D'ailleurs , il importe fort peu qu'on soit mangé après sa mort par des vers du pays de Genève, ou par des vers du pays de Gex
11/01/2020
... Chers asticots de tous pays, vous n'aurez pas à ronger ma couenne, je suis un adepte de la crémation, me refusant à priver de quelque mètre carré arable que ce soit mes survivants .
« A George Keate Esq.
Nandos Coffee house
London
14è novembre 1764 au château de Ferney
par Genève 1
J'ai une plaisante destinée, mon cher monsieur ; je suis presque entièrement aveugle quatre ou cinq mois de l'année . Il n'est pas juste qu'étant si éloigné d'égaler Milton je sois absolument aveugle comme lui . Je ne le sais que quand les neiges couvrent les Alpes et le mont Jura, que vous avez si bien chantés 2. C'est ce qui m'a privé du plaisir de lire moi-même les beaux vers dont vous avez honoré les Délices 3, mais j'ai trouvé heureusement un Anglais qui me les a lus, et qui a partagé mon admiration .
Je serai bientôt obligé, je crois, de quitter ces Délices que vous m'avez rendues si chères en les célébrant . Il faut que j'habite le printemps , l'été et l'automne, la terre de Ferney que je fais valoir, et dans l'hiver il ne me faut qu’une chambre bien chaude . D'ailleurs , il importe fort peu qu'on soit mangé après sa mort par des vers du pays de Genève, ou par des vers du pays de Gex .
Soyez sûr, monsieur, que tant que je vivrai, je vous serai attaché avec une reconnaissance égale à mon estime .
V. »
1 L'original est contresigné « Isaac Souchay », mention « de Genève f[ran]co Paris », cachet NO au dessus de 26 dans un cercle .
2 Sur le poème The Alps, voir la lettre du 26 juillet 1763 à Keate : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/07/11/vous-rendez-l-horreur-agreable-6065700.html
3 Ce n'est pas tout à fait exact, dans son poème Keate ne fait aucune référence spécifique aux Délices .
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