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10/08/2014

Je m'occupe à ensemencer mes terres, à les rendre fécondes; et les filles aussi

... "Ah ! ce Voltaire, quel tempérament , quel blagueur aussi !", allez-vous dire .

Pardonnez-moi, mais je résiste rarement à une occasion de donner un extrait de lettre qui attire l'oeil égrillard de mes contemporains, et ces occasions ne manquent pas avec un vif argent comme lui .

http://www.derouletontapis.com/blogue/charrue/

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Plus sérieusement, je m'attache davantage à ceci : "mes terres, terres libres comme moi, terres dont je veux conserver l'indépendance comme celle de ma façon de penser.", moi qui suis sur terre sans terres , indépendant pour autant que possible, y compris dans ma liberté de penser/pensées .

 Combien de terres libres restera-t-il après la main-mise de territoires convoités par ces salopards d'islamistes qui tuent au nom du prophète pour cacher leur lâcheté, qui se foutent d'Allah comme de leurs premières babouches, qui veulent vivre en esclavagistes, en prédateurs tout simplement . Trop fainéants pour travailler, parasites , vermine à éradiquer . Inch'Allah !

 

 

« A Louis-César de La Baume Le Blanc, duc de LA VALLIÈRE.1
Aux Délices [vers le 25 juin 1759].
N'ai-je pas tout l'air d'un ingrat, monsieur le duc? Il me semble que je devrais passer une partie de ma vie à vous remercier de vos bontés, et l'autre à tâcher de vous plaire; cependant je ne fais rien de tout cela. Je cultive la terre; je fais quelquefois de mauvais vers; mais je me garde de les envoyer aux ducs et aux pairs qui ont de l'esprit et du goût. Vous n'allez plus à la Comédie, et par conséquent je ne veux plus en faire ; mais comment peut-on avoir une bibliothèque complète de théâtre 2 et ne point entendre Mlle Clairon ? Comment peut-on acheter fort cher des pièces de Hardi,3 et ne pas aller à celles de Corneille?
Avez-vous la tragédie de Mirame 4, dont les trois quarts sont du cardinal de Richelieu? La pièce est bien rare; c'était un détestable rimailleur que ce grand homme. Le cardinal de Bernis faisait mieux des vers que lui, et cependant il n'a pas réussi dans son ministère; cela est inconcevable. C'est apparemment parce qu'il avait renoncé à la poésie. Le roi de Prusse n'en use pas ainsi; il fait plus de vers que l'abbé Pellegrin 5; aussi a-t-il gagné des batailles.

Je ne veux point mourir sans vous avoir envoyé une ode pour Mme de Pompadour 6. Je veux la chanter fièrement, hardiment, sans fadeur: car je lui ai obligation. Elle est belle, elle est bienfaisante , sujet d'ode excellent. Elle a eu la bonté de recommander à M. le duc de Choiseul un mémoire pour mes terres, terres libres comme moi, terres dont je veux conserver l'indépendance comme celle de ma façon de penser.
Je me suis fait un drôle de petit royaume dans mon vallon des Alpes; je suis le Vieux de la Montagne 7, à cela près que je n'assassine personne. Mme de Pompadour a favorisé ma petite souveraineté écornée. Savez-vous bien, monsieur le duc, que j'ai deux lieues de pays qui ne rapportent pas grand'chose, mais qui ne doivent rien à personne?

Que les dieux ne m'ôtent rien,
C'est tout ce que je leur demande.


On m'a écrit que M. de Silhouette faisait de très-bonne besogne. Il est vrai que celui-là n'a point fait de vers; mais il a traduit Pope, et voilà pourquoi il est bon ministre. Monsieur le duc, vous avez fait de très-jolis vers de ma connaissance; fourrez-vous dans le ministère, vous réussirez infailliblement. Je me jette du mont Jura au pied de Mont-Rouge 8. Je m'occupe à ensemencer mes terres, à les rendre fécondes; et les filles aussi, non pas en les semant 9, mais en les mariant . Je suis bon citoyen. Oh ! le roi le saura, monsieur le duc, et je vois d'ici qui lui en fera ma cour. Jouissez de votre vie charmante, et continuez vos bontés au Suisse V.

