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29/03/2024

Vous savez que les adresses des ministres sont sacrées

... Leurs adresses personnelles bien sûr, pour celles de leurs ministères c'est public, et dans les beaux quartiers : https://lannuaire.service-public.fr/gouvernement

Ainsi Mme Rachida Dati , rue Saint-Honoré, n'est pas dépaysée et peut continuer à profiter de notre industrie du luxe .

 

 

 

« A Jacob Tronchin

ancien Conseiller d’État

à Genève 1

Caro traditore, je vous ai attendu jusqu'à neuf heures et demie passé. Tâchez de réparer cette perfidie . Je serais trop fâché que vous partiez sans avoir eu la consolation de vous embrasser . En attendant, permettez que je vous adresse ce paquet pour M. d'Argental, envoyé de Parme . Vous savez que les adresses des ministres sont sacrées, et qu'il n'y a rien à risquer .

Agréez, monsieur, mes respectueux sentiments , et l'extrême envie que j'ai à vous voir avant votre départ .

V.

Mercredi au soir à 11 heures [14 septembre 1768] à Ferney. »

1 Original ; édition Tronchin, non complète, non datée, donnée comme adressée à François Tronchin .

28/03/2024

Je suis de ceux que leurs mauvaises affaires empêchent de payer leurs dettes à l’échéance

... C'est bien ce que craignent d'entendre nos créanciers de tous pays : https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/03/26/la-det... 

Mais à qui doit-on ces mirifiques milliards ? https://www.loretlargent.info/dette/taux-endettement-pays...

 

 

 

 

« A Richard , négociant à Murcie

A Ferney le 13 septembre [1768]

Je vous dois, monsieur, une réponse depuis deux mois. Je suis de ceux que leurs mauvaises affaires empêchent de payer leurs dettes à l’échéance. La vieillesse et les maladies qui m’accablent sont mon excuse auprès de mes créanciers. Il n’y en a point, monsieur, que j’aime mieux payer que vous.

Il y a des ouvrages bien meilleurs que les miens, qui pourront contribuer à donner au génie espagnol la liberté qui lui a manqué jusqu’à présent. Le ministre à qui toute l’Europe, excepté Rome, applaudit 1, favorise cette précieuse liberté, et encouragera les beaux-arts, après avoir fait naître les arts nécessaires.

Je vous félicite, monsieur, de vivre dans le plus beau pays de la nature, où ceux qui se contentaient de penser commencent à oser parler, et où l’Inquisition cesse un peu d’écraser la nature humaine.

J'ai l'honneur d'être, etc. »



27/03/2024

Je voudrais que ceux qui publient des vies particulières des princes ne craignissent point de nous ennuyer en nous apprenant comment ils furent élevés

... Il y a en effet une vaste clientèle pour ce genre d'information-déformation, de tout temps ; les éditeurs n'ont aucune crainte, ils touchent le jackpot à tout coup bas ; il  n'est qu'à voir tout ce qui se déblatère sur les membres de la famille royale d'Angleterre : not at all amazing !

 

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Entre autres ...

 

 

« A Charles-Jean-François Hénault

Au château de Ferney, ce 13 septembre 1768

Mon très illustre et très aimable confrère, que j’aimerai tant que je vivrai, si vous vous portez bien, si vous êtes libre d’affaires, il faut que vous sachiez qu’il y a un Bury qui croit avoir fait une Histoire de Henri IV 1. Il court une critique 2 de cette histoire, qui fait une très grande impression par le style audacieux et tranchant dont elle est écrite, et par les fautes qu’elle relève ; mais il y a bien autant de fautes dans la critique que dans l’histoire. L’auteur de la critique est visiblement un huguenot, qui ne relève les erreurs de Bury que sur ce qui regarde les huguenots. Cet auteur s’appelle La Beaumelle ; il demeure au Carlat, dans le pays de Foix, patrie de Bayle, dont il n’est pas assurément concitoyen.

