22/03/2015
Qui ne craint rien ne déguise rien ; qui peut penser librement ne pense point en esclave ; qui n'est point courbé sous le joug despotique séculier ou régulier marche droit et la tête levée
... Conclusion : faites vous votre propre opinion, analysez les propositions, souvenez vous des réalisations et des mensongères promesses de tous bords, des menaces et gesticulations des dirigeants politiques, et votez , même si ça vous fait mal au coeur de choisir un camp [gauche - sauf l'extrême-, centre , écolo ou droite] seulement parce que l'autre [FN] est trop imbuvable au figuré comme au réel, à vomir .
"Et à en croire le sommelier du jour, qui officie sur le point de vente où est proposé le cru à l'entrée de l'auditorium de l'Acropolis de Nice, le breuvage "est imbuvable". Il a mal vieilli. Sans doute."
http://www.francetvinfo.fr/politique/a-nice-une-cuvee-imbuvable_259939.html
« A Saverio BETTINELLI de la
Société de J.
24 mars 1760, par Genève,
aux Délices. 1
Le paquet dont vous m'avez honoré, monsieur, me fait regretter plus que jamais votre personne ; vous me paraissez furieusement riche; vous me comblez de biens qui semblent ne vous rien coûter. Tout ce que vous m'apprenez coule d'une source bien abondante ; tous les arts vous sont présents, ainsi que tous les siècles. Vous ajoutez encore à mon estime pour l'Italie. Je vois plus que jamais qu'elle est en tout notre maîtresse. Mais puisque nous sommes à présent des enfants drus et forts, qui sommes sevrés depuis longtemps, et qui marchons tout seuls, il n'y a pas d'apparence que j'aille voir notre nourrice, à moins que je ne sois cardinal. Comme j'ai eu, je crois, l'honneur de vous le dire, je respecte fort Ignace Danti ; mais je n'aime point du tout les jacobins, et j'étranglerais saint Dominique 2 pour avoir établi l'Inquisition. Je ne peux vous passer que vous disiez qu'il y a des hypocrites en Angleterre. Ne seriez-vous pas comme cette femme honnête qui croyait que tous les hommes avaient l'haleine puante, parce que son mari puait comme un bouc ? Non, il n'y a point d'hypocrites en Angleterre. Qui ne craint rien ne déguise rien ; qui peut penser librement ne pense point en esclave ; qui n'est point courbé sous le joug despotique séculier ou régulier marche droit et la tête levée. Nôtez pas au seul peuple de la terre qui jouit des droits de l'humanité ce droit précieux envié par les autres nations. Il a été autrefois fanatique et superstitieux, mais il s'est guéri de ces horribles maladies ; il se porte bien, ne lui contestez pas la santé.
Comme les Français ne sont qu'à demi libres, ils ne sont hardis qu'à demi. Il est vrai que Buffon, Montesquieu, Helvétius, etc., ont donné des rétractations ; mais il est encore plus vrai qu'ils y ont été forcés, et que ces rétractations n'ont été regardées que comme des condescendances qu'on a pour des frénétiques. Le public sait à quoi s'en tenir : tout le monde n'a pas le même goût pour être brûlé comme 3 Jean Hus et Jérôme de Prague. Les sages, en Angleterre, ne sont point persécutés : et les sages, en France, éludent la persécution. Pour les petits pédants de la petite ville de Genève, je vous les abandonne. S'ils sont assez sots pour prendre le parti d'Arius contre celui d'Athanase, et pour prétendre que 4 et 4 font 7, contre des gens qui disent que 4 et 4 font 9, ces maroufles-là devraient au moins être assez hardis pour l'avouer. J'ai pour eux presque autant de mépris que pour les convulsionnaires de Saint-Médard.
Avez-vous entendu parler des Poésies du roi de Prusse imprimées ? C'est celui-là qui n'est point hypocrite : il parle des chrétiens comme Julien en parlait 4. Il y a apparence que l'Église grecque et l'Église latine, réunies sous M. de Soltikof et sous M. Daun, l'excommunieront incessamment à coups de canon. Il se défendra comme un diable : nous sommes bien sûrs qu'il sera damné; mais nous ne sommes pas si c[ertains]5 qu'il sera battu.
Pour nous autres Français, nous sommes écrasés sur terre, anéantis sur mer, sans vaisselle, sans espérance : mais nous dansons fort joliment. Je ne danse point ; mais je sens tout votre mérite, et suis à vous pour jamais : e da banda le ceremonie 6.
V. »
1 Bettinelli avait adressé à V* le 25 janvier 1760 un « petit tribut » de recherches sur la littérature italienne , qui devait plus tard être traduit par P[ommereul] sous le titre de Lettres sur la littérature et la poésie italienne, 1778 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k76323b.r=La+F%C3%AAte+des+Caf%27Conc.langFR
2 Sur le manuscrit, une main étrangère a soigneusement rayé Saint Dominique et remplacé par Innocent et Frédéric .
3 Mot rayé et remplacé (par V*?) par que .
4 Voir lettre du 25 avril 1760 à Mme du Deffand : voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1760-partie-11-119862291.html
5 Le papier est déchiré .
6 Et sans cérémonie .
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