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02/07/2015

Contremandez vos Anglais je vous en prie caro Gabriele car ils ne trouveront personne

... Si jamais ils sortent de la CEE !

 

 

« A Gabriel Cramer

[juin/juillet 1760] 1

Vraiment j'avais oublié que nous allions aujourd'hui dîner chez Me d'Albertas, et que nous lui donnons à souper . Contremandez vos Anglais je vous en prie caro Gabriele car ils ne trouveront personne . Je vous prie de ne pas laisser aller ailleurs Le Russe parisien, et vale . »

1 La date est déduite de la référence au Russe parisien .

 

 

Paris est, l'hiver et l'été, le centre du ridicule

... Je confirme !

 

 

« A Marie-Ursule de Klinglin , comtesse de

Lutzelbourg

à l'île Jard

à Strasbourg

Vous m'avez envoyé, madame, la plus grosse face qui soit à Strasbourg . Oh que ce Flocart a bien l'air du secrétaire d'un intendant ! Je l'ai reçu de mon mieux . Il m'a paru enchanté de mon pays . En effet c'est la plus jolie nature du monde, et personne ne se vante d’avoir une plus belle situation que moi . Je voulais cependant la quitter , mais je suis arrêté par mes bâtiments jusqu'au mois de septembre . J'espère bien avoir l'honneur de vous faire ma cour à l'île Jard . Je ne sais pas encore bien positivement si on a repris la ville de Québec . En tout cas cela n'est bon à reprendre que l'été . Je ne vois pas ce qu'on peut faire de ce vilain pays en hiver .

Paris est, l'hiver et l'été, le centre du ridicule . Ramponneau, cabaretier de La Courtille, a occupé la cour et la ville . Les convulsionnaires qui se crucifient ont un grand parti , et La Tournelle ne sait pas trop comment les juger . Les jésuites sont poursuivis par les apothicaires pour avoir vendu du vert-de-gris 1, et sont accusés d’empoisonner les corps après l'avoir été jadis d'empoisonner les âmes . On s'est mangé le blanc des yeux pour une mauvaise comédie . Tout cela est bon, mais il nous faudrait la paix et de l'argent .

Portez-vous bien madame, et vivez pour voir des temps plus heureux et moins sots .

V.

Aux Délices 2 juillet [1760] »

1 On avait saisi des drogues, à la requête des apothicaires , chez les jésuites de la rue Saint-Antoine le 14 mai 1760 ; V* fait état de ce fait dans le Pot pourri .

 

quand pourra-t-il lui faire l'honneur de venir dîner aux Délices avec Mme

... Le plus tôt sera le mieux .

 

« A François Tronchin

[vers 1760]1

M. de Voltaire fait bien des compliments à monsieur le conseiller Tronchin ; quand pourra-t-il lui faire l'honneur de venir dîner aux Délices avec Mme Tronchin ? »

1 Manuscrit sur le dos d'une carte à jouer .

 

 

si les communes lui font tort c'est à elles seules qu'il doit s'en prendre

...

 

 

« A Pierre Pictet

[vers 1760]1

Mon cher voisin, voici une pièce qui je crois répond à tout . Vous connaissez mon attachement respectueux pour tout ce qui porte votre nom, et particulièrement 2 pour M. le colonel Pictet qui m'a toujours honoré de ses bontés . S'il m'avait instruit plus tôt, j'aurais exécuté plus tôt ses volontés . Vous voyez bien qu'il ne doit pas s'en prendre à moi , et que si les communes lui font tort c'est à elles seules qu'il doit s'en prendre . Au reste il n'y aura jamais d'occasion où je ne lui donne toutes les preuves possibles de mon dévouement . Recevez mes tendres respects . Nous avons à dîner toute votre aimable famille , mais je ne pourrai boire à votre santé, attendu que je ne peux manger ni boire .

V. »

1 La lettre a été écrite dans un moment où V* est encore dans les meilleurs termes avec Charles Pictet, ce qui infirme l'hypothèsede Havens, lequel la met en rapport avec les évènements du début 1762 .

2 V* a d'abord commencé à écrire surt(out).

 

faire sentir à l'insolent curé de Versoy qu'il ne lui appartient pas de vous empêcher de rendre des visites à une fille

... Est-il encore des curés ainsi faits ? Oui, hélas .

Est-il des filles qui rendent visite au(x) garçon(s) ? Oui, heureusement, peut-être .

 

 

« A Louis-Amable Deprez de Crassier

Vous m'avez promis, monsieur, vos bons offices dans l'occasion . Je vous en demande un avec instance . C'est de faire sentir à l'insolent curé de Versoy qu'il ne lui appartient pas de vous empêcher de rendre des visites à une fille . Ces drôle-là se mettent à faire la police . Il faut leur apprendre à ne se mêler que de dire la messe . Je vous demande cette grâce instamment .

Votre très humble obéissant serviteur

V.

Aux Délices [vers 1760] 1»

1 On trouve des éditions datant cette lettre de 1764 ?, changé en 1761, probablement par une confusion entre les curé de Moëns et de Versoy .

 

il est à présumer que cette bêtise insolente n'a fait nul bruit mais il est bon de voir si demain on n'en parlera pas

... C'est ce  à quoi aurait dû/devrait  réfléchir Marine Le Pen un peu plus souvent !

 

 

« « A Gabriel Cramer

[vers 1760 ] 1

Je crois que mon cher Gabriel devrait passer aujourd'hui chez Duvillard 2 pour voir si la gazette de demain ne parle pas des frères Cramer, et supprimer l'article . La dernière n'en dit mot . Cependant il y a un article du 6 Paris . L'impertinence est du 3 . donc il est à présumer que cette bêtise insolente n'a fait nul bruit mais il est bon de voir si demain on n'en parlera pas .

