Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

03/06/2025

Il y a beaucoup de gens dans ce monde qui persécutent les vivants et les morts

... No comment .

image_1586.jpg

 

 

« A Guillaume Madur du Lac 1

Ferney 15 décembre 1769 2

Monsieur,

Si je n'avais pas été en train de tâter de mon cimetière, je vous aurais félicité plus tôt de votre victoire sur les ennemis des cimetières en plein air . Il y a beaucoup de gens dans ce monde qui persécutent les vivants et les morts ; vous me paraissez prendre en main la cause des uns et des autres .

Vous pensez bien juste sur les véritables pauvres et sur certains mendiants . Le dernier pape 3 canonisa, il y a deux ans, un de ces porte-besaces 4, et les gueux ses confrères y ont dépensé quatre cent mille écus que les peuples ont payés .

Voilà , monsieur, où nous en sommes dans le siècle de la raison . Jugez si nous avons besoin d'êtres pensants qui vous imitent dans votre courage et dans vos succès . Je suis vieux comme Moïse, et je ne peux que lever les mains au ciel, comme lui 5, pendant que vous vous battez contre les barbares . »

2 Copie contemporaine ; éd. Beuchot . Sur le manuscrit, le destinataire est désigné comme « bailli d'Ambert en Auvergne » . Il avait écrit le 22 novembre 1769 à V* pour lui annoncer qu'il avait, malgré le clergé, fait transférer le cimetière « hors des habitations ».

3 Clément XIII .

4 Allusion à la Canonisation de St Cucufin . Dans la première édition, le mot est remplacé par pauvres, suivi de et ses confrères, mendiants par état .

On n’en parlera qu’après l’arrangement ou dérangement des finances qui va se faire, et après l’extinction de certaines tracasseries qui sont trop longues

... Cependant, le remue-ménage politicard qui précède des élections commence à se faire entendre en vue des municipales de 2026 . On n'a pas fini d'entendre des âneries et de voir d'ambitieux coqs de basse-cour se voler dans les plumes pour la victoire de partis en quête de puissance . Pauvres bêtes , vous passerez à la casserole !

 

 

« A Paul-Claude Moultou

à Genève 1

Je vais répondre, mon cher philosophe, à tous les points de votre lettre.

Il n’a point encore été question au conseil d’un conventicule huguenot à Versoix . On n’en parlera qu’après l’arrangement ou dérangement des finances qui va se faire, et après l’extinction de certaines tracasseries qui sont trop longues.

Le libraire qui s’est confié à des théologiens est un grand sot. Ce polisson croit donc être au temps de Calvin. Un jeune homme plein d’esprit, qui a vu son manuscrit, prétend que rien n’est si plat et si obscur. Il dit que rien n’est plus capable de déshonorer la mémoire de votre ancien ami. Ne pourriez-vous pas redemander en justice les manuscrits qui vous appartiennent, en qualité d’exécuteur testamentaire 2 ?

Je vous fais mon compliment sur vos deux galériens. Si c’est par Mme la duchesse d’Enville que vous êtes parvenu à cette bonne œuvre, cela prouve qu’elle a du crédit auprès de M. de Saint-Florentin ; si c’est par vous-même, vous ferez casser la révocation de l’édit de Nantes 3.

Je voudrais bien savoir comment le parlement de Toulouse a validé un mariage fait contre les lois du royaume. Cela n’est pas dans l’ordre des possibles. Il faut qu’il y ait, dans cette aventure, des circonstances qui en changent totalement le fond.

Il est très vrai, Dieu merci, qu’il y a dans ce parlement une douzaine de magistrats aussi philosophes que vous.

Si on ne vous dit rien des Sirven, lisez la dernière Gazette de Berne 4. Vous y verrez que le 17 novembre Sirven a été élargi, avec mainlevée de son bien. Il en appelle au parlement pour avoir des dédommagements. Je n’ai pas un seul exemplaire de Dieu et les Hommes 5.