2 Le duc de La Vallière avait une immense bibliothèque; et la partie du théâtre français était une de celles à laquelle il apportait le plus de soin. (Beuchot.) Collectionneur et bibliographe passionné des questions théâtrales, le duc est l'auteur d'une compilation intitulée Ballets, opéras et autres ouvrages lyriques, 1760 ; et la Bibliothèque du Théâtre français, ouvrage collectif fut composée à l'aide des secours fournis par sa bibliothèque . La bibliothèque de l'Arsenal conserve une partie importante de ses livres .

Voir : http://books.google.fr/books?id=54UPAAAAQAAJ&pg=PA135&lpg=PA135&dq=Ballets,+op%C3%A9ras+et+autres+ouvrages+lyriques&source=bl&ots=YFezuZnKXc&sig=YKR9qTDRaG7XqgoSpOx0qAD1_8o&hl=fr&sa=X&ei=Xd_nU7CdBqeP0AW2_4HACw&ved=0CD0Q6AEwBA#v=onepage&q=Ballets%2C%20op%C3%A9ras%20et%20autres%20ouvrages%20lyriques&f=false

et : http://www.bnf.fr/fr/collections_et_services/anx_fds_col/a.collection_la_valliere.html

4 Mirame a été imprimée en 1641, in-folio avec figures; Voltaire parle de cette pièce, tome XIV, page 64.Cette tragédie fut représentée pour la première fois lors de l'inauguration de la grande salle du Palais-Cardinal ; on l'attribue généralement à Desmarets de Saint-Sorlin, et V* dit lui-même dans le Siècle de Louis XIV, à l'article de cet écrivain , qu'il « travailla beaucoup à la tragédie de Mirame du cardinal de Richelieu »

Voir aussi : http://biblioweb.hypotheses.org/11857

6 Ce projet n'a pas eu de suite. (Beuchot.) . Sur les écrits de V* dédiés à Mme de Pompadour, voir Jean Malcolm , Table de la bibliographie de Voltaire par Bengesco, 1953, qui ne mentionne pas l'ode : pages 141 et suiv. : http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-23351

7 Voir l'article Assassin des Questions sur l'Encyclopédie dans lequel V* traite du « Vieux de la montagne » en relation avec le problème de l'origine du mot assassin .Voir page 266 : http://books.google.fr/books?hl=fr&id=qzsHAAAAQAAJ&q=assassin#v=snippet&q=assassin&f=false

9 Decroix, l'un des éditeurs de Kehl, proposait de mettre ensemençant. Beuchot a laissé semant, qu'on lit dans les éditions de Kehl.

 

je ne m'étais point imaginé que ce fût un homme qui se mêla de toiles

... Et oui, mon cher Volti, les hommes aussi savent tisser (demandez à Jacquard et aux araignées de Fort Boyard) et coudre parfois . Il en est même qui gagnent leur vie par la couture, haute couture, l'un des fleurons de la balance commerciale française .

Sur ce , il serait temps que j'aille me payer une toile !

 DSCF7303 toile.jpg

 

 

« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

25 juin [1759]

La méprise des lettres de change 1, mon cher correspondant, n'est que de Mme du Coudray à M. du Coudray ; je ne m'étais point imaginé que ce fût un homme qui se mêla de toiles . J'ose vous supplier, monsieur, de réparer ma faute et de vouloir bien faire écrire à ce M. du Coudray qu'on l'a pris jusqu'à présent pour une femme, et que c'est ce qui fait qu'il n'a pas reçu ses lettres de change . Voilà pour le présent tout ce que peut vous mander votre serviteur qui ne se porte pas trop bien et qui se ruine à acheter des prés et à mettre des pierres les unes sur les autres .

Votre très humble et obéissant serviteur

V. »