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02/02/2018

Que de magistrats, que d'hommes en place seraient heureux de penser comme vous ! ou plutôt que la France serait heureuse !

... Aurait pu dire aujourd'hui  le président sénégalais Macky Sall à Emmanuel Macron

http://www.lepoint.fr/politique/apres-la-tunisie-macron-a...

Au Sénégal, Macron s'engage pour l'éducation et l'environnement

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

28 février 1763 1

Je reçois un gros paquet de mon cher frère avec sa belle et bonne lettre du 20 février, le tout étant enveloppé dans du papier destiné aux opérations du vingtième .

Je suis toujours émerveillé que mon frère enseveli dans ces occupations désagréables, ait eu du temps de reste pour les belles-lettres et pour la philosophie . Vous étiez fait assurément pour des emplois supérieurs . Que de magistrats, que d'hommes en place seraient heureux de penser comme vous ! ou plutôt que la France serait heureuse !

J'avais depuis longtemps l'énorme compte du procureur général de Provence . J'ai une bibliothèque entière des livres faits depuis trois ans contre les jésuites . Dans quelque temps on ne se souviendra plus de tous ces livres, et on dira seulement, il y eut des jésuites .

Je vais écrire à Cramer de Genève pour avoir mon Histoire du Languedoc 2 dont je vous remercie infiniment . J'espère y trouver de quoi détester le fanatisme .

Je vois par la lettre de mon frère qu'il faudra encore quelques cartons à l’Histoire générale . Rien n'est si difficile à dire aux hommes que la vérité .

On a oublié, ce me semble, dans les petites plaisanteries que mérite Simon Lefranc, la guerre éternelle qu'il a jurée aux incrédules dans le village de Pompignan . Remercions bien Dieu de l'excès de son ridicule ; je vous réponds que si ce petit président des aides de province n’était pas le plus important des hommes, il serait le plus dangereux .

Je suis honteux de demander toujours des livres et de vous fatiguer de mes importunités . Je crois que j'aurai bientôt une bibliothèque aussi nombreuse que celle du marquis de Pompignan 3. Je m’enhardissais un peu dans mes demandes indiscrètes, parce que je croyais que mon frère Thieriot était toujours au fait de la librairie ; qu'il se faisait un plaisir de chercher des livres ; mais puisqu'il abandonne tout et que je retrouve dans monsieur Damilaville un nouveau frère aussi actif qu'indulgent, voici une petite note que je viens de tirer sur le catalogue de Saillant .

J'embrasse tendrement mon frère et mes frères .

Écrasez l'infâme .

 

Gabriel Cramer de Genève m'apprend dans ce moment qu'il a reçu depuis un mois l'Histoire du Languedoc , sans lettre d'avis, et sans savoir pour qui elle était . Je prie mon frère de vouloir bien donner 4 à M. Blin de Sainmore et d'envoyer le billet à Duchesne . J'abuse terriblement des bontés de mon frère . »

1 L'édition de Kehl fond cette lettre avec deux autres, celle du 2 mars 1763 et celle du 11 mars . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/06/correspondance-annee-1763-partie-9.html

et : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/06/correspondance-annee-1763-partie-10.html

3 Le Discours cité dans la lettre du 9 février 1763 à d'Argental indique sur le témoignage d'un « ministre célèbre » que Lefranc de Pompignan possède une bibliothèque savante et nombreuse . Il est clair que V* était en train d'écrire le Lettre de M. de l’Écluse . Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/10/22/il-n-est-pas-mal-de-couper-une-tete-de-l-hydre-de-la-calomni-5991549.html

et : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5624263f/f2.image

4 Quelques mots doivent manquer ici ; il s'agit de la lettre du même jour à Blin de Sainmore : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/02/02/cela-est-bien-honnete-et-je-serais-trop-condamnable-si-j-en-6022930.html

Cela est bien honnête et je serais trop condamnable si j'en souhaitais davantage

... Voici ce que peut dire notre ministre des Finances , suite au projet d'intégrer l'illicite au licite , tout comme il a déjà par le passé trouvé le moyen -comme un mac de bas étage- d'imposer les péripatéticiennes :

http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/02/01/co...

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Pour un statisticien, l'argent sale n'a toujours pas d'odeur

 

 

« A Adrien-Michel-Hyacinthe Blin de Sainmore

Au château de Ferney par Genève

28 février 1763 1

Je vois bien, monsieur, que les gens de lettres de Paris sont peu au fait des rubriques de la poste . Je reçus avant-hier deux lettres de vous, l'une du 6 décembre et l'autre du 6 février 2 . Je réponds à l'une et à l'autre .