Voici comme il parle du roi dans son libelle, page 24 : « Je voudrais que ceux qui publient des vies particulières des princes ne craignissent point de nous ennuyer en nous apprenant comment ils furent élevés. Par exemple, je vois avec un charme infini, dans l’Histoire du Mogol 3, que le petit-fils de Scha-Abas 4 fut bercé pendant sept ans par des femmes ; qu’ensuite il fut bercé pendant huit ans par des hommes ; qu’on l’accoutuma de bonne heure à s’adorer lui-même, et à se croire formé d’un autre limon que ses sujets ; que tout ce qui l’environnait avait ordre de lui épargner le pénible soin d’agir, de penser, de vouloir, et de le rendre inhabile à toutes les fonctions du corps et de l’âme ; qu’en conséquence un prêtre le dispensait de la fatigue de prier de sa bouche le grand être ; que certains officiers étaient préposés pour lui mâcher noblement 5, comme dit Rabelais, le peu de paroles qu’il avait à prononcer. »

Voici maintenant comme ce maraud parle de vous, page 30 : « Du reste, il a copié cette faute de M. le président Hénault, guide peu sûr, abréviateur infidèle, hasardeux dans ses anecdotes ; trop court sur les grands événements pour être lu avec utilité ; trop long sur des minuties pour être lu sans ennui ; trop attentif à ramasser tout ce qui est étranger à son sujet, tout ce qui l’éloigne de son but, pour obtenir grâce sur les réticences affectées, sur les négligences de son style, sur les omissions de faits importants, sur la confusion qui règne dans ses dates ; auteur estimable pourtant, sinon par l’exécution, du moins par le projet, mais fort inférieur à Marcel 6, quoiqu’il l’ait fait oublier. »

C’est ce même La Beaumelle qui, dans ses Mémoires de Maintenon, insulte toutes les grandes maisons du royaume, et prodigue le mensonge et la calomnie avec l’audace qu’un historien fidèle n’aurait jamais, et que quelques sots ont prise pour la noble hardiesse de la vérité. Je sais qu’il fait actuellement une Histoire de Henri IV 7, dans laquelle il essaie de vous réfuter sur plusieurs points. Cet homme a de l’esprit et de la lecture, un style violent, mais serré et ferme, qui éblouit le lecteur : il est protégé par deux ou trois dames qui ont été élevées à Saint-Cyr, et dont il tient les Lettres de Mme de Maintenon, qu’il a fait imprimer 8. Le roi, instruit de l’insolence de cet homme, qui a été prédicant à Genève, lui a fait défense, par M. de Saint-Florentin, d’exercer son talent de médire. Cette défense lui a été signifiée par le commandant du pays de Foix 9.

Mon zèle et mon amitié ne m’ont pas permis de vous laisser ignorer ce qui intéresse également la vérité, la nation, et vous. Je vous crois à portée de faire un usage utile de tout ce que je vous mande ; je m’en remets à votre sagesse, et je vous prie de me continuer une amitié qui fait la consolation de ma vie.

Je vous prie, mon cher et illustre confrère, de dire à Mme Du Deffand qu’elle sera toujours dans mon cœur. »

3 Le « Mogol » est Louis XV.

4 Shah-Abbas est Louis XIV ; son petit-fils, Louis XV.

5 V* pense à un passage du Vè livre, chap. XXIII de Rabelais . Voir page 254 et suiv. : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1044328m/f368.item.r=XXIII

6 Guillaume Marcel est l'auteur de deux séries de Tablettes chronologiques, 1682, consacrées à l'histoire profane et à l'histoire ecclésiastique . Voir : https://data.bnf.fr/fr/14605577/guillaume_marcel/fr.pdf

et https://archive.org/details/tabletteschrono00lepagoog/page/n12/mode/2up

et : https://archive.org/details/lestabletteschr00marcgoog/page/n7/mode/2up

7La Beaumelle ne publia jamais d'histoire de Henri IV . V*, se fondant sur un bruit , tente d'exciter l'inquiétude du président Hénault qui consacre une grande place à Henri IV dans son Abrégé chronologique de l'histoire de France .