Je pense qu'il faut célérité pour ce que vous savez, et serez bien en cour . Quid nunc 3? »

 

1 Le manuscrit olographe a appartenu à Flaubert ; la date proposée est approximative ; sur la troisième page, V* a écrit « bravo cela coûtera. »

2 Emmanuel Duvillard avait obtenu le 24 juin 1752 la permission d'imprimer une Feuille d'avis ; il possédait déjà l'autorisation de vendre la Gazette de Hollande . Les premiers exemplaires conservés de la Feuille d'avis ne remontant qu'à 1774, il est impossible de savoir à que numéro se réfère V*.

3 Et quoi maintenant ?

 

Il est un peu fâcheux pour la nature humaine, j'en conviens avec vous, que l'or fasse tout, et le mérite presque rien ; que les vrais travailleurs derrière la scène, aient à peine une subsistance honnête ,

... Rien de nouveau sous le soleil vert !

 

 

« A Jean-François de Bastide

[vers 1760 ?] 1

Je n'imagine pas, monsieur le spectateur du monde 2, que vous projetiez de remplir vos feuilles du monde physique . Socrate, Epictète et Marc Aurèle laissaient graviter toutes les sphères les unes sur les autres, pour ne s'occuper qu'à régler les mœurs . Est-ce donc le monde moral que vous prenez pour objet de vos spéculations ? Mais que lui voulez-vous à ce monde moral, que les précepteurs ds nations ont déjà tant sermonné avec tant d'utilité ?

Il est un peu fâcheux pour la nature humaine, j'en conviens avec vous, que l'or fasse tout, et le mérite presque rien ; que les vrais travailleurs derrière la scène, aient à peine une subsistance honnête , tandis que des personnages en titre fleurissent sur le théâtre ; que les sots soient aux nues, et les génies dans la fange ; qu'un père déshérite six enfants vertueux, pour combler de bien un premier-né qui souvent le déshonore ; qu'un malheureux qui fait naufrage, ou qui périt de quelque autre façon dans une terre étrangère, laisse au fisc de cet État la fortune de ses héritiers .

On a quelque peine à voir, je l'avoue encore, ceux qui labourent dans la disette, ceux qui ne produisent rien dans le luxe ; de grands propriétaires qui s'approprient jusqu'à l'oiseau qui vole, et au poisson qui nage ; des vassaux tremblants qui n'osent délivrer leurs moissons du sanglier qui les dévore ; les fanatiques qui voudraient brûler tous ceux qui ne prient pas Dieu comme eux ; des violences dans le pouvoir, qui enfantent d'autres violences dans le peuple ; le droit du plus fort faisant la loi, non seulement de peuple à peuple, mais encore de citoyen à citoyen .

Cette scène du monde, presque de tous les temps et de tous les lieux, vous voudriez la changer ! Voilà vote folie , à vous autres moralistes . Montez en chaire avec Bourdaloue , ou prenez la plume avec La Bruyère ; temps perdu ; le monde ira toujours comme il va . Un gouvernement qui pourrait pourvoir à tout, en ferait plus en un an que tout l'ordre des frères prêcheurs n'en a fait depuis son institution . Lycurgue, en fort peu de temps, éleva les Spartiates au-dessus de l’humanité . Les ressorts de sagesse que Confucius imagina, il y a plus de deux mille ans, ont encore leur effet en Chine .

Mais comme ni vous ni moi ne sommes faits pour gouverner, si vous avez de si grandes démangeaisons de réforme, réformez nos vertus, dont les excès pourraient à la fin préjudicier à la prospérité de l’État . Cette réforme est plus facile que celle des vices . La liste des vertus outrées serait longue, j'en indiquerai quelques unes, vous devinerez aisément les autres .

On s'aperçoit en parcourant nos campagnes que les enfants de la terre ne mangent que fort en-dessous du besoin : on a peine à concevoir cette passion immodérée pour l'abstinence . On croit même qu'ils se sont mis dans la tête qu'ils seront plus sains en faisant jeûner les bestiaux .

Qu'arrive-t-il ? Les hommes et les animaux languissent, leurs générations sont faibles, les travaux se suspendant, et le culture en souffre .

La patience est encore une vertu que les campagnes outrent peut-être : si les exacteurs des tributs s’en tenaient à la volonté du prince, patienter serait un devoir ; mais questionnez ces bonnes gens qui nous donnent du pain, ils vous diront que la façon de lever les impôts est cent fois plus onéreuse que le tribut même . La patience les ruine, et les propriétaires avec eux .

La chaire évangélique a cent fois reproché aux grands et aux rois leur dureté envers les indigents . Cette capitale s’est corrigée à toute outrance : les antichambres regorgent de serviteurs mieux nourris, mieux vêtus que les seigneurs des paroisses d'où ils sortent . Cet excès de charité ôte des soldats à la patrie, et des cultivateurs aux terres .

Il ne faut pas, monsieur le spectateur du monde , que le projet de réformer nos vertus vous scandalise . Les fondateurs des ordres religieux se sont réformés les uns les autres .

Une autre raison qui doit vous encourager, c'est qu'il est peut-être plus facile de discerner les excès du bien que de prononcer sur la nature du mal . Croyez-moi, monsieur le spectateur, je ne saurais trop vous le dire, attachez-vous à réformer vos vertus, les hommes tiennent trop à leurs vices . »

1 La copie Beaumarchais date la lettre de 1758 ; Kehl, de la fin de la même année ; les éditions modernes de novembre 1760 ; en l'absence d'évidence on a adopté une date intermédiaire .

2 Bastide avait publié huit volumes du i. 1758-1760, que suivirent deux volumes du Monde comme il est , 1760 et deux volumes du Monde, 1761