Cette vie là ne me déplait point . Elle est toute remplie ... Je me plains toujours selon l'usage, mais dans le fond je suis fort aise
27/09/2014
... On croirait entendre un pilote d'Air France si l'un d'eux était capable d'un peu de franchise !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
A Ferney 19 août 1759
Mon divin ange, est-ce que M. Faitema 1 n'aurait pas trouvé grâce devant vos yeux ? Voici pour vous réjouir un gros paquet contenant des choses délicieuses, un billet de M. Fabry, fermier de Gex , c'est-à-dire son reçu de son tiers de lods et ventes . Quelle lecture agréable ! Et puis une lettre à l'abbé d'Espagnac, pleine de jérémiades sur le sort des pauvres seigneurs du château, et une lettre à M. de Chauvelin l'ambassadeur . Je me console au moins avec lui de cet embarras d'affaires . Savez-vous que je passe les jours entiers dans ces discussions de toute espèce ? Il faut s'accoutumer à tout . Cette vie là ne me déplait point . Elle est toute remplie . Il est plus doux qu'on ne pense de planter, de semer, et de bâtir . Je me plains toujours selon l'usage, mais dans le fond je suis fort aise .
Je réserve les chevaliers 2 pour le temps des vendanges . Vous mon cher ange, et M. de Chauvelin qui daignez être mes médiateurs avec M. d'Espagnac, vous n'échouerez pas dans votre négociation . Lisez ma lettre à M. d'Espagnac et vous verrez si j'ai raison . Lisez aussi ma dépêche à M. de Chauvelin et vous jugerez si le conseil de Mgr le comte de La Marche n'a pas beaucoup de torts .
Enfin donc je crois que mes Russes sont près du grand Glogau . Qui croirait que la Barbarini va être assiégée par mes Russes ; et dans Glogau 3! Ô destinée ! Je n'aime point Luc, il s'en faut de beaucoup . Je ne lui pardonnerai jamais ni son infâme procédé avec ma nièce, ni la hardiesse qu'il a de m'écrire deux fois par mois des choses flatteuses sans avoir jamais réparé ses torts . Je désire beaucoup sa profonde humiliation, le châtiment du pécheur ; je ne sais si je désire sa damnation éternelle .
Mon divin ange, vous ne m'écrivez point . Vous ne me dites rien des succès que M. le comte de Choiseul à la cour de Vienne . Je sais sans vous qu'il y réussit beaucoup . Je suis toujours si enchanté que je ne lui demande rien . Je ne veux point du tout l'importuner pour ma terre viagère de Tournay . Je veux qu'il sache que je lui suis attaché par goût , par reconnaissance, et que l'intérêt ne déshonore point mes sentiments généreux .
Comment se porte Mme Scaliger ? Je suis à ses pieds, et bientôt je travaillerai sur ses commentaires. Adieu divins anges . Je souhaite à votre nation tous les succès possibles dans le continent et dans les îles .
À propos parlez-vous italien? Mille tendres respects à tous les anges .
V. »
1 La mort de Socrate, dont Faitema est le prétendu auteur .
2 Tancrède .
3 Quand elle eut épousé Karl Ludwig von Cocceji, « la Barbarini » et son mari furent exilés par Frédéric II à Glogau .Voir : http://de.wikipedia.org/wiki/Karl_Ludwig_von_Cocceji
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