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14/11/2014

j'attends quelque chose de mieux que vos ordres

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Un peu d'explications ne serait pas superflu ! dit la Russie à la France qui n'a pas (pas encore) livré le Mistral payé en son temps ; selon quelques bruits de couloir (rhodanien, vu le contexte ) on aurait essayé de leur refiler le bistrot de Plus Belle la Vie, ça n'a pas marché, pas assez de vodka dans le pastis . 

 

 

 

 

« Au marquis Francisco Albergati Capacelli

Au château de Tournay par Genève

6 novembre [1759] 1

Monsieur, une indisposition me prive de l'honneur de vous écrire de ma main . Mes marchés avec vous ne sont pas si bons que je m'en flattais, puisque ce n'est pas vous qui daignerez traduire la tragédie que vous m'avez demandée 2; vous l'auriez sûrement embellie ; nous l’avons jouée trois fois sur mon petit théâtre de Tournay , nous avons fait pleurer tous les Allobroges et tous les Suisses du pays 3; mais nous savons bien que ce n'est pas une raison pour plaire à des Italiens ; ce qui pourrait me donner quelque espérance c'est que nous avons tiré des larmes des plus beaux yeux qui soient à présent dans les Alpes, ces yeux sont ceux de madame l'ambassadrice de France à Turin ; elle a passé quelques jours chez moi avec monsieur l’ambassadeur et tous deux m'ont rassuré contre la crainte où j'étais de vous envoyer un ouvrage fait en si peu de temps . Ce ne sera qu'avec une extrême défiance de moi-même que je prendrai cette liberté . Mon théâtre se prosterne très humblement devant le vôtre ; nous savons ce que nous devons à nos maîtres . J'ai reçu La Mort de César de M. Agostini 4, j'admire toujours la fécondité et la flexibilité de votre langue, dans laquelle on peut tout traduire heureusement . Il n'en est pas ainsi de la nôtre, votre langue est la fille aînée de la latine . Au reste , j'attends vos ordres, monsieur, pour savoir comment je vous adresserai le paquet ; j'attends quelque chose de mieux que vos ordres, c'est l'ouvrage que vous avez bien voulu me promettre 5. J'ai l'honneur d'être à vous avec tous les sentiments que je vous dois

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

gentilhomme ordinaire de la

chambre du roi

Si M. Algarotti est à Bologne, voulez-vous bien me permettre que je lui fasse mes compliments .

J'ai vu, monsieur, dans vos post-scriptum comment il faut s'y prendre pour l’envoi et j'en profiterai . »

1 Les précédentes éditions s'arrêtent à la signature .

2 Voir la lettre du 24 septembre 1759 à Capacelli : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/10/11/ma-jo-voglio-fare-un-buon-baratto-e-guadagnare-un-poco-in-qu-5465988.html

Dans sa lettre du 10 septembre 1759, Capacelli demandait à V* une tragédie inédite pour la faire représenter à Bologne .

3 Dans son numéro du 27 novembre 1759, le Public advertiser de Londres fit paraître la relation suivante : « Genève, 6 novembre . Deux jours après que l’on eût reçu ici la nouvelle de la prise de Québec, M. de Voltaire donna une grande réception dans sa maison de campagne . Le soir , la compagnie se rendit dans une magnifique galerie au bout de laquelle était dressé un élégant théâtre et une pièce nouvelle appelée Le Patriot [sic] insulaire fut représentée dans laquelle ce célèbre poète employa tout son génie et toute sa fougue pour la cause de la liberté . M. de Voltaire lui-même apparut dans le rôle principal, et tira des larmes à tous les spectateurs . Chaque scène était illustrée par divers emblèmes de la liberté, et au-dessus du théâtre il y avait l'inscription suivante en latin et en anglais : / Libertati quieti / Music sacrum / SP of the F. / La ligne en anglais signifie « en dépit des Français » [spite of the French] [traduction des deux premières lignes : consacré à la liberté/ à la paix, aux Muses ] . Après la représentation les fenêtres de la galerie s'ouvrirent d'un coup et montrèrent une cour spacieuse splendidement illuminée et ornée de trophées indiens . Au milieu de la cour un magnifique feu d’artifice fut tiré au son d'une musique martiale ; l'étoile de saint Georges vomissait d'innombrables fusées , et, en dessous, des girandoles donnaient une représentation vivante de la cataracte du Niagara . »

Or la pièce jouée n'était-elle pas Tancrède ?

5 Les deux lettres conservées d''Albergati à V*, 22 novembre 1759 et 8 septembre 1759 ne promettent expressément aucun ouvrage ; V* pense sans doute à la traduction de Sémiramis qui a été composée par Dominique Fabri en vue des représentations organisées à Bologne par Albergati .

 

 

J'y vais mettre ordre et rentrer sous les lois de l'académie de lésine

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« A Jean-Robert Tronchin

Vos Délices, mon cher ami, ont été assez magnifiques ces jours-ci . Sans doute monsieur votre frère vous rend compte de nos plaisirs . M. de Chauvelin ne sera pas probablement secrétaire d’État 1 mais il sera toujours un homme d'un très grand crédit et ce qui le vaut mieux un homme très aimable . Sa femme est charmante . Je crois qu'ils ne sont pas mécontents de la réception que nous leur avons faite . Je vous avoue que je rougis de mes plaisirs et de mes dépenses . J'y vais mettre ordre et rentrer sous les lois de l'académie de lésine . On ne peut mieux prendre son temps . Le discrédit, l'humiliation, sont au comble . Chaque jour annonce un nouveau malheur . Tant de pertes, tant de maux saisissent si pleinement les cœurs qu'à peine parle-t-on du vaisseau chargé de jésuites, et des révérends-pères qu'on va pendre .

Je vous prie, mon cher correspondant, de faire mettre l'incluse à la poste . Mille compliments à vous et à monsieur Camp . L'oncle et la nièce sont à vous pour jamais .

V. 

5 novembre [1759]»

1 François-Claude de Chauvelin, frère de l'intendant des finances et de l'abbé. Il était ambassadeur auprès du roi de Sardaigne depuis le mois de mars 1753, et il avait épousé, en avril 1758, Agnès-Thérèse Mazade d'Argeville, fille d'un conseiller au parlement. Il fut plus tard maître de la garde-robe du roi Louis XV, sous les yeux duquel il mourut en novembre 1773. Le Dictionnaire de la noblesse donne au marquis de Chauvelin les prénoms de Bernard-Louis. Le marquis de Chauvelin, ancien député, mort en 1832, est son fils. (Clogenson.)

 

Il vaut cent fois mieux , en quelque temps que ce soit avoir des terres que des billets du roi

... Belle sagesse en tout temps .

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« A Jean-Louis Labat, baron de Grandcour

à Genève

ou à Sécheron 1

Pourquoi n'avons-nous pas entendu parler du baron que nous aimons ? Comment se porte toute sa famille ? Il me semble que nous avons bien des choses à nous dire . Nous avons eu tous un beau pied de nez d'avoir confié notre argent aux loteries et aux annuités ; nous avons prêté notre bien à un prodigue imbécile qui se ruinait ; comptez que nos fiances sont dans un état pire qu'à la mort de Louis XIV . Il vaut cent fois mieux , en quelque temps que ce soit avoir des terres que des billets du roi . Si vous avez des nouvelles, je vous supplie d'en faire part à l'ermite des Délices .

5è novembre 1759 »

1 Ou à Sécheron a été ajouté par V* sur le manuscrit original .