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27/09/2016

Je vous avoue que dans ces ornements je demande célérité plutôt que perfection . Je n'ai jamais trop aimé les estampes dans les livres

... Pour une fois, je ne suis pas d'accord avec toi mon cher Voltaire, j'aime les illustrations, estampes ou autres dans les livres quels qu'ils soient, biographies, romans, documentaires, philosophie, etc., etc.

Est-ce dû aux premiers livres illustrés de l'école maternelle, aux bandes dessinées de France-Soir 7è édition (Chéri-Bibi, Simplet, Juliette de mon coeur, Arabelle, Max l'explorateur, tous des héros qui ont fait de moi un lecteur boulimique ),  la Bibliothèque Verte, La Bibliothèque Rouge et Or ?

OUI ! persiste et signe .

J'aime voir s'ajouter le talent d'un dessinateur/illustrateur/photographe au talent de l'écrivain, double plaisir .

J'ose penser que Mam'zelle Wagnière partage ce goût, elle qui illustre quotidiennement MonsieurdeVoltaire et donne une couleur particulière à l'oeuvre publiée sans relâche .

The Illustrated Jules Verne (1866-69) Vingt mille lieues sous les mers  illustrations by Alphonse de Neuville and Édouard Riou:

Ce serait dommage de se priver d'une belle gravure ! Bon souvenir de jeunesse ... A chacun son Star Wars .

 

 

« A Claude-Philippe Fyot de La Marche

Ferney 8 octobre [1761] 1

Vous êtes le plus respectable, et le plus aimable des hommes . Qu'il y a loin de votre âme à celle d'un fétiche ! Mon cher oracle de Thémis et des muses votre lettre du 27 septembre m'a fait un plaisir presque aussi vif que votre apparition à Ferney ou à Voltaire 2. Oui sans doute j’irai à La Marche, je verrai votre labyrinthe, et je voudrais ne point trouver de fil pour en sortir . Comptez que c'est un bienfait essentiel de permettre que votre graveur 3 travaille pour notre Corneille . Il n'y a point d’artiste à Genève dans ce genre-là . On est obligé de dépendre des graveurs de Paris qui sont surchargés d'ouvrage . Je mourrais de vieillesse et de dépit avant qu'ils eussent fini .

Permettez donc que votre protégé nous aide de dix estampes, et surtout ne l'empêchez pas de recevoir des Cramer un petit honoraire . C'est une affaire d'environ cinquante louis . Il n'est pas possible d'en user autrement . Je vous conjure de le souffrir .

Je renvoie comme vous l'ordonnez tous ses dessins, dont je suis très content, avec un petit mot de remerciement et d’instruction pour lui .

Je vous avoue que dans ces ornements je demande célérité plutôt que perfection . Je n'ai jamais trop aimé les estampes dans les livres . Que m'importe une taille douce quand je lis le second livre de Virgile ? et quel burin ajoutera quelque chose à la description de la ruine de Troie ? Mais les souscripteurs aiment ces pompons ; et il faut les contenter .

Je plains votre jeune homme s'il est obligé de lire les pièces dont il gravera le sujet . Cinna et les belles scènes du Cid, de Pompée, d’Horace et de Polyeucte sont au-dessus de toute gravure ; et les autres pièces n'en méritent pas . Les premiers sujets sont déjà distribués . Il est triste, j'en conviens , de travailler sur Agésilas et sur Attila . Mais je vous en aurai plus d'obligation, et je regarderai votre condescendance comme une de vos plus grandes bontés .

J'aurais bien voulu vous montrer quelques-uns de mes commentaires . L'entreprise est épineuse . Il faut avoir raison sur trente deux pièces . Je consulte l'Académie, mais cela ne me suffit pas . Je suis le contraire des commentateurs, je me défie toujours de mes jugements . Qu'il serait agréable de relire Corneille dans votre beau château avec vous et quelque adepte ! Le commentaire serait le résultat de nos conférences, je serais votre secrétaire .

Il est triste que le président fétiche me détourne, mais j'ai peur qu'il ne se couvre de ridicule . Cela ne pourrait-il pas même aller jusqu'à le déshonorer ? Car enfin il est clair qu'il m'a trompé, et après m'avoir trompé sur un marché de près de cinquante mille livres, il me fait un procès pour 12 voies de fagots !

Corneille me dit qu'il faut préférer Rodogune aux fétiches . Travaillons vite . Mille tendres respects .

V. »

1 Date complétée sur le manuscrit . Les deux premières phrases de la lettre ainsi que la fin « je serais votre secrétaire […] . Travaillons vite . » manquent dans les éditions .

2 Claude Fyot de La Marche avait écrit à V* le 13 septembre 1761 qu'il avait « trouvé au château de Voltaire (car Ferney n'aura plus, s'il vous plait, d'autre nom) » ce qu'il avait cherché innutilement dans sa patrie .

3 Sur ce graveur, voir lettre du 14 septembre 1761 à CP Fyot de La Marche :  ; le mot de remerciement est la lettre du 8 octobre 1761 à François de Vosges .