Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

18/12/2017

L’avez-vous vue ? la connaissez-vous ? C’est une enfant gaie, sensible, honnête, douce, le meilleur petit caractère du monde

... Une Miss France, pour tout dire ! ou peu s'en faut, non ? Une rousse ( même teintée ) élue à Château-roux , c'était tout à fait à propos, ou comme dit Voltaire, "comme de cire" .

 

missfrance2018.png

Maëva Coucke  sera, à n'en pas douter, plus connue que 90% de nos ministres .

 

« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville, ancien conseiller au parlement de Rouen

Rue Saint-Pierre près du rempart

à Paris

26 janvier 1763 , à Ferney 1

Mon ancien ami, votre jolie relation du mariage du jeune Dupuis nous vient comme de cire 2; car figurez-vous que nous marions mademoiselle Corneille, dans quelques jours, à un jeune Dupuits d’environ vingt-trois ans et demi, cornette de dragons, possédant environ huit mille livres de rente en fonds de terre, à la porte de notre château, d’une figure très agréable, de mœurs charmantes qui n’ont rien du dragon. La différence entre ce Dupuits et celui de la comédie, c’est que le nôtre n’a point de père qui fasse des niches à ses enfants ; c’est un orphelin. Nous logeons chez nous l’orphelin et l’orpheline. Ils s’aiment passionnément ; cela me ragaillardit, et n’empêche pourtant pas que je n’aie une grosse fluxion sur les yeux, et que je ne sois menacé de perdre la vue comme La Mothe.

Avouez, mon ancien ami, que la destinée de ce chiffon d’enfant 3 est singulière. Je voudrais que le bonhomme Pierre revînt au monde pour être témoin de tout cela, et qu’il vît le bonhomme Voltaire menant à l’église la seule personne qui reste de son nom. Je commente l’oncle, je marie la nièce ; ce mariage est venu tout à propos pour me consoler de n’avoir plus à travailler sur des Cid, des Horace, des Cinna, des Pompée, des Polyeucte . J’en suis à Pertharite, ne vous déplaise, la commission est triste, et ce qui suit n’est pas trop ragoûtant ; il fallait que Pierre eût le diable au corps pour faire imprimer tous ces détestables fatras. Mlle Corneille, avec sa petite mine, a deux yeux noirs qui valent cent fois mieux que les douze dernières pièces de l’oncle Pierre. L’avez-vous vue ? la connaissez-vous ? C’est une enfant gaie, sensible, honnête, douce, le meilleur petit caractère du monde. Il est vrai qu’elle n’est pas encore parvenue à lire les pièces de son oncle, mais elle a déjà lu quelques romans ; et puis vous savez comment l’esprit vient aux filles 4.

Adieu, mon cher et ancien ami ; je vous embrasse le plus tendrement du monde.

V. »

1 Cideville avait dans une lettre du 17 janvier 1763 fait le compte-rendu de la comédie de Collé : Dupuis et Desronais ; voir lettre du 12 janvier 1763 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/11/27/pour-les-comedies-ou-il-n-y-pas-le-mot-pour-rire-c-est-une-i-6003258.html

3 Marie-Françoise Corneille que V* nommait affectueusement Cornélie-chiffon .

4 Selon le titre d'un conte de La Fontaine : http://www.lafontaine.net/lesContes/afficheConte.php?id=47

une étoile bien singulière, si tant est qu’on ait une étoile

... Dédicace spéciale à tous les superstitieux  , gardons un peu les pieds sur terre, et utilisons la seule étoile qui vaille la peine, notre soleil, qui est capable tout à la fois de nous faire la peau et de nous nourrir .

 

 

« Voltaire

et Marie-Françoise Corneille

à Ponce-Denis Ecouchard Le Brun

A Ferney 26 janvier 1763

Puisque à la réception de ma lettre, monsieur, vous ne m’avez pas envoyé un parent de Racine pour épouser mademoiselle Corneille, nous avons pris un jeune cornette de dragons, de vingt-trois ans, d’une très jolie figure, de mœurs charmantes, bon gentilhomme, mon voisin, possédant à ma porte environ 10 mille livres de rentes en terres. J’arrange ses affaires, je donne une dot honnête, je garde chez moi les mariés. Il est juste que vous ayez la première nouvelle de cet arrangement, puisque c’est à vous que je dois mademoiselle Corneille. Il faut que votre nom soit au bas du contrat. Envoyez-moi un ordre par lequel vous me commettrez pour signer en votre nom.

Je ne sais pas où Mlles Félis et de Vilgenou demeurent. Je leur dois la même attention ; je vous supplie de leur faire rendre mes lettres, et de vouloir bien envoyer le paquet contenant leur réponse et la vôtre à M. Damilaville, premier commis du vingtième, quai Saint-Bernard. Je quitte la plume pour la donner à une main plus agréable que la mienne.



Vous êtes, monsieur, le premier auteur de mon bonheur, il m’en est plus précieux. Je me joins à M. de Voltaire pour vous dire que je serai toute ma vie avec la plus sensible reconnaissance, monsieur, votre très humble et très obéissante servante.

Corneille.

Je présente mes obéissances à madame votre femme, que je n’oublierai jamais.



Je ne sais où prendre M. Du Molard . Si vous le voyez, monsieur, je vous prie de vouloir bien l’assurer de mes sentiments pour lui .

Soyez surtout persuadé de ceux que je vous ai voués bien sincèrement.

Il est plaisant que le nom de notre mari soit Dupuits, tandis qu’on donne le mariage de M. Dupuis à la Comédie. Cela est d’un bon augure : on dit que la pièce est très jolie . Notre Dupuits l’est aussi.

Avouez, monsieur, que Mlle Corneille a eu une étoile bien singulière, si tant est qu’on ait une étoile.

De tout mon cœur, votre très humble et très obéissant serviteur.

V.

Mes respects à madame Le Brun. »