Votre pauvre Charles Bonnet aurait grand besoin que ses parents le fissent interdire 6.

Voilà, mon cher ami, tous vos articles tirés au clair. Ce qu’il y a de plus vrai dans tout ceci, c’est que je vous aime autant que je vous estime, et, le tout, sans cérémonie.

V. 

13è décembre 1769.»

1 Original ; éd. Gaberel limitée à deux brefs extraits déformés ; Taillandier à peine plus complète ; Lettres inédites, 1863, enfin correcte.

2 « J’ai expliqué à M. de Voltaire qu’on m’avait rendu mes manuscrits et qu’on les imprimait en Hollande. » (Note de Moultou).L'ouvrage en question est indubitablement l'édition d'Abauzit par Moultou ; voir lettre du 5 mars 1768 à d'Alembert http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/10/24/assurement-il-n-est-fecond-qu-en-dissensions-et-en-sophismes-6467611.html, et celle du 20 décembre 1769 à Moultou .V* avait certainement vu les annonces de l'édition Chirol et Philibert d'Abauzit dans les Nouvelles de divers endroits du 2 décembre 1769.

Tous les éditeurs disent qu'il s’agit de Rousseau, et probablement de la première partie des Confessions, or le manuscrit des Confessions n'est parvenu entre les mains de Moultou qu'en 1778 .

3  Il était très-difficile en effet d’obtenir la grâce des galériens protestants. Les hommes convaincus d’avoir assisté au culte étaient envoyés aux galères pour ce seul fait, et Louis XIV avait, formellement défendu de les libérer à l’expiration de leur peine ; quand une fois ils y étaient entrés, même pour un temps limité, ils n’en sortaient plus. On y mêlait systématiquement trois sortes très différentes de condamnés : des protestants, des malfaiteurs, et ce qu’on appelait des Turcs, c’est-à-dire des Algériens, des Barbaresques ou autres Orientaux pris à la guerre. Un de ces forçats libérés, Martheile de Bergerac, a laissé des mémoires qui sont devenus excessivement rares ; c’est un des livres les plus curieux qui existent dans notre langue.

En 1764, Claude Chaumont fut libéré ; Voltaire avait lui-même obtenu sa grâce. L’historien des Églises du désert, tome II. page 424, a publié une lettre d’un pasteur qui présenta Chaumont à son libérateur : « Quoi ! lui dit Voltaire, mon pauvre petit bonhomme, on vous avait mis aux galères ! Que voulait-on faire de vous ? Quelle conscience de mettre à la chaîne et d’envoyer ramer un homme qui n’avait commis d’autre crime que de prier Dieu en mauvais français ! »

En 1769 je ne trouve qu’un seul nom de galérien mis en liberté, Alexandre Chambon, âgé de plus de quatre-vingts ans, dont vingt-sept passés aux galères. Sa libération est en général attribuée au prince de Beauvau.

Dans une autre circonstance, Moultou s’efforça d’obtenir la délivrance d’un autre forçat, père de six enfants très jeunes encore. C’était un nommé Raymond, dont le souvenir et la famille se sont perpétués dans le midi de la France. Par l’intermédiaire de Mlle Curchod de Nasse, qui fut plus tard Mme Necker, Moultou fit agir la duchesse d’Enville. Malheureusement Mme d’Enville s’adressa à M. de Saint-Florentin, persécuteur opiniâtre et sans pitié. Il répondit : « Cette affaire regarde M. le duc de Choiseul (ministre de la marine) ; mais, s’il faisait sortir Raymond, je le ferais, moi, charger de chaînes. » (Correspondance inédite de Moultou.)

Il résulte d’une autre lettre de Voltaire (à d’Argental, en date du 17 juin 1764 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/07/25/les-ecailles-tombent-des-yeux-le-regne-de-la-verite-est-proche.html), que Voltaire avait proposé au duc de Choiseul de transporter à la Guyane comme colons « une trentaine de galériens qui sont sur les chantiers de Marseille pour avoir écouté la parole de Dieu en pleine campagne. » Ils devaient s’embarquer avec chacun mille écus. Voltaire se plaint qu’au dernier moment ils ont manqué de parole et préféré les galères à la Guyane. Mais il nous semble incroyable que ces forçats eussent trouvé dans leurs familles ruinés 90,000 francs pour un pareil établissement.

