais mon monde, et je veux que les prêtres sachent que je suis bien en cour.
Vous voyez, mon divin ange, que je donne toujours la préférence au spirituel sur le temporel; vous serez bientôt outrecuidé 5 d'un mémoire sur Tournay.
Mais M. le comte de Choiseul 6 part-il bientôt? Je voudrais lui envoyer quelque chose pour l'amuser sur la route. Qu'il n'oublie point la comtesse de Bentinck à Vienne, s'il veut être amusé.

Dieu merci nos affaires vont bien en Hesse, et le roi de Prusse a eu sur les oreilles dans une rencontre assez rude . Les Russes avancent , Luc sera maté . Je me meurs d'envie de le voir humilié . Adieu mon cher ange, vivez sain, gai, heureux . L'oncle et le nièce vous disent tout ce que vous méritez de tendre .

V. »

1 Date complétée par d'Argental sur le manuscrit olographe . L'édition de Kehl omet le dernier paragraphe .

2 Tancrède, ac. II, sc. 1 : les vers en question n'ont pas été utilisés, ils furent remplacés dans la tirade d'Aménaïde par des propos qui font plus d'effet . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-tancrede-acte-deuxieme-partie-4-120995426.html

3 La marquise de Pompadour, à qui Voltaire dédia Tancrède.

4 Voir la lettre de la marquise de Pompadour citée dans la lettre à d'Argental du 15 juin 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/08/01/j-augure-bien-de-nos-affaires-entre-les-mains-d-un-homme-qui-5421232.html

5 Cet emploi d'un mot archaïque, purement plaisant se rattache à l'ambiance médiévale suggérée par l'évocation de Tancrède .

6Voir les lettres du 5 septembre 1752 , page 479 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113533/f482.image.r=astrua.langFR

et , du 17 septembre 1755 , page 468 et du 29 octobre 1755 au comte de Choiseul , page 493 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411354g/f496.texte.r=Oeuvres%20compl%C3%A8tes%20de%20Voltaire%2038,6%20%20nouvelle%20%C3%A9dition%20pr%C3%A9c%C3%A9d%C3%A9e%20de%20la%20Vie%20de%20Voltaire,%20par%20Condorcet%20et%20d%27autres%20%C3%A9tudes%20biographiques.langFR — Il remplaçait le duc de Choiseul, son cousin, dans l'ambassade de France à Vienne, et fut nommé, en avril 1766, ambassadeur extraordinaire à Naples.