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10/10/2014

ce qui n'est qu'un éloge ne sert souvent qu'à faire valoir l'esprit de l'auteur

... [de l'éloge, bien entendu !] .

Mister Modiano, vous n'allez pas manquer de louangeurs , méfiat aussi de nos belles !!

Je n'ai rien lu qui sortit de votre plume, juste vu et apprécié Lacombe Lucien de Louis Malle . Si je vis assez vieux en gardant un minimum de lucidité, peut-être vous lirai-je, vous donnez le choix , mais vous venez en arrière-garde (non pas page de garde, mais quatrième de couverture) après Voltaire .

 OMG*  what happens ?

*(O My God)

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« A Ivan Ivanovitch Schouvalov

18 septembre 1759 par Genève

au château de Tournay

Monsieur, j'ai reçu le panégyrique de Pierre le Grand,1 que Votre Excellence a eu la bonté de m'envoyer ; il est bien juste qu'un homme de votre académie célèbre les louanges de cet empereur ; c'est par la même raison que les hommes sont obligés de chanter les louanges de Dieu, car il faut bien louer celui qui nous a formés . Il y a certainement de l'éloquence dans ce panégyrique, je vois que votre nation se distinguera bientôt par les lettres comme par les armes ; mais ce sera principalement à vous, monsieur, qu'elle en aura l'obligation ; je vous dois celle d'avoir reçu de vous des mémoires plus instructifs qu'un panégyrique ; ce qui n'est qu'un éloge ne sert souvent qu'à faire valoir l'esprit de l'auteur, le titre seul avertit le lecteur d'être en garde , il n’y a que les vérités de l'histoire qui puissent forcer l'esprit à croire et à admirer . Le plus beau panégyrique de Pierre le Grand à mon avis est son journal 2 dans lequel on le voit toujours cultiver les arts de la paix au milieu de la guerre, et parcourir ses États en législateur tandis qu'il les défendait en héros contre Charles XII.

J'attends toujours vos nouveaux mémoires avec l'empressement du zèle que vous m’avez inspiré : je me flatte que j'aurai autant de secours pour les évènements qui suivirent la bataille de Pultava que j'en ai eu pour ceux qui la précèdent . Ce sera une grande consolation pour moi que de pouvoir achever ma carrière par cet ouvrage . Ma vieillesse et ma mauvaise santé me font connaître que je n'ai pas de temps à perdre ; mais ce n'est pas là le plus grand motif de mon empressement ; je suis impatient de répondre si je le puis, monsieur, à la confiance que vous avez voulu me témoigner, et de satisfaire votre goût autant que je suivrai vos intentions .

Voici, monsieur, un moment bien glorieux pour Votre Auguste Impératrice et pour la Russie . C'est la destinée de Pierre le Grand et de sa digne fille de rétablir la maison de Saxe dans ses États .

J'ai l'honneur d'être avec l'estime la plus respectueuse et touts les sentiments que vous méritez

monsieur

de Votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire . »

1 Ce panégyrique, sans doute manuscrit envoyé par Schouvalof en même temps que sa lettre du 14 août 1759, et peut-être extrait d'un ouvrage plus important, est de Mikhaïl Vassilievitch Lomonosof, poète et polygraphe[voir : http://www.universalis.fr/encyclopedie/mikhail-vassilievi... et http://fr.wikipedia.org/wiki/Mikha%C3%AFl_Lomonossov ]. Schouvalof disait de ce texte dans sa lettre : « Il servira au moins monsieur à vous donner une idée de notre langue et de sa construction, vous verrez qu'elle n'est point à beaucoup près si pauvre que nous l'annonce l'Histoire de Brandebourg, qui dit que nous n'avons point des mots pour exprimer l'honneur et la vertu . »

De fait, Frédéric II avait écrit « l'honneur et la bonne foi » ; voir Œuvres de Frédéric , I, 150 :voir : http://friedrich.uni-trier.de/de/oeuvres/1/150/text/

 

Quand on se trouve en état de faire du bien à une demi-lieue de pays cela est fort honnête

... Faire le bien, ne serait-ce qu'à ses voisins, combien sommes-nous à penser comme Voltaire et surtout à agir comme lui ? Cet homme d'esprit ne manquait surtout pas de coeur .

 Celui qui suit, (lui/luit  avec le Saint Esprit), non plus .

 abbé pierre bien autre.png

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

Délices 17 septembre [1759]

Il y a bien longtemps que je ne vous ai écrit, mon cher et ancien ami, mais je suis le rat des champs et vous le rat de ville .

