puisqu'il demande du temps pour une bagatelle qu'il eût dû faire en moins d'une seconde, j'ai droit de conclure qu'il n'en fera rien du tout
07/03/2025
... Qui donc est ce retardataire ? Bayrou ?
« A Marie-Louise Denis
rue Bergère vis-à-vis l'hôtel des Menus
à Paris
30è auguste 1769
Je réponds à votre lettre du 23 auguste 1, et je vous remercie d'auguste, car août est d'un welche abominable . J'ai répondu exactement, ma chère amie, à toutes les autres, et j’ai entré dans les plus grands détails . Voici ma situation présente .
Je suis très malade ; il y a quatre mois que je n'ai mis un habit . J’ai bien des raisons de fuir le commerce des hommes, mais la solitude avec les maladies continuelles composent un état qui ne laisse envisager qu'une mort prochaine .
Je vous ai toujours mandé que je redoutais l'hiver pour vous et pour moi dans le pays où je suis ; que je redoutais encore plus l'ennui que vous éprouveriez . Je n'ai jamais eu que votre bonheur en vue , et je penserai toujours de même.
Il me serait impossible d'aller actuellement à Paris mettre de l'ordre à mes affaires ; ma santé est trop déplorable, et d'ailleurs il faut que je règle tout avec les gens de Montbéliard ; j'attends sur cela M. Christin .
Je suis actuellement dans de si cruelles souffrances malgré tout mon régime, que je ne vous réponds pas de vous écrire avec beaucoup d’ordre .
Je n'augure rien de bon de la réponse de M. de Vim . Cette affaire est si peu de chose pour lui qu'il pouvait la conclure sur-le-champ quand ce n'eût été que par considération pour mon âge ; et puisqu'il demande du temps pour une bagatelle qu'il eût dû faire en moins d'une seconde, j'ai droit de conclure qu'il n'en fera rien du tout .
En ce cas, ce sera un malheur de plus pour moi , mais je ne suis pas moins touché de l’amitié et du zèle que vous avez mis dans cette entreprise ; vous m'en seriez plus chère si ma tendresse pour vous pouvait augmenter .
Vous me parlez de la lettre de M. des Franches, vous verrez encore une fois , par mes précédentes, que j'ai répondu à tous les articles . Vraiment ce M. Conti se moque bien du monde de me proposer de traduire un chant du Tasse pour lui procurer le débit d 'un livre qu'il n’aura point fait . Cet homme ne sait pas apparemment que j'ai soixante et seize ans, que je suis malade, et que j'ai plus d'une affaire . Je n'ai ni le temps ni la force seulement de lui répondre . Je vous prie de le lui dire si vous le voyez . Le Tasse devint fou, mais cet homme ne le deviendra pas .
Je vais écrire à M. de La Sourdière pour la Scythie . J'ai bien peur que ce M. de La Sourdière 2 ne gâte par ses plaisanteries l'affaire que vous avez entamée avec Mme de Le Long 3 ; il est tout propre à cela ; il y a quarante ans que je connais mon homme .
Vous me faites beaucoup trop d'honneur en pensant que je vis avec les deux personnes qui sont chez moi . Je garde le prêtre parce qu’il y a cinq ans que je l'ai . Je n'ai pris l'autre 4 pour quelque temps que parce que j'ai eu compassion de ses malheurs inouïs . Je l'ai tiré d'un état fort triste qui lui aurait fait perdre le peu qu'il lui reste . La dame qui le vit à Neuchâtel ne le vit qu'abruti par le malheur . Il est vrai qu'il fait de très mauvais vers, comme bien d'autres 5 ; mais c'est un vieil enfant très bon, très serviable et très infortuné . Nous verrons quel parti il pourra prendre . Pour moi, je ne sais encore quel sera le mien ; il faut que j'aie un peu de santé, ou que je songe à mourir . Mais vif ou mort, vous verrez que je vous ai toujours aimée .
Je vous prie , ma chère amie, de donner cette lettre à votre gros magistrat 6 .
En voici encor une autre pour la dame Duchesne 7. »
1 Conservée . Mme Denis s'y plaint de Durey . Elle suggère de nouveau d'écrire à Richelieu pour Les Scythes . Enfin, elle répond qu'aucune affaire concernant un « Martin » n'est mentionnée dans les registres du parlement de Paris .
2Richelieu ainsi que le note Mme Denis au-dessus de la ligne .
3Mme Denis a porté « de Pompadour » au-dessus de la ligne .
4Durey de Morsan , voir lettre de Mme Denis du 11 septembre 1769 .
5 Comme Mme Denis elle-même, entre autres .
6 Cette lettre à d'Hornoy qui était chargé de se renseigner sur la prétendue affaire martin ne nous est pas parvenue ; sa réponse fut négative ( voir lettre du 30 août 1769 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/03/08/on-croit-que-notre-siecle-n-est-que-ridicule-il-est-horrible-la-nation-pass.html
) et V* revint à la charge plus tard sans plus de succès .
7 Non conservée.
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