Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04/10/2014

J’expie autant que je peux par les plaisirs les barbaries dont j'attends des nouvelles

... Sinon je deviendrais dingue-méchant-con !

 

 

 

« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

4 septembre [1759]

Si vous n'avez pas fait usage mon cher correspondant des deux lettres de change de notre baron Labat, je vous prie de me les renvoyer .

Je crois que je recevrai aujourd'hui les fleurs pour le théâtre , et les pompons pour la cavalerie . J’expie autant que je peux par les plaisirs les barbaries dont j'attends des nouvelles . Je crains que le roi de Prusse n'ait donné une nouvelle bataille et qu'il ne l'ait perdue avec la tête ; après quoi les Autrichiens viendront nous demander compte du foin que nous avons mangé en Allemagne, le tout selon les lois du meilleur des mondes possibles .

Votre très humble serviteur

V. »

 

 

 

Que vous faites bien madame de vous délivrer de tous ces banquiers ! Les Olenslagers et tous les gens de son espèce auront à la fin tout l'argent de l'Europe

... Olenslagers et autres banquiers, essayez d'échapper à leurs griffes est tâche difficile sinon impossible, crise ou pas crise ils s'en sortiront plus gras que jamais, de toute éternité .

 

 

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha

Aux Délices 4 septembre [1759

Madame, je reçois la lettre dont Votre Altesse Sérénissime m'honore par les mains de l'avocat qu'elle a envoyé dans nos montagnes . Que vous faites bien madame de vous délivrer de tous ces banquiers ! Les Olenslagers et tous les gens de son espèce auront à la fin tout l'argent de l'Europe . Je n'ai nulle nouvelle du marchand baron, il est en pleine Suisse dans sa terre qu'il a gagnée à vendre paisiblement de la mousseline, tandis que tant de terres de ceux qui ne vendent que leur sang sont ravagées . Il sera sans doute fort aise lui-même du parti que Votre Altesse Sérénissime a pris . Je n'ai point vu encore celui qu'elle a envoyé . J'étais dans un de mes ermitages quand il me cherchait dans l'autre . Je l'attends aujourd'hui à dîner mais la poste partira avant qu'il arrive . C'est ce qui me détermine à écrire par le courrier qui d'ailleurs ira plus vite que lui .

J’eus l'honneur madame de vous écrire avant hier 1 et je pris la liberté de mettre dans le paquet une lettre qui peut n'être pas tout à fait inutile à la personne 2 qui la recevra . Vous vous intéressez à elle et je ne devrais pas m'y intéresser . Mais les affaires de ce monde tournent quelquefois d'une manière ridicule . Il est sans doute bien extraordinaire que je sois à portée de servir cette personne . Elle est très capable de n'en rien croire, car avec de très grandes qualités on a quelquefois des caprices . Je n'ose en dire davantage . Plût à Dieu, madame, que je puisse venir me mettre à vos pieds pendant quelques jours . Je me flatte que les yeux de la grande maîtresse des cœurs sont meilleurs que les miens . Ils vous voient tous les jours . Les miens sont punis d'avoir quitté votre cour .

Recevez, madame, les profonds respects de l'ermite V. avec votre indulgence ordinaire . »

1 Ou plutôt trois jours avant, lettre du 1er septembre 1759 :

2 Frédéric II, voir note de la lettre du 1er septembre 1759 à la duchesse,  ci-dessus .

 

Vite, beaucoup d'argent mon cher baron

... Et tant pis si vous ne n'êtes pas baron, même le dernier des prolétaires peut participer à l'effort, à Bercy on s'impatiente !

 

 

 

« A Jean-Louis Labat, baron de Grandcour

au château de Grandcour

route de Berne

4 septembre [1759]1

Vous ne m'avertissez pas, mon cher baron, que vous êtes remboursé . Mme la duchesse de Saxe me le mande . Je vous avoue que je suis enchanté de cette nouvelle plus que de celles des gazettes . J'étais sans ressource avec mon frontispice, mes colonnes et mes architraves . Vite, beaucoup d'argent mon cher baron . Moyennant ce divin remboursement, je n'ai plus besoin de vos 14900 livres en lettres de change . Je les fais revenir sous votre bon plaisir. Vos intérêts vous sont payés jusqu'au bout de l'année . Cela est très honnête . C'est un procédé très noble, et mon baron n'en aura jamais d'autres avec moi . Le rembourseur est ici . Je l'attends à dîner . J'ignore s'il a passé à Grandcour, et à qui il a donné l'argent . Je vous écris avant de le voir parce que la poste part .

Mille respects à madame et à mon appétissante 2. »

1 Manuscrit olographe sur lequel Labat a noté : « Voltaire le 4è septembre 1759 . R[épondu] 9 d[udi]t que je ne saurais reprendre les lettres sur Paris en ayant fait les fonds » . Le rembourseur est l'avocat envoyé par la duchesse de Saxe-Gotha .

2 La fille de Labat, Jeanne-Louise, qu'on a vue à propos de la lettre du 17 juillet 1758 à Labat : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/09/18/vous-vous-ferez-des-amis-nouveaux-et-c-est-un-agrement-de-pl.html