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08/09/2016

Je viens de bâtir une église où j'aurai le ridicule de me faire enterrer

...  "Et voici un parti où j'aurai le ridicule de me faire élire " dirait Nico Ier s'il était moins imbu de sa petite personne et moins charognard , repris de justice, tricheur avéré . Et il en est qui osent encore l'écouter et le vouloir pour président . Que faire pour ces gens bornés ? Rien ! qu'ils se prennent une tannée électorale, et basta !

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« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville, ancien conseiller

du Parlement de Rouen

En sa terre de Launay

Par Rouen

23è septembre 1761 au château de Ferney

par Genève 1

Mon ancien camarade, mon cher ami, nos recevrons toujours à bras ouverts, quiconque viendra de votre part . Il est vrai que nous aimerions bien mieux vous voir que vos ambassadeurs ; mais ma faible santé me retient dans la retraite que j'ai choisie . Je viens de bâtir une église où j'aurai le ridicule de me faire enterrer, mais j'aime mieux le monument que j'érige à Corneille votre compatriote . Je suis bien aise que l'indifférent Fontenelle m’ait laissé le soin de Pierre et de sa nièce . L'un et l'autre amusent beaucoup ma vieillesse . Je vous exhorte à lire Pertharite avec attention . Lisez du moins le second acte et quelque chose du troisième . Vous serez tout étonné de trouver le germe entier de la tragédie d'Andromaque, les mêmes sentiments, les mêmes situations, les mêmes discours . Vous verrez un Grimoald jouer le rôle de Pyrrhus avec une Rodelinde, dont il a vaincu le mari qu'on croit mort . Il quitte son Edvige pour Rodelinde, comme Pyrrhus abandonne son Hermione pour Andromaque . Il menace de tuer le fils de sa Rodelinde, comme Pyrrhus menace Astyanax . Il est violent, et Pyrrhus aussi . Il passe de Rodelinde à Edvige, comme Pyrrhus d'Andromaque à Hermione .
Il promet de rendre le trône au petit de Rodelinde, Pyrrhus en fait autant, pourvu qu'il soit aimé . Rodelinde dit à Grimoald (scène 5è du 2è acte),

N'imprime point de tache à tant de renommée etc.

Andromaque dit à Pyrrhus :

Faut-il qu'un si grand cœur montre tant de faiblesse ?

Et qu'un dessein si beau, si grand, si généreux,

Passe pour le transport d'un esprit amoureux ? etc.

Ce n'est pas tout . Edvige a son Oreste . Enfin , Racine a tiré tout or du fumier de Pertharite , et personne ne s'en était douté, pas même Bernard de Fontenelle, qui aurait été bien charmé de donner quelques légers coups de patte à Racine .

Vous voyez mon cher ami, qu'il y a des choses curieuses, jusque dans la garde-robe de Pierre . La comparaison que je pourrai faire de lui et des Anglais, ou des Espagnols, qui auront traité les mêmes sujets, sera peut-être agréable . À l'égard des bonnes pièces je ne fais aucune remarque sur laquelle je ne consulte l'Académie . Je lui ai envoyé toutes mes notes sur Le Cid, les Horaces, Pompée, Polyeucte, Cinna, etc.

Ainsi mon commentaire pourra être à la fois un art poétique et une grammaire .

Il n'est question que du théâtre, je laisse là l'imitation de Jésus-Christ, et je m'en tiens à l'imitation de Sophocle . Vous me ferez pourtant plaisir de m'envoyer la description du Presbytère d'Hénouville 2 . Je ne crois pas que je chante jamais les presbytères de mes curés ; je leur conseille de s'adresser à leurs grenouilles, mais je pourrais bien chanter une jolie église que je viens de bâtir, et un théâtre que j'achève .

Je vous prie, mon cher ami, si vous m'envoyez Le Presbytère de me l'adresser à Versailles chez M. de Chennevières, premier commis de la guerre , qui me le fera tenir avec sureté .

Mme Denis qui joue la comédie mieux que jamais, et qui est notre Clairon, vous fait mille compliments .

On va reprendre encore Oreste à la ComédieFrançaise 3. Il est vrai que j'ai bien fortifié cette pièce, et qu'elle en avait besoin ; mais enfin j'aime à voir la nation redemander une tragédie grecque sans amour , dans laquelle il n'y a point de partie carrée, ni de roman . Adieu, je vous embrasse .

V.

Pourriez-vous me dire quel est un M.P.T.N.G.4 .à qui Corneille dédie sa Médée ? »

1 Cette lettre répond à celle du 15 septembre 1761 de Cideville, où il disait : « Mon cœur s'acquitte avec plaisir de l'obligation que je vous ai de la bonne réception que vous et Mme Denis avez bien voulu faire à M. d'Ornay […]. Il vint dîner avec moi […] . Ce furent questions sur questions, comment se porte-t-il, comment se porte-t-elle, suis-je encore dans leur souvenir ? […] Une description […] de la construction d'une église, d'un château, d'une salle de spectacle […] vous préparez une édition des œuvres de Pierre Corneille […] sera-t-elle entière ? Y mettez-vous toutes les œuvres de ce sublime auteur, ou n'y faites-vous entrer que le choix des pièces ? […] J'ai en ma possession une pièce de vers assez longue de ce grand auteur, qui est peut-être au rand de son imitation et de ses autres ouvrages médiocres . Elle n'est dans aucune des éditions, je l'ai trouvée dans une bibliothèque poudreuse d'abbaye, c'est la description du presbytère d'Hénouville, où il allait quelquefois . »

2 Cideville avait parlé à V* d'une pièce contenant la description du presbytère d'Hénouville, dont l'attribution à Corneille est discutée ; voir Charles Marty-Laveaux, Œuvres de P. Corneille, 1762, X, 11-14 .

3 Oreste avait eu deux représentations, les 8 et 11 juillet 1761,et devait en avoir quatre autres du 26 septembre au 3 octobre 1761 .

4 L'auteur de ce poème ne semble pas être connu ; dans l'édition de 1657, les initiales sont P.T.G.N.