Ce fut seulement sous Louis XVI, en 1775, que les deux derniers forçats pour la foi, comme les appelaient nos pères, furent libérés. (Note du premier éditeur)

4 Dans son numéro du 9 décembre 1769, mais le compte rendu qu'en fait V* est très approximatif .

5 La publication de cette « grosse brochure » a été annoncée dans une lettre de Charles Bonnet à Théodore Tronchin du 14 octobre 1769.

Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome28.djvu/139

6 Grande injustice (Note du premier éditeur.)

02/06/2025

La France est une grande dame dont les affaires sont un peu dérangées, mais qui trouve toujours crédit chez les marchands

... Mon pauvre Voltaire si tu voyais la France aujourd'hui et son classement mondial ! Au passage, on peut signaler qu'on peut organiser une célébration monstrueuse pour quelques clampins à crampons qui ont vaincu quelques uns de leurs semblables du pays voisin, dans le même temps que des milliers de sans abri attendent un logement si modeste soit il . Ecoeurant . Panem et circenses , et la déchéance s'avance .

3845e52f52d556a465a6099d40261039.jpg

Si seulement c'était temporaire ... au pays des imbéciles heureux 

Le Youky i va chercher la baballe !

 

 

« A Alexandre-Marie-François de Paule de Dompierre d'Hornoy

13è décembre 1769

Voici le fait, mon cher justicier, qui ne dédaignez pas le plaisir honnête de la comédie .

La succession De Guise doit environ trente mille francs, le duc de Richelieu environ douze . Partagez cela entre vous quatre .

Les titres concernant la succession de Guise sont entre les mains de M. Denis le fils .

Nommez un procureur qui agisse selon vos ordres ; il faudra bien que l'argent vienne .

Sirven a gagné son procès en première instance autant qu’il le pouvait gagner . Les juges qui voulaient le faire rouer ont été obligés de lui ouvrir les prisons, et de lui donner mainlevée du peu de bien qu'il a . il s'adresse au parlement pour des dédommagements que peut-être il n’aura point ; mais ce parlement de Toulouse est très favorablement disposé pour lui ; il y a une douzaine de jeunes philosophes qui feront leurs efforts pour expier le sang de Calas en protégeant Sirven . J'ai la main heureuse depuis quelque temps .

Rumor ad nostras Allobrogas aures pervenit 1

de certains arrangements de finances qu'on doit proposer à votre parlement de Paris, ou qu'on a déjà proposés, ou qu'on ne proposera point . La France est une grande dame dont les affaires sont un peu dérangées, mais qui trouve toujours crédit chez les marchands .

J’embrasse M. le Turc ; je m'afflige avec lui des déconfitures de Moustapha, mais je m'en réjouis avec l'impératrice Catherine .

Mme de Florian ne revient-elle pas incessamment ? »

1 Une rumeur est parvenue à nos oreilles allobroges ; d'après Virgile, L'Enéide, IX, 395 : « Nec longum in medio tempus, cum clamor ad auris » = « Il ne faut pas longtemps avant qu'un cri parvienne à ses oreilles . »

Voir : https://bcs.fltr.ucl.ac.be/Virg/V09-308-502.html

01/06/2025

Mon histoire du jour, à moi, c’est celle du genre humain ...que vous ignorez peut-être à Paris

... Les footeux sont heureux, une bande de trente deux gugusses payés par le Qatar a battu une autre bande de gugusses, italiques , ce qui va offrir la joie à quelques centaines de milliers de gugusses de parader sur les Champs-Elysées et de créer de monstres embouteillages ( comme s'ils n'en avaient pas assez les autres jours de la semaine ) . Rigolez bien et continuez à péter plus haut que votre cul si vous pouvez !

