19/01/2015
Il faut, en vérité, aller dans un nouveau monde pour avoir du plaisir par le temps qui court
... Heureusement Voltaire ne nous envoie pas dans "l'autre" monde comme ont tendance à le faire trop souvent à mon goût, quotidiennement pour être vrai, les cinglés terroristes mahométans ou autres . Le "nouveau" monde offre en effet plus de plaisir, il n'est qu'à le demander aux participants du Dakar, ce fameux Paris-Dakar qui a dû s'exiler pour éviter les voleurs et assassins . Pourquoi faut-il que des minorités mettent le monde à feu et à sang ?
« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de SAXE-GOTHA
Aux Délices, 15 janvier 1760, en réponse à la lettre
dont V. A. S. m'honore, du 3 janvier.
Madame, pourquoi n'y suis-je pas? Pourquoi ne suis-je pas le témoin des plaisirs et des talents de votre illustre famille? Votre Altesse sérénissime fait en tout temps mes regrets. Madame la princesse votre fille se fait donc Américaine 1 ? Le prince aîné est Zamore ! Il faut, en vérité, aller dans un nouveau monde pour avoir du plaisir par le temps qui court. Je vois la grande maîtresse des cœurs qui leur donne des leçons : car il me semble que je l'ai entendue très-bien réciter, et mieux sans doute que le maître de langue, quel qu'il soit. Nous n'avons ici, madame, dans la ville de Jean Calvin, aucun dessinateur capable de dessiner un habit de théâtre, pas même un surplis; mais je vais y suppléer. Une espèce d'habit à la romaine pour Zamore et ses suivants, le corselet orné d'un soleil, et des plumes pendantes aux lambrequins ; un petit casque garni de plumes, qui ne soit pas un casque ordinaire. Votre goût, madame, arrangera tout cet ajustement en peu d'heures. Si on peut avoir pour Alzire une jupe garnie de plumes par devant, une mante qui descende des épaules et qui traîne, la coiffure en cheveux, des poinçons de diamant dans les boucles, voilà la toilette finie. Pour Alvarès et son fils, le mieux serait l'ancien habit à l'espagnole, la veste courte et serrée, la golille 2, le manteau noir doublé de satin couleur de feu, les bas couleur de feu, le plumet de même. Montèze, vêtu comme les Américains. Voilà, madame, tout ce que votre tailleur peut dire ; mais, en qualité d'auteur, Votre Altesse sérénissime est bien convaincue que je voudrais être le maître de langue.
J'ignore quel est le bel homme qui s'est donné pour le médecin Tronchin 3 ; le véritable est encore à Genève, et peut-être n'en sortira pas. Pour Mlle Pertriset 4, j'ai eu l'honneur de lui écrire, madame, et de lui envoyer le compte qu'on m'a remis pour le banquier 5 que Votre Altesse sérénissime protège. Je me flatte qu'elle m'aura mis aux pieds de Votre Altesse sérénissime, et de toute votre auguste maison.
Freytag doit être bien étonné d'être trépassé d'une mort naturelle 6. Hier il vint chez moi un Prussien, fils du général Brédau. Je lui demandai des nouvelles de tous ceux que j'avais vus chez le roi ; madame, il n'y en a pas un en vie. Ô monde, que tu es néant !
Daignez, madame, agréer les profonds respects de V. »
1 Elle allait jouer Alzire . La duchesse écrivait à V* le 3 janvier 1760 : « Mes enfants se sont proposés de jouer Alzire que j'aime tant, et ils ignorent tout comme moi comment ils doivent s'habiller ? J'ose donc vous conjurer de nous mettