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04/07/2016

Le fait est qu’il est mort, et que je le regrette parce qu’il n’était ni fanatique ni fripon.

... Ce Michel Rocard, que j'ai détesté parfois, et apprécié toujours pour son honnêteté  .  Il va malheureusement avoir droit à une foule de discours et épitaphes à la noix de coco de la part de toute la classe politique . Heureusement, pas plus que lui, je ne les écouterai ni ne les lirai, la vie est trop courte .

 http://www.liberation.fr/france/2016/07/03/michel-rocard-...

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En tout cas je n'aurais pas eu honte de l'avoir dans ma famille .

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

2 august [1761] 1

Votre grand-chambrier d’Héricourt 2 vient de mourir, mon cher ange, après s’être lavé les jambes dans notre lac, pour son plaisir. Tronchin dit que c’est pour s’être lavé les jambes. Le fait est qu’il est mort, et que je le regrette parce qu’il n’était ni fanatique ni fripon.

Enfin donc ce que j’ai prédit depuis deux ans est arrivé ; je criais toujours, Pondichéri ou Pontichéri et, dans toutes mes lettres, je disais : Prenez garde à Pontichéri ! Ceux qui avaient partie de leur fortune sur la compagnie des Indes n’ont qu’à se recommander aux directeurs de l’hôpital. On a bien raison d’appeler son bien fortune, car un moment le donne, un moment l’ôte. Vous devez avoir eu une semaine brillante à Paris ; il me semble qu’en huit jours vous avez eu un lit de justice 3, la nouvelle d’une bataille perdue 4, la nouvelle de Pondichéri 5, celle des Iles Sous le Vent 6, celle de la flotte anglaise arrivée devant Oléron, et une comédie de Saint-Foy 7.

Il n’y a pas de quoi rire à tout cela. J’ai le cœur navré. Nous ne pouvons avoir de ressource que dans la paix la plus honteuse et la plus prompte. Je m’imagine toujours, quand il arrive quelque grand désastre, que les Français seront sérieux pendant six semaines. Je n’ai pu encore me corriger de cette idée. Je crois voir tout le monde morne et sans argent, et de là j’infère qu’il ne faut pas précipiter les représentations de la pièce du petit Hurtaud, que, par parenthèse, les comédiens attribuent à Saurin et à Diderot. Préville, qui a le nez plus fin, soutient qu’elle est de votre marmotte des Alpes. Dieu veuille lui ôter de la tête cette opinion ! Mademoiselle Dangeville est fâchée que son rôle de Colette ne soit pas le premier rôle . On aura de la peine à l’apaiser.

M. le duc de Choiseul a bien voulu me mander 8 que les souscriptions cornéliennes vont à merveille. Il y a donc quelque chose qui va bien à Paris. On parle, dans nos rochers, de certaines petites brouilleries 9 qui ont retenti jusqu’aux Alpes. Je crains que M. le duc de Choiseul ne se dégoûte, et qu’il ne quitte un poste fatigant, comme un médecin, appelé trop tard, abandonne son malade . J’en serais inconsolable.

Aimons le théâtre ; c’est la seule gloire qui nous reste. J’en suis à Héraclius . Je commence à l’entendre. En vérité, il n’y a de beau dans cette pièce que quatre vers traduits de l’espagnol. Quand on examine de près les pièces et les hommes, on rabat un peu de l’estime. Il n’y a que mes anges qui gagnent à être vus tous les jours. Mais comment vont les yeux ?

Voici un gros paquet pour notre Académie. Jugez, mes anges . J’ai autant de foi, pour le moins, à vous qu’à elle.»

 

1 Pour la manière dont V* écrit le mois d'août, voir lettre du 3 août 1760 à d'Argental : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1760-partie-25-120558769.html

2 Le 3 juillet 1761, le premier syndic rapporte au Conseil qu'il a reçu la visite du chevalier Bénigne-Jérôme Du Trousset d'Héricourt, de son frère cadet François-Bénigne, et de l'abbé Quesnel (Archives , Genève CCLXI ).Voir : http://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr&p=benigne+jerome&n=du+trousset+d+hericourt

et : http://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr&p=francois+benigne&n=du+trousset+d+hericourt

4 La bataille de Kirch-Dinker, gagnée, le 16 Juillet, par le prince Ferdinand.

5 Pris le 15 Janvier 1761.

6 En particulier, La Dominique prise le 6 juin 1761.

7 Le Financier, joué comme « petite pièce » le 20 Juillet 1761.

9 Les relations entre le duc de Choiseul et Mme de Pompadour avaient connu une phase difficile .