Le Saint-Père est un pauvre saint
13/11/2025
... Enfin , pas tout à fait saint, Léon XIV est encore vivant et doit encore donner le bon exemple, avec ses idées à lui, démontrant un esprit tristement ( bêtement ? ) conservateur . Il risque un jour d'être "un sot moine qui s'oublie" face à la Curie . Où en est-il à ce jour : https://www.rfi.fr/fr/europe/20251108-l%C3%A9on-xiv-un-po...
"A Frédéric II, roi de Prusse
8è juin [1770] 1
Quand un cordelier 2 incendie
Les ouvrages d’un capucin,
On sent bien que c’est jalousie,
Et l’effet de l’esprit malin ;
Mais lorsque d’un grand souverain
Les beaux écrits il associe
Aux farces de saint Cucufin,
C’est une énorme étourderie.
Le Saint-Père est un pauvre saint,
C’est un sot moine qui s’oublie :
Au hasard il excommunie.
Qui trop embrasse mal étreint.
Voilà Votre Majesté bien payée de s’être vouée à saint Ignace . Passe pour moi chétif, qui n’appartiens qu’à saint François. Le malheur, sire, c’est qu’il n’y a rien à gagner à punir frère Ganganelli . Plût à Dieu qu’il eût quelque bon domaine dans votre voisinage, et que vous ne fussiez pas si loin de Notre-Dame de Lorette.
Il est beau de savoir railler
Ces arlequins faiseurs de bulles 3;
J’aime à les rendre ridicules ;
J’aimerais mieux les dépouiller.
Que ne vous chargez-vous du vicaire de Simon Barjone, tandis que l’impératrice de Russie époussette le vicaire de Mahomet ? Vous auriez à vous deux purgé la terre de deux étranges sottises. J’avais autrefois conçu ces grandes espérances de vous ; mais vous vous êtes contenté de vous moquer de Rome et de moi, d’aller droit au solide, et d’être un héros très avisé.
J’avais dans ma petite bibliothèque l’Essai sur les Préjugés, mais je ne l’avais lu . J’avais essayé d’en parcourir quelques pages, et, n’ayant vu qu’un verbiage sans esprit, j’avais jeté là le livre. Vous lui faites trop d’honneur de le critiquer 4; mais béni soyez-vous d’avoir marché sur des cailloux, et d’avoir taillé des diamants ! Les mauvais livres ont quelquefois cela de bon qu’ils en produisent d’utiles.
De la fange la plus grossière
On voit souvent naître des fleurs.
Quand le dieu brillant des neuf Sœurs
La frappe d’un trait de lumière.
Tâchez, je vous prie, sire, d’avoir pitié de mes vieux préjugés en faveur des Grecs contre les Turcs : j’aime mieux la famille de Socrate que les descendants d’Orcan 5, malgré mon profond respect pour les souverains.
Sire, vous savez bien que, si vous n’étiez pas roi, j’aurais voulu vivre et mourir auprès de vous.
Le vieux Malade ermite.
Je vois que vous ne voulez point des Trois Grâces de M. Hennin 6. Celles qui vous inspirent quand vous écrivez sont beaucoup plus grâces. »
1 Minute olographe ; éd. Kehl. La présente lettre répond à celle de Frédéric du 24 mai 1771, ce qui permet de dater l'année de façon sûre.
2 Le pape Clément XIV, qui avait été franciscain, avait condamné plusieurs ouvrages anonymes de Voltaire, qui avait sa patente de capucin, et un écrit du roi de Prusse ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1770/Lettre_7893
On y reconnaît le persiflage de Frédéric II à l'égard des philosophes, pacifistes de profession, mais bellicistes dès que les intérêts de leur parti semblent le réclamer .
3 « Arlequin faiseur de bulles » est dans le Pot-pourri ( https://fr.wikisource.org/wiki/Pot-pourri ) . Mais on peut songer aussi aux Lettres d'Amabed : https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Lettres_d%E2%80%99Amabed
4 Voir notes de la lettre du 24 mai 1770 de Frédéric II : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1770/Lettre_7893#cite_ref-2
5 Certains historiens turcs attribuent la fondation de l'empire ottoman à Osman Ier, père d'Orcan : https://fr.wikipedia.org/wiki/Osman_Ier
6 Voir page 11 : https://books.openedition.org/purh/3197?lang=fr
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