9 Malgré les dénonciations de V*, l'intervention du ministre Saint-Florentin s'est en effet bornée à lui demander de ménager son ennemi : voir lettre du 22 juillet 1767 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/03/17/qu-il-y-a-une-difference-immense-entre-les-sentiments-des-so-6433691.html

26/03/2024

Avez-vous un fusil à la main

... Oui ! Opération Vigipirate oblige :

https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/terrorisme/attentat-de-moscou-menaces-contre-des-lycees-jeux-olympiques-pourquoi-la-france-a-releve-le-plan-vigipirate-a-son-plus-haut-niveau_6446461.html

Avec l'espoir que nul attentat arrive .

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https://www.gettyimages.no/photos/operation-vigipirate

 

 

« A Anne-Madeleine-Louise-Charlotte Auguste de La Tour du Pin de Saint-Julien

Au château de Ferney 12 septembre 1768

Daignez-vous, madame, vous souvenir de ce vieux solitaire qui prenait la liberté de vous appeler son papillon philosophe ? Vous souvenez-vous encore que vous lui parlâtes d'un musicien 1 que vous protégiez beaucoup, et dont vous disiez des choses merveilleuses ? Continuez-vous à le protéger, et fait-il toujours de bonne musique ? Faites-moi la grâce, madame, de répondre à cette question ; faites-moi même une autre grâce, c'est de me garder le plus profond secret . Le joli papillon pourrait bien le laisser échapper mais la philosophe le gardera .

J'ignore, madame, ce que vous faites et où vous êtes, si vous avez des perdrix ou si vous faites mieux . Avez-vous un fusil à la main, ou une flèche de l'amour?Quelque train de vie que vous ayez pris, je m’intéresserai toujours à vous avec le plus sincère respect et l'attachement que vous inspirez à quiconque a eu le bonheur de vous connaître.

Le malade V. »

25/03/2024

On juge plus à son aise quand il n’y a point de ratures, point d’écriture différente, point de renvois, point de petits brimborions à rajuster, et qui dispersent toutes les idées

... Les députés, sénateurs, ministres et président feraient bien de s'en inspirer avant de dégoiser leurs projets de lois et avalanches irréalistes d'amendements tous plus idiots les uns que les autres [les amendements, quoiqu' on puisse aussi le dire des législateurs eux-mêmes !].

Voyez ce qui se trame de A comme Abattage des animaux de boucherie immédiatement suivi de Abrogation de la loi portant réforme des retraites  , rapprochement qui peut  inquiéter les futurs retraités,  à Z comme :  Zones à faibles émissions mobilité     en passant par  I comme Importation de trophées de chasse ...

Plus fort que les contes des Mille et une nuits .

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Je suis d'accord sans réserve, bonne décision

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

5 septembre 1768 1

Je tiens ma parole à mes anges. Je reçus leur paquet hier, et j’en fais partir un autre aujourd’hui. On juge plus à son aise quand il n’y a point de ratures, point d’écriture différente, point de renvois, point de petits brimborions à rajuster, et qui dispersent toutes les idées. J’ai appris enfin le véritable secret de la chose ; c’est que cette facétie est de feu M. Desmahis 2, jeune homme qui promettait beaucoup, et qui est mort à Paris de la poitrine, au service des dames. Il faisait des vers naturels et faciles, précisément comme ceux des Guèbres, et il était fort pour les tragédies bourgeoises. Celle-ci est à la fois bourgeoise et impériale. Enfin Desmahis est l’auteur de la pièce ; il est mort, il ne nous dédira pas.

Le possédé, ayant été exorcisé par vous, a beaucoup adouci son humeur sur les prêtres. L’empereur en faisait une satire qui n’aurait jamais passé. Il s’explique à présent d’une façon qui serait très fort de mise en chancellerie. Je commence à croire que la pièce peut passer, surtout si elle est de Desmahis ; en ce cas, la chose sera tout à fait plaisante.

Il y a une insipide comédie sans sel ni sauce, qui s'appelle, je crois Le Philosophe sans le savoir 3. Si Les Guèbres sont joués de même, ils feront un beau fracas, il y a des attitudes pour tout le monde . À genoux, mes enfants 4 doit faire un grand effet, et la déclaration de César 5 n’est pas de paille.