Voyez la marchandise , sans les prix au kilo : https://www.footmercato.net/club/psg/effectif/

J'ai préféré regarder les Lionnes de Bordeaux face aux féminines de Toulouse , vive Bordeaux, vainqueuse [sic],  vive Toulouse, vaillante,  vive le rugby féminin !

 

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du

Deffand

à Saint-Joseph

à Paris

11è décembre 1769

J’ai envoyé, madame, à votre grand’maman ce que vous demandez 1, et ce que j’ai enfin trouvé. Puissiez-vous aussi trouver de quoi vous amuser quand vous êtes seule ! c’est un point bien important . Il y a une hymne de Santeuil qu’on chante dans l’église welche, qui dit que Dieu est occupé continuellement à se contenter et à s’admirer tout seul 2, et qu’il dit comme dans Le JoueurAllons, saute, marquis 3. Mais il faut quelque chose de plus aux faibles humains. Rien n’est triste comme d’être avec soi-même sans occupation. Les tyrans savent bien cela, car ils vous mettent quelquefois un homme entre quatre murailles, sans livres ; ce supplice est pire que la question, qui ne dure qu’une heure.

Je vous avertis qu’il n’y a rien que de très vrai dans ce que votre grand’maman doit vous donner. Reste à savoir si ces vérités-là vous attacheront un peu : elles ne seront certainement pas du goût des dames welches, qui ne veulent que l’histoire du jour ; encore leur histoire du jour roule-t-elle sur deux ou trois tracasseries. Mon histoire du jour, à moi, c’est celle du genre humain. Les Turcs chassés de la Moldavie, de la Bessarabie, d’Azoph, d’Erzerum, et d’une partie du pays de Médée ; en un mot, toute cette grande révolution, que vous ignorez peut-être à Paris, ne sont qu’un point sur la carte de l’univers.

Si ce que je vous envoie vous fatigue et vous ennuie, vous aurez autre chose, mais pas sitôt. Je travaille jour et nuit : la raison en est que j’ai peu de temps à vivre, et que je ne veux pas perdre ce temps 4; mais je voudrais bien aussi ne pas vous faire perdre le vôtre.

Je suis confondu des bontés de votre grand’maman. Je vous les dois, madame ; je vous en remercie du fond de mon cœur. C’est un petit ange que Mme Gargantua. Il y a une chose qui m’embarrasse : je voudrais encore que votre grand-papa fût aussi heureux qu’il mérite de l’être 5. Je voudrais que vous eussiez la bonté de m’en instruire quand vous n’aurez rien à faire. Dites, je vous prie, à M. le président Hénault que je lui serai toujours très attaché. »

1 Au début de sa lettre du 27 novembre Mme Du Deffand réclame à V* Dieu et les hommes et l’Évangile du jour .

2V* fait allusion à un lieu commun de la théologie, dont il tourne la formule en dérision ; mais on n'a pas retrouvé le passage des poésies latines de Santeuil auquel il pense .

3Allusion à la tirade du marquis content de lui , dans Le Joueur, acte IV, scène 10  vers 1393 , de Regnard : https://fr.wikisource.org/wiki/Le_joueur_jean-fran%C3%A7ois_Regnard

4 Mme Denis confirme la magnifique passion de V* pour le travail, précisément à cette époque : « Il travaille quinze heures par jour, c'est une passion plus violente que jamais . Je suis persuadée que si notre projet [de l'amener à Paris] avait réussi nous n'aurions pas pu le mettre à exécution . Il serait en enfer s'il ne pouvait pas travailler. » écrit elle à la comtesse d'Argental le 12 novembre 1769.

5 Allusion aux bruits concernant une disgrâce de Choiseul ; voir lettre du 29 novembre 1769 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/05/18/est-ce-la-peine-de-vivre-quand-on-souffre-oui-car-on-espere-6548319.html