Les émigrants me ruinent, et il faut que je devienne économe .
20/12/2025
... Contrairement à certains nationalistes bas de plafond, Voltaire ne dit pas "fichons-les dehors au plus vite", il décide de se serrer un peu la ceinture, donner moins, mais continuer à bâtir pour les abriter et leur permettre de travailler . Cette attitude est évidemment bien loin de celle d'un Zemmour et tout autre d'extrême droite ou gauche . Merci au Patriarche .
« A Louis-Gaspard Fabry
Je vous avoue, monsieur, que je me faisais un scrupule de vous envoyer le chiffon ci-joint 1, qui me paraît de quatre mains différentes, que je pouvais à peine lire, et où je ne reconnaissais pas la signature de M. Hennin . Je craignais de fournir des armes pour perdre quelqu'un. Mais étant pleinement informé, je vois que la signature de M. Hennin est de sa main, que ce n'est point un ordre, que ce n'est qu'un simple certificat mêlé avec d'autres d'une manière assez confuse , et que tout est en règle de ce côté .
S'il y a eu quelque manque de formalité c'est ce que j’ignore, et ce que vous pouvez aisément découvrit .
Landry proteste qu'il n'a jamais produit aucun certificat, et que c'est l'affaire de ses marchands . Je pense qu'il dit vrai, car toutes les fois qu'il me fait venir des bois pour mes maisons, ce sont toujours les marchands voituriers qui présentent les certificats au visa, et non Landry . J'en ai actuellement un besoin extrême ; et je crois avoir donné en dernier lieu cinq déclarations que les marchands de Franche-Comté doivent montrer .
Quant aux comédiens qui doivent s'établir auprès de Prégny, je leur conseille de se faire capucins . Un pauvre bateleur qui prétendait être de cette troupe vint il y a quelques jours me demander l'aumône .
Ni la ville de Versoix, ni le théâtre des Genevois ne seront bientôt bâtis .
Les bois de Landry qui sont à Prégny, et qui ne servent plus à rien, me reviennent de droit . Il vaut mieux qu'ils servent à loger des émigrants qu'à réjouir des représentants . Ainsi, monsieur, je vous demanderai en grâce d'ordonner qu'ils soient transportés à Ferney, et qu'on ne soit point obligé ( en prenant le plus court chemin ) de payer des droits .
Les émigrants me ruinent, et il faut que je devienne économe .
J'ai l'honneur d'être avec l'attachement le plus sincère et le plus respectueux,
monsieur,
votre très très humble et très obéissant serviteur
Voltaire.
A Ferney 8è juillet 1770. 2»
1 Il n'est pas connu .
2 Copie par Th. Dufour. L'original est en possession de Mme de Laure, née Fabry, jusqu'à sa mort en 1913 ; éd. Lettres inédites, 1946 . On a ici suivi le texte de la copie Dufour qui est littérale ; voir lettre du 24 juin 1770 à Fabry : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/11/26/encore-faire-payer-aux-autres-ce-qu-il-doit-6572093.html
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