Melpomène avait besoin d’un habit neuf ; celui-ci n’est pas de la friperie.

Que cela vous amuse, mon cher ange, c’est là mon grand but : vous êtes tous deux mon parterre et mes loges.

V. »

1 L'édition de Kehl amalgame cette lettre et celle du 15 septembre 1768 ; plaçant le tout le 15 septembre 1768 . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1768/Lettre_7335

2 Joseph-François-Edouard de Corsembleu Desmajis, né en 1722, mort le 25 février 1761 . ses oauvres ont été recueillies en 1762 en un volume in-12 . Bien enendu, il n'a rien à voir avec Les Guèbres que V* tente de mettre sur son compte .

Voir : https://data.bnf.fr/12779741/joseph-francois-edouard_corsembleu_desmahis/

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph-Fran%C3%A7ois-%C3%89douard_de_Corsembleu

3 La phrase a été, on s'en doute supprimée dans l'édition de Kehl . Sur la pièce de Sedaine, voir lettre du 22 novembre 1765 au marquis de Florian : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/03/18/je-ne-sais-si-les-spectacles-ont-cesse-a-paris-dans-la-crise-6304229.html

4 Les Guèbres, ac. V, sc. 5, vers 1533 : https://theatre-classique.fr/pages/pdf/VOLTAIRE_GUEBRES.pdf

5 Ibid., ac. V, sc. 6 , voir en particulier vers 1605-1610 : Qu'ils jouissent en paix de leurs droits, de leurs biens ; Qu'ils adorent leur dieu, mais sans blesser les miens : Que chacun dans sa loi cherche en paix la lumière ; Mais la loi de l'État est toujours la première. Je pense en citoyen, j'agis en empereur : Je hais le fanatique et le persécuteur.

La litote n'est pas de paille vient de l'expression homme de paille, bonhomme de paille, signifiant mannequin, épouvantail à moineaux .

Les Droits des hommes et les Usurpations des autres

... Hey ! Poutine le menteur-tricheur, tu es démasqué !

 

 

« A Michel-Paul-Guy de Chabanon

9è septembre 1768 1

Mon cher ami, mon cher confrère, il y a tantôt deux mois que je n’ai écrit à personne. J’avais fait un travail forcé qui m’a rendu longtemps malade. Mais, en ne vous écrivant point, je ne vous ai pas oublié, et je ne vous oublierai jamais.

Vous avez eu tout le temps de coiffer Eudoxie, et je m’imagine qu’à présent c’est une dame des mieux mises que nous ayons. Pour Pandore, je ne vous en parle point. Notre Orphée 2 a toujours son procès à soutenir, et son père mourant à soigner 3. Il n’y a pas moyen de faire de la musique dans de telles circonstances. Est-il vrai que celle du Huron 4 soit charmante ? Elle est d’un petit Liégeois que vous avez peut-être vu à Ferney 5. J’ai bien peur que l’opéra-comique ne mette un jour au tombeau le grand opéra tragique. Mais relevez donc la vraie tragédie, qui est, dit-on, anéantie à Paris. On dit qu’il n’y a pas une seule actrice supportable. Je m’intéresse toujours à ce maudit Paris, du bord de mon tombeau.

On dit que l’oraison funèbre 6 de notre ami Jean-George est un prodige de ridicule ; et, pendant qu’il la débitait, on lui criait : « Finissez donc ! » C’est un terrible Welche que ce Jean-George. On dit qu’il est pire que son frère. Les Pompignans ne sont pas heureux. Je n’ai point vu la pièce ; mais on m’en a envoyé de petits morceaux qui sont impayables.

