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23/05/2015

celui qu'on va pendre ne doit pas pérorer longtemps : tout sermon est ennuyeux

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL.
Aux Délices, 25 mai 1760
Je n'aime point, mon divin ange, que Mme Scaliger soit toujours malade : cela nuit beaucoup à la douceur de ma vie.
Vous êtes un homme bien hardi de vouloir faire jouer la Mort de Socrate ; vous êtes un anti-Anitus. Mais que dira maître Anitus- Joly de Fleury ? Ce Socrate est un peu fortifié depuis longtemps par de nouvelles scènes, par des additions dans le dialogue. Toutes ces additions ne tendent qu'à rendre les persécuteurs plus ridicules et plus exécrables ; mais aussi elles ne contribueront pas à les désarmer. Les Fleury feront ce qu'ils firent à Mahomet, et ce pantalon de Rezzonico ne fera pas pour moi ce que fit ce bon polichinelle de Benoît XIV. Voyez ce que vous pouvez hasarder. Je suis à vos ordres avec toute la témérité possible. Je vous avertis seulement que les déclamations de Socrate, sur la fin, doivent être bien courtes, et que celui qu'on va pendre ne doit pas pérorer longtemps : tout sermon est ennuyeux.
Si vous avez la probité et le courage de faire jouer ce bon pasteur Hume 1, il n'y a qu'à donner à Fréron le nom de guêpe, au lieu de frelon ; M. Guêpe fera le même effet. Quant au petit procès-verbal des raisons pourquoi cette Lindane est à Londres, c'est l'affaire d'un moment. Les Français aiment donc ces procès-verbaux ; les Anglais ne s'en soucient guère. Lindane est à Londres ; on ne se soucie point de savoir comment elle y est arrivée d'Écosse ; et toutes ces vétilles ne font rien à l'intérêt et au succès. Mais, si vous exigez ces préliminaires, vous serez servi, et vite.

26 mai.
On pourrait rendre le Droit du Seigneur très-intéressant au troisième acte. Cette pièce fut jetée en sable 2; elle n'a jamais coûté quinze jours. On peut aisément donner quelques coups de ciseau ; vous serez encore servi sur cet article quand vous voudrez.
Très-bonne idée, excellente idée de reculer Médime: elle n'en vaudra que mieux ; on aura le temps de la coiffer; elle ne paraîtra point immédiatement après l'infamie contre les philosophes, et j'aurai la gloire de n'avoir pas voulu que les comédiens profitassent de ma pièce après s'être déshonorés en se prêtant, pour de l'argent, au déshonneur de la nation.
Mon très-cher ange, voilà une vilaine époque. La pièce de Palissot, le discours de maître Joly, celui de maître Lefranc de Pompignan, mettent le comble à l'ignominie de la France; cela vient tout juste après Rosbach, les billets de confession, et les convulsions.
M. de Choiseul est-il bien affligé de la maladie de Mme de Robecq ? Je la tiens morte; c'est la maladie de sa mère 3. C'est bien dommage; mais pourquoi protéger Palissot? Hélas! M. de Choiseul protège aussi ce Fréron. Il a bien mal fait de s'adresser à lui pour répondre aux invectives horribles de Luc contre le roi ; il ne connaît pas Fréron ; c'est un monstre, mais un monstre dont je ne fais que rire. Je ris de tout; je m'en trouve bien; mais c'est bien sérieusement que je vous aime avec la plus grande tendresse. »

1 V* avait publié L'Ecossaise sous le nom de Hume .

2 Terme de fonderie : la matière en fusion est jetée dans un moule de sable, et l'oeuvre n'est donc pas finie .

3 La duchesse de Luxembourg, morte en 1747.