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06/03/2017

Mandez-moi je vous prie, quel est le corps que vous méprisez le plus, je suis empêché à résoudre ce problème

... Si Voltaire hésitait , faute de preuves encore, de même j'hésite à savoir quel camp politique nous expose les plus méprisables candidats ou quels candidats s'imposent et prennent en otage leurs partis .

S'il est une seule chose à retenir de cette campagne présidentielle calamiteuse, c'est un moment de vraie  volonté de bien faire donnée par Alain Juppé ce jour . Il est regrettable que des élections primaires vaseuses en aient décidé autrement . E la nave va ! comme dit Fellini , en attendant le naufrage .

 

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Alain Juppé ne laisse aucun doute sur son choix et respecte sa parole , lui .

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

A Ferney 29 mars 1762 1

Mon cher et grand philosophe, vous avez donc lu cet impertinent petit libelle 2 d'un impertinent petit prêtre 3 qui était venu souvent aux Délices et à qui nous avions daigné faire trop bonne chère . Le sot libelle de ce misérable était si méprisé, si inconnu à Genève que je ne vous en avais point parlé . Je viens de lire dans le Journal encyclopédique 4 un article où l'on fait l'honneur à ce croquant de relever son infamie . Vous voyez que les presbytériens ne valent pas mieux que les jésuites, et que ceux-ci ne sont pas plus dignes du carcan que les jansénistes .

Vous aviez fait à la ville de Genève un honneur qu’elle ne méritait pas . Je ne me suis vengé qu'en amusant ses citoyens . On joua Cassandre ces jours passés sur mon théâtre de Ferney, non le Cassandre que vous avez vu croquis 5, mais celui dont j'ai fait un tableau suivant votre goût . Les ministres n'ont pas osé y aller, mais ils y ont envoyé leurs filles . J'ai vu pleurer Genevois et Genevoises pendant cinq actes , et je n’ai jamais vu pièce si bien jouée, et puis un souper pour deux cents spectateurs, et puis le bal . C'est ainsi que je me suis vengé .

On venait de pendre un de leurs prédicants à Toulouse, cela les rendait plus doux, mais on vient de rouer un de leurs frères accusé d'avoir pendu son fils en haine de notre sainte religion pour laquelle ce bon père soupçonnait dans son fils un secret penchant . La ville de Toulouse, beaucoup plus sotte et plus fanatique que Genève, prit ce jeune pendu pour un martyr . On ne s'avisa pas d'examiner s'il s’était pendu lui-même, comme la chose est très vraisemblable . On l'enterra pompeusement dans la cathédrale, une partie du parlement assista pieds nus à la cérémonie, on invoqua le nouveau saint, après quoi la Chambre criminelle fit rouer le père à la pluralité de huit voix contre cinq . Ce jugement était d'autant plus chrétien qu'il n'y avait aucune preuve contre le roué . Ce roué était un bon bourgeois, bon père de famille, ayant cinq enfants en comptant le pendu . Il a pleuré son fils en mourant, il a protesté de son innocence sous les coups de barre . Il a cité le parlement au jugement de Dieu . Tous nos cantons hérétiques jettent les hauts cris, tous disent que nous somme une nation aussi barbare que frivole, qui sait rouer et qui ne sait pas combattre et qui passe de la Saint-Barthélémy à l’opéra-comique . Nous devenons l'horreur et le mépris de l'Europe . J'en suis fâché car nous étions faits pour être aimables .

Je vous promets de n'aller ni à Genève ni à Toulouse . On n'est bien que chez soi .

Pour l'amour de Dieu, rendez-moi aussi exécrable que vous le pourrez le fanatisme qui a fait pendre un fils par son père, ou qui a fait rouer un innocent par huit conseillers du roi .

Mandez-moi je vous prie, quel est le corps que vous méprisez le plus, je suis empêché à résoudre ce problème .

Interim vous savez combien je vous aime, estime et révère . »

2 Cet « impertinent petit libelle » était les Lettres critiques décrites dans la note ci-dessus . Il était en réalité l’œuvre de J.-J. Vernet, 1761 .

3 Pour V*, le « petit prêtre » était Robert Brown qui avait signé la préface ; c'est à lui qu'il continua d'attribuer l'ouvrage jusqu'à la troisième édition de 1766 ; voir Eugène Ritter : « Voltaire et le pasteur Brown », Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français, mars-avril 1904 : https://www.jstor.org/stable/i24286668

5 L'emploi de ce mot est récent en ce sens : il date seulement de 1752, d'après le Französisches etymologisches Wörterbuch de W. von Wartburg, 1946 .