Je vous dirai d'abord que vos vers sont fort jolis et qu'il n'appartient pas à un malade comme moi d'y répondre . Vous me direz que j'ai répondu au prétendu abbé Culture 3: c'est précisément ce qui me glace l'imagination . Rien n'est si triste que de discuter des points d'histoire . Il faut relire cent fatras . Je crois que c'est cette belle occupation qui m'a rendu aveugle . Il a fallu réfuter ce polisson de théologien . Il faut toujours défendre la vérité et ne jamais défendre son goût .

Je ne connais ni l'examen de Crébillon ni la platitude périodique dont vous me parlez . À l'égard des tragédies je suis très fâché d'en avoir fait . Racine devrait décourager tout le monde . Je ne connais que lui de parfait et quand je lis ses pièces, je jette au feu les miennes . L'obligation où je suis de commenter Corneille ne sert qu'à me faire admirer Racine davantage .

Vous m'étonnez beaucoup d'aimer l'article Femme dans l’Encyclopédie 4 ; cet article n'est fait que pour déshonorer un ouvrage sérieux . Il est écrit dans le goût d'un petit-maître de la rue Saint-Honoré . Il est impertinent d'être petit-maître, mais il l'est encore plus de l'être mal à propos .

Vous me dites, monsieur, dans votre lettre du 6 décembre, que le roi m'a donné une pension de 6000 livres . C'est un honneur qu'il ne m'a point fait et que je ne mérite pas . Il m'a conservé ma charge de gentilhomme ordinaire de sa chambre, quoiqu'il m'eût permis de la vendre , et il y a ajouté une pension de deux mille livres . Cela est bien honnête et je serais trop condamnable si j'en souhaitais davantage .

L'état où je suis ne me permet pas de longues lettres ; mais les sentiments que j'ai pour vous n'y perdent rien . J'ai l'honneur d'être avec toute l'estime que vous méritez, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire . »

1 L'édition Pièces inédites place cette lettre en 1766 ; le destinataire n'a été identifié que par Besterman .

2 Voici quelques extraits de la première de ces lettres, mêlée de prose et de vers : « Je n'ai point lu, monsieur, et je ne lirai point le nouveau livre contre vous où l'on prétend relever vos erreurs ; mais j'en ai beaucoup entendu parler . […] Ce qui me chagrine principalement, c'est d'apprendre que vous vous proposez de lui répondre . /Combattre un sot, c'est l'honorer. /On vantera toujours les sons de votre lyre, / Et dans l'oubli vous le verrez rentrer , / Votre réponse le ferait lire : /Pour écraser un vers audacieux /Jupiter ne doit point s'armer de son tonnerre . / L'aigle qui plane au haut des cieux/Entend il les serpents qui sifflent sur la terre ?/ […] tout Paris vous attribue une brochure qui a pour titre Éloge de Crébillon, et qui n'est qu'une satire sanglante de ses ouvrages . On a eu grand soin d'y faire remarquer ses défauts et l'on ne rends aucune justice à ses beautés qui sont très nombreuses et très marquées . Quant à moi, monsieur, j'ai de la peine à me persuader que cet écrit soit véritablement de vous […] . Si quelqu'un devait faire l'éloge de cet illustre tragique, ce serait vous , monsieur, qui avez couru la même carrière et qui devez en sentir toutes les difficultés . […] L'article Femme pour l'Encyclopédie est écrit en petit-maître, c'est à dire avec impertinence et avec légèreté . On attribue à M. Picardin de Dijon le Sermon du rabbin Akib sur la petite cérémonie très chrétienne et très édifiante qui s'est faite à Lisbonne . Je ne suis pas fâché que quelque forte voix s'élève de temps en temps contre les ennemis de l'humanité . […] On m'assure que cette dame [Mme de Pompadour] vous avait fait augmenter votre pension de 4000 livres . Je vous en fais mon compliment de tout mon cœur . »

3 Blin de Sainmore a noté sur le manuscrit : « A cette lettre était joint un exemplaire des Éclaircissements historiques etc., qui servait de réponse au livre intitulé Les Erreurs de M. de Voltaire. »

4 Cet article est en plusieurs parties, de différents auteurs . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Encyclop%C3%A9die/1re_%C3%A9dition/FEMME