Rusticus urbanum murem mus paupere fertur

Accepisse cavo veterem vetus hospes amicum .1

Vous n'en avez pas tant fait . Vous avez laissé là votre rat des champs . Ce n'est pourtant pas comme un rat piqué de votre négligence qu'il n'a point écrit, c'est qu'il a été fort occupé dans tous ses trous . Car tandis que votre destinée vous a fait faire le long voyage de la rue Saint-Honoré à l'Arsenal 2 et que vous avez ainsi couru d'un pôle à l'autre, j'ai bâti, labouré, planté et semé .

Rident vicini glebas et saxa moventem .3

Vous êtes retiré dans Paris monsieur le paresseux . Vous philosophez à votre aise chez M. de Paulmy,4 mais moi il faut que je visite mes métairies ; que je guérisse mes paysans et mes bœufs quand ils sont malades, que je marie des filles, que je mette en valeur des terres abandonnées depuis le déluge . Je vois autour de moi la plus effroyable misère dans le pays le plus riant . Je me donne des airs à remédier un peu à tout le mal qu'on a fait pendant des siècles . Quand on se trouve en état de faire du bien à une demi-lieue de pays cela est fort honnête . J'entends parler de gens qui vous ravagent, qui vous appauvrissent des deux ou trois cents lieues ou avec leur plume ou avec des canons . Ces gens-là sont des héros, des demi-dieux à pendre , mais je les respecte beaucoup . On dit qu'à Paris vous n'avez ni argent ni sens commun . On dit que vous êtes malmenés sur terre et sur mer . On dit que vous allez perdre le Canada . On dit que vos rentes, vos effets publics courent grand risque . Quand je dis vous, j'entends nous, car je vogue dans le même vaisseau . Mais en qualité de pauvre ermite habitant de frontière je parle respectueusement devant un habitant de la capitale .

Comme il faut lire quelquefois après avoir conduit sa charrue et son semoir, dites-moi je vous en prie ce que c'est qu'une histoire des jésuites , ou la morale des jésuites, ou des dogmes des jésuites prouvés par les faits, en trois ou quatre volumes . En un mot c'est une compilation de tout ce qu'ils ont fait de mémorable depuis frère Guignard jusqu'à frère Malagrida 5. J'ai demandé ce livre à Paris mais je n'en sais pas e titre .

Quid novi ?6 Comment vous portez-vous? n'êtes vous pas gras à lard , et assez honnêtement heureux ? Si ita est congratulator . Farewell my dear .7

V. »

1 On dit qu'un rat des champs reçut un rat des villes dans son pauvre trou, vieil hôte traitant un vieil ami ; Horace, Satires, II, vi, 80-81 : voir : http://www.poetryintranslation.com/PITBR/Latin/HoraceSatiresBkIISatVI.htm#_Toc98155109

3 Les voisins rient de le voir remuer les mottes de terre et les pierres ; Horace, Épîtres, I, xiv, 39 : « à l'intendant de sa terre » : http://www.espace-horace.org/trad/patin/epitres1.htm#xiv

4 Réponse de Thieriot, du 4 octobre 1759 : « M. le marquis de Paulmy n'a guère le loisir de philosopher . Il est tout absorbé dans les affaires de l'ambassade qu'il va faire . Il m'a dit de vous offrir ses services dans ces pays-là […] Nous sommes une demi-douzaine de philosophes dans son voisinage qui n'approuvent pas non plus que M. le comte d'Argenson son ardeur pour la politique [...] »

Paulmy fut ambassadeur de France en Pologne de 1759 à 1765 : http://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine-Ren%C3%A9_de_Voyer_de_Paulmy_d%27Argenson

5 Voir lettre de février 1759 à François Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/03/20/tachez-de-nous-honorer-dimanche-de-votre-presence-reelle-5327905.html

La description de V* peut correspondre à plusieurs ouvrages sur le sujet, et la réponse de Thieriot ne nous renseigne guère plus : « L'histoire des jésuites en 4 vol. n'est pas de fraiche date . Il y a trois ans qu'elle a été achevée . », « Il a paru depuis peu les Jésuites convaincus de lèse-majesté par théorie et par pratique […] Il y a aussi un livre en 2 vol . sous le titre de Problème de la morale […] Il s’est publié aussi une grande quantité de brochures depuis l'affaire de Portugal ... » Le premier de ces livres est Les Jésuites criminels de lèse-majesté dans la théorie et dans la pratique, 1758 ; l'autre na pas été identifié .Voir : http://books.google.fr/books?id=x2k9AAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

6 Quoi de neuf ?

7 S'il en est ainsi je te félicite . Adieu mon cher .