J’ai lu une brochure assez curieuse, intitulée Les Droits des hommes et les Usurpations des autres 7. Il s’agit des usurpations de notre Saint-Père le pape sur la suzeraineté du royaume de Naples, sur Ferrare, sur Castro et Ronciglione, etc., etc. Si vous êtes curieux de la lire, je vous l’enverrai, pourvu que vous me donniez une adresse. Adieu, mon cher ami, aimez toujours le vieux solitaire, qui vous aimera jusqu’au temps où l’on n’aime personne. »

1 Le 10 Seigneux de Correvon écrit à Bertrand : « M. de Voltaire me mande qu'il vient de recevoir une lettre de M. de Chauvelin qui lui apprend qu'il espère de s'accommoder bientôt avec le célèbre Paoli […].»

2 Le musicien La Borde .

3 Le fermier-général Jean François de Laborde .

4 Le Huron, opéra-comique de Marmontel, d'après le roman de V*, a été joué à la Comédie-Italienne le 20 août 1768 .

6 Jean-George Lefranc de Pompignan a prononcé l'oraison funèbre de la reine qui fut publiée sous le titre  :
Oraison funèbre de Très-Haute et Très-Puissante et Très-Excellente Princesse Marie, Princes se de Pologne, Reine de France et de Navarre prononcée le II août 1768 par M. Lefranc de Pompignan .

 L’oraison funèbre contient des portraits satiriques des philosophes, en retour des brocards dont quelques-uns l’avaient accablé ; voir page 562 https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome12.djvu/572#cite_ref-1

Voir : https://data.bnf.fr/fr/12341346/jean-george_le_franc_de_pompignan/fr.pdf

24/03/2024

personne ne fait de plus grandes enjambées que lui dans le chemin de l'erreur 

... Vladimir Poutine, lui qui a refusé d'écouter les mises en garde US à propos d'attentats à venir ; il est vrai qu'il ne tient en place qu'avec la complicité d'apparatchiks aussi pourris que lui, prêts à tout , y compris sacrifier leurs concitoyens .

Voir / écouter : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/serie-le-...

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« A Marie-Louise Denis

au château d'Hornoy

par Abbeville

Picardie

5è septembre 1768

Je reçois votre lettre de ce 27 auguste appelé août par les barbares . Il est midi , je ne sais si ma lettre, partira aujourd'hui . Je me hâte toujours de vous dire que Dupuits a lu la facétie 1, qu'elle n'est point de moi, qu'elle est de Desmahis que vous avez connu . Le sujet m'en a paru si intéressant et si conforme à ce qui se passe aujourd’hui dans une partie de l'Europe, que je crains beaucoup que la pièce ne soit pas jouée, surtout si elle passe pour être d'un autre que de Desmahis . Il faut que tout ce qui est à Hornoy s'en amuse ; mais il faut garder le plus profond secret . Le moindre soupçon sur moi ferait naître mille allusions auxquelles je suis sûr que l'auteur n'a jamais pensé . Ce qui serait innocent pour Desmahis pourrait me rendre très coupable, tant la calomnie est aveugle . Jurez-moi donc un secret éternel tous tant que vous êtes . Cette lettre est pour vous tous que j'embrasse bien tendrement .

Je ne sais si les habitants d'Hornoy ont reçu un petit écrit traduit de l'italien concernant les droits du pape sur le royaume de Naples, sur les États du duc de Parme, et sur quelques autres principautés 2 . L'ouvrage m'a paru curieux et instructif . La pièce de Desmahis le serait bien davantage .

M., ou Mme de Florian est prié ou priée de mander si on peut leur adresser des paquets par M. de Corcelles . La voie de M. de Chennevières ne me paraît pas fort sûre . Il m'a toujours paru qu'on ne respectait pas beaucoup un paquet à la poste .

Je ne serai pas étonné si Tronchin se trompe sur Damilaville . Il avait condamné Daumart à mourir dans deux jours, 3 et il y a neuf ans qu'il est en vie pour son malheur . Quand Tronchin se trompe il a la gloire de passer en cela tous ses confrères ; personne ne fait de plus grandes enjambées que lui dans le chemin de l'erreur ; quelquefois il rencontre juste, mais quand il se fourvoie il est à cent lieues .

Adieu mes chers habitants d'Hornoy, je vous embrasse à plus de cent lieues le plus tendrement du monde. »

1 Les Guèbres .

2 Les Droits des hommes et les Usurpations des autres .