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18/06/2018

On est sûr de la justice, quand on est protégé par la vertu

... Vous avez trois heures pour rendre votre dissertation .

P.S. -- On est sûr de se faire recaler quand on casse son lycée .

 

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha

A Ferney 30 juin [1763] 1

Madame,

Une bonne âme a mis entre mes mains les libéralités d’une grande âme. Je ferai tenir incessamment à la famille infortunée des Calas les marques de votre générosité. Ce secours est un augure bien favorable pour le gain absolu de leur procès. On est sûr de la justice, quand on est protégé par la vertu. Votre Altesse Sérénissime n’a jamais fait que de belles actions. Tous les princes, vos confrères, ne vous imitent pas, madame ; ils donnent des batailles, ils les gagnent ou ils les perdent ; ils font des traités ou dangereux ou utiles ; mais secourir la vertu malheureuse, aller chercher dans le sein de l’opprobre et de la misère des inconnus persécutés, les honorer d’un bienfait considérable, c’est ce qui n’appartient qu’à madame la duchesse de Gotha . On ose donner des fêtes à Paris ; je ne sais pas trop bien pourquoi. Il me semble que c’est aux Anglais et à certains princes d’Allemagne à donner des fêtes. Si Votre Altesse Sérénissime peut se plaire aux petits objets qui marquent de l’humanité, je lui dirai que Jean-Jacques Rousseau, condamné dans la ville de Calvin pour avoir fait parler un vicaire savoyard, Jean-Jacques qui s’était débourgeoisé de Genève, a trouvé des bourgeois qui ont pris son parti. Deux cents personnes, parmi lesquelles il y avait deux ou trois ministres, ont présenté pour lui requête au magistrat 2 « Nous savons bien qu’il n’est pas chrétien, disent-ils ; mais nous voulons qu’il soit notre citoyen. » Voilà donc la tolérance établie, Dieu soit béni ! C’est un exemple qu’on ne suivra pas à Rome, en Espagne, en Autriche . Que votre auguste famille me conserve ses bontés. Agréez, madame, mon profond respect.

V. »

1 L'édition Voltaire à Ferney la place en 1760, corrigée par Moland .

2 Le 18 juin 1763 ; des représentations, trop tardives pour être efficaces, furent présentées au conseil, de juin à août 1763 .

Voici le temps où mon sang bout, voici le temps de faire quelque chose. Il faut se presser, l’âge avance, il n’y a pas un moment à perdre

... Signé Voltaire .

Contresigné Emmanuel Macron , possiblement .

Constat souhaitable des candidats au Bac ce matin ?

 Image associée

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol , comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

29 juin [1763] 1

Divins anges, je reçois votre lettre du 21 juin. Voici le temps où mon sang bout, voici le temps de faire quelque chose. Il faut se presser, l’âge avance, il n’y a pas un moment à perdre. Ils me font jouer de grands rôles de tragédies, pour amuser ces enfants et ces Genevois . Mais ce n’est pas assez d’être un vieil acteur, je suis et je dois être un vieil auteur , car il faut remplir sa destinée jusqu’au dernier moment.

Cela ne m’empêchera pas, dans les entractes, de travailler à votre gazette. Je suivrai très exactement les ordres de M. le duc de Praslin, s’il m’en donne. Encore une fois, il est pourtant bien étrange  que je n’aie pas vu une seule Gazette littéraire 2 : qu’est-ce que cela veut dire ?

Cramer assure qu’il n’a envoyé aucun exemplaire 3 à Robin-Mouton, et qu’on a ôté mon nom partout. Je désirerais fort de n’être pas réduit à faire un désaveu inutile, qu’on ne croira pas, et qui ne servira à rien. Il ne s’agit que d’engager Merlin à veiller sur son propre intérêt ; c’est ce que j’ai mandé à frère Damilaville.

Au reste, il y a longtemps que j’ai pris mon parti sur cette affaire. Si on me poursuit, je crois la chose très injuste, et tout le monde ici pense de même. Je n’ai pas écrit un seul mot qui puisse déplaire à la cour ; ma justification est toute prête. Je sais bien que le roi ne me soutiendra pas plus contre le parlement que le président d’Éguilles 4; mais je me soutiendrai très bien moi-même. Je n’habite point en France, je n’ai rien en France qu’on puisse saisir ; j’ai un petit fonds pour les temps d’orage. Je répète que le parlement ne peut rien sur ma fortune, ni sur ma personne, ni sur mon âme, et j’ajoute que j’ai la vérité pour moi. Un corps entier fait souvent de très fausses démarches . Il faut s’y attendre . Mais soyez très sûrs qu’à mon âge tous les parlements du monde ne troubleront pas ma tranquillité. Le sang ne me bout que pour les vers . Je suis et serai serein en prose : il importe fort peu où je meure ; j’ai quatre jours à vivre, et je vivrai libre ces quatre jours.

J’ai été fidèle avec le dernier scrupule . Je n’ai envoyé à personne une seule ligne de ce que vous avez très sagement supprimé. Je vous supplie de m’instruire si les Cramer ont laissé subsister mon nom à la tête de quelques exemplaires . Ce point est très important, car on ne peut procéder contre la personne que quand elle s’est nommée. Toutes les procédures générales et sans objet tombent. Mais enfin, qu’on procède comme on voudra, je suis aussi imperturbable que je suis dévoué à mes anges.

Respect et tendresse.

V.

J'ajoute que M. le maréchal de Richelieu m'a demandé tous mes rôles comiques pour une damoiselle d'Epinay . Je les ai donnés . Arrangez-vous avec lui mes anges . »

1 L'édition de Kehl supprime le post-scriptum .

2 Elle ne parut qu'en 1764 .

3 De l'Essai sur l'histoire générale ; voir lettre du 23 juin 1763 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/06/15/on-a-tant-brule-de-livres-bons-ou-mauvais-tant-de-mandements-6059834.html

probablement je ne vivrai et ne mourrai ailleurs que chez moi

... Statistiquement vrai selon les données corrigées saisonnières .

 Image

 

 

 

« A Cosimo Alessandro Collini, Secrétaire intime et historiographe

de Son Altesse Électorale

à Manheim

28 juin [1763]1

Mon cher ami, je ne puis trop vous remercier de vos instructions sur les monnaies de Rome . Il me serait fort doux de chercher avec vous de vieilles vérités dans votre bibliothèque électorale, mais l'âge avance , la faiblesse augmente ; et probablement je ne vivrai et ne mourrai ailleurs que chez moi .

La médaille de Jules III n'est pas modeste 2, mais je voudrais qu'on eût mis dans le revers il cardinale suo bardassa […] colla suo simia .3

Adio caro . Je vous écrirai plus au long quand j'aurai de la santé et du loisir, deux choses qui me manquent .

V. »

1 Manuscrit daté par Collini dont la lettre n'est pas connue .

3 le cardinal son bardache […] avec son singe . Ce passage a été biffé par Collini ce qui a rendu quelques mots illisibles ; Collini avait corrigé en il ragazzo[« le garçon »] suo bardassa colla scimia . On se souviendra que dans ses Annales V* écrit de Jules III : « C'est lui qui fit cardinal son porte-singe, qu'on appela le cardinal Simia ; il passait pour fort voluptueux. ». Voir  page 27 : https://books.google.fr/books?id=FRo-AAAAYAAJ&pg=PA457&lpg=PA457&dq=voltaire+Annales+jules+III&source=bl&ots=Y_qq_6g6au&sig=N-EQKiw-k3OhOIP5aL4hDpz3iJ8&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjNy_Lw59vbAhXHORQKHac4DWsQ6AEIMTAB#v=onepage&q=voltaire%20Annales%20jules%20III&f=false

et : https://fr.wiktionary.org/wiki/bardache