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20/03/2017

Les universités, jointes au parlement, vont établir un terrible pédantisme. Je n’aime pas les mœurs pédantes.

... http://www.lemonde.fr/education/article/2015/05/16/vraies...

 

Vision prédictive, garantie à 100% , pour un nombre de volontaires compris entre neuf et onze .

 

Pour la dizaine de déçus à venir, déculottés, point de regrets n'aurait, et plus certainement oubliés seront que Chuck Berry, qui ne prêche pas contre tout , mais donne la pêche .

 Petit encouragement [sic] : https://www.youtube.com/watch?v=6ROwVrF0Ceg

Mais le jour des élections , j'aurai : No particular place to go ! https://www.youtube.com/watch?v=cpitvLeNjuE

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

17 avril [1762]

Mes divins anges, je ne voulais vous écrire qu’après que Lekain aurait vu Statira ; mais je commence toujours par vous remercier de la bonté que vous avez eue pour mon capitaine d’artillerie 1 qui voudrait bien pointer quelques canons contre Pierre III, qui n’est pas Pierre-le-Grand.

Il est vrai que M. le comte de Saxe ne fit que monter dans le vaisseau à Dunkerque, et que, grâce au ciel, nous ne mîmes point en mer . Mais je ne prends aucun intérêt à cette misérable histoire 2, dont on a imprimé des fragments très incorrects, qu’on m’a volés 3.

A l’égard de Conculix 4, c’est autre chose. Il faut que j’aie été abandonné de Dieu pour laisser cet animal-là en si bonne compagnie.

Nous avons déjà joué Tancrède. Lekain m’a paru admirable . Je lui ai même trouvé une belle figure. J’étais le bon homme Argire . Je ne m’en suis pas mal tiré . Mais ni lui ni moi ne jouons dans Olympie ; nous serons tous deux spectateurs bénévoles. Je devais naturellement jouer le grand-prêtre . Ce sont mes triomphes, vu le goût que j’ai pour l’Église . Mais je suis honoré du même catarrhe qui a osé souffler sur mes anges . J’ai la fièvre. Je continuerai ma lettre quand on aura joué Olympie ou Cassandre, et je vous en rendrai compte, en oubliant la petite part que je peux y avoir.

 

18 Avril 1762

Mes anges sauront qu’hier Lekain nous joua Zamore 5 . Il était encore plus beau que je n’avais cru. Il joua le second acte de manière à me faire rougir d’avoir loué autrefois Baron et Dufresne. Je ne croyais pas qu’on pût pousser aussi loin l’art tragique. Il est vrai qu’il ne fut pas si brillant dans les autres actes. Il a quelquefois des silences trop longs . Il en faut comme en musique, mais il ne faut pas les prodiguer : ils gâtent tout quand ils n’embellissent pas. Il fut bien mal secondé, ma nièce ne jouait point. Cramer, qui avait joué Cassandre supérieurement, joua Alvarès précisément comme le bon homme Cassandre. Mais enfin nous voulions voir Lekain, et nous l’avons vu.

En attendant qu’on répète Cassandre ou Olympie, il faut que je vous dise un mot de la Jamaïque, qu’un de nos acteurs, armateur de son métier, prétend que vous avez prise à la suite des Espagnols 6, car vous êtes à présent à la suite sur mer et sur terre. Votre rôle n’est pas beau. Puisse mon armateur comique avoir raison ! Mais pourquoi dit-on que madame de Pompadour est borgne, et M. d’Argenson aveugle ? est-il vrai qu’en effet l’un ait perdu un œil, l’autre deux ? Vous voyez toutes les mauvaises plaisanteries que font sur cette aventure ceux qui ne savent pas que les railleries sur les malheureux sont odieuses. Il faut que cette nouvelle ait un fondement. Il y a longtemps qu’on m’a mandé que l’un et l’autre avaient une violente fluxion sur les yeux.

Parlons un peu de mon roué. Il s’en faut bien qu’on ait découvert l’auteur de l’assassinat attribué au père . Il s’en faut bien qu’on songe à réhabiliter la mémoire du supplicié. Tout le Languedoc est divisé en deux factions : l’une soutient que Calas père avait pendu lui-même un de ses fils, parce que ce fils devait abjurer le calvinisme ; l’autre crie que l’esprit de parti, et surtout celui des pénitents blancs, a fait expirer un homme innocent et vertueux sur la roue.

Je crois vous avoir dit que Calas père était âgé de soixante et neuf ans 7, et que le fils qu’on prétend qu’il a pendu, nommé Marc-Antoine, garçon de vingt-huit ans, était haut de cinq pieds cinq pouces, le plus robuste et le plus adroit de la province . J’ajoute que le père avait les jambes très affaiblies depuis deux ans, ce que je sais d’un de ses enfants. Il était possible à toute force que le fils pendît le père ; mais il n’était nullement possible que le père pendît le fils. Il faut qu’il ait été aidé par sa femme, par un de ses autres fils 8, par un jeune homme de dix-neuf ans qui soupait avec eux : encore auraient-ils eu bien de la peine à en venir à bout. Un jeune homme vigoureux ne se laisse pas pendre ainsi. Vous savez sans doute que la plupart des juges voulaient rouer toute la famille, supposant toujours que Marc-Antoine Calas n’avait été étranglé et pendu de leurs mains que pour prévenir l’abjuration du calvinisme qu’il devait faire le lendemain . Or j’ai des preuves certaines que ce malheureux n’avait nulle envie de se faire catholique. Enfin les juges prévenus ayant ordonné l’enterrement de Marc-Antoine dans une église, les pénitents blancs lui ayant fait un service solennel, et l’ayant invoqué comme un martyr, n’ont point voulu se détacher de leur opinion. Ils ont condamné d’abord le père seul à mourir sur la roue, se flattant qu’en mourant il accusera sa famille. Le condamné est mort en appelant à Dieu, et les juges ont été confondus. Voilà en deux pages la substance de quatre factums. Ajoutez à cette aventure abominable la persuasion où ces juges (au moins quelques-uns) sont encore que l’on avait résolu, dans une assemblée de réformés de faire étrangler sans miséricorde celui de leurs frères qui voudrait abjurer, et que ce jeune homme de dix-neuf ans, nommé Lavaysse, qui avait soupé avec les accusés, était le bourreau nommé par les protestants. Vous remarquerez que ce Lavaysse était le fils d’un avocat soupçonné, il est vrai, d’être calviniste, mais de mœurs douces et irréprochables.

Lorsque nous avons joué Tancrède, il y a eu un terrible battement de mains, accompagné de cris et de hurlements, à ces vers :

O juges malheureux, qui dans vos faibles mains, etc.

mais voilà toute la réparation qu’on a faite à la mémoire du plus malheureux des pères. Je ne connais point, après la Saint-Barthélemy, et les autres excès du fanatisme commis par tout un peuple, une aventure particulière plus effrayante.

Voilà bien écrire pour un homme qui a la fièvre. Je continuerai après Cassandre.



20 Avril 1762.

Je n’ai rien écrit hier dix-neuf, parce que j’avais une fièvre violente. Nous sommes accablés de contre-temps dans notre tripot. Un oncle d’un acteur 9 s’est avisé de mourir ; nous voilà tout dérangés. Notre spectacle se démanche comme le vôtre : vous perdez Grandval 10; on dit que mademoiselle Dumesnil va se retirer 11 ; il faut que tout finisse. Le théâtre de France avait de la réputation dans l’Europe, et c’était presque le seul de nos beaux-arts qui fût estimé ; il va tomber. On dit que M. le maréchal de Richelieu 12 n’aura pas eu peu de part à cette révolution.

Je suis fâché que les autres comédiens, nommés jésuites, tombent aussi. C’est une grande perte pour mes menus plaisirs. Les universités, jointes au parlement, vont établir un terrible pédantisme. Je n’aime pas les mœurs pédantes.

Nous devions jouer aujourd’hui Cassandre-Olympie et le Français à Londres 13. Figurez-vous que milord Craff était joué par un Anglais qui s’appelle Craff 14; mais, comme je vous l’ai dit, un maudit oncle nous dérange. Tout ce que nous pourrons faire, ce sera de répéter devant Lekain en habits pontificaux, afin qu’il juge. En attendant qu’on joue, il faut que je vous dise que je sais un gré infini à Collé d’avoir mis Henri IV sur le théâtre 15. Son nom seul attirera tout Paris pendant six mois, et l’Opéra-Comique trouvera à qui parler.

Voici la nuit ; on va jouer Cassandre et le Français à Londres, malgré tous les contre-temps : je vais juger.

Parlons d’abord de milord Husai 16. Il est si plaisant de voir un Anglais du même nom jouer ce rôle, que j’en ris encore, quoique je sois bien malade. Pour Cassandre, le porteur vous pourra dire si cela fait un beau spectacle, s’il y a de l’intérêt, si la fin est terrible, et si tout n’est pas hors du train ordinaire, depuis le commencement jusqu’à la fin. Je voulais lui donner la pièce pour vous l’apporter ; mais j’ai senti à la représentation qu’il y avait plus d’une nuance à donner encore au tableau. Tout ce que je vous peux dire, c’est qu’il ne faut pas qu’il y ait dans cet ouvrage un seul trait qui ressemble aux tragédies auxquelles on est accoutumé. C’est assurément un spectacle d’un genre nouveau, aussi difficile peut-être à bien représenter qu’à bien traiter.

Je vous l’enverrai, mes divins anges, avant qu’il soit un mois. Laissez-moi me guérir ; la tête me fend et me tourne.

Finie, à deux heures après minuit. »



 

1 La Houlière .

2 Histoire de la guerre de 1741 (Georges Avenel ) .

3 Voir lettre du 28 février 1754 à La Gazette d'Utrecht dans laquelle il rejette la paternité de l’Histoire universelle : « … c'est uniquement la vérité qui m'oblige de déclarer , que loin d'avoir la plus légère part à l'édition fautive et répréhensible de l'abrégé d'une prétendue Histoire universelle, imprimée sous mon nom à La Haye chez Jean Néaulme, et à Paris chez Duchène, je l'ai réprouvée et condamnée hautement ; que mon véritable manuscrit, conforme à celui du roi de Prusse , [...] , est entièrement différent du livre imprimé par Néaulme sans ma participation [...] »

4 Ce nom de personnage de La Pucelle fut changé en Hermaphrodix ; Conculix avait été utilisé comme nom d'éditeur dans une édition pirate .

5 Personnage d'Alzire .

6 Les derniers soldats espagnols avaient été chassés de la Jamaïque en 1658 ; l'île resta ensuite anglaise jusqu'à la « décolonisation » par laquelle fut créée sous de fâcheux auspices la fédération des Indes occidentales ou Caraïbes .

7 Jean Calas était né en 1698, donc avait 64 ans .

8 V* a d'abord écrit un autre, remplacé par un de ses autres .

9 Cet oncle est Édouard- Michel Cramer, mort le 19 avril 1762 .

10 Grandval s'était effectivement retiré, mais il fit une rentrée au théâtre en 1764, avant de se retirer définitivement en 1768 .

11 Mlle Dumesnil ne se retira pas avant 1776 .

12 C'est lui qui avait organisé la fusion des troupes de l'Opéra-comique et du Théâtre italien pour en faire une troupe officielle ; voir lettre du 16 février 1762 aux d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/02/07/1-5908314.html

13 Comédie de Boissy .

15 La Partie de chasse de Henri IV, de Collé , sera jouée sur le théâtre du duc d'Orléans à Bagnolet le 8 juillet 1762 ; elle ne sera jouée à Paris que le 16 novembre 1774 .

16 Milord Houzey est le fils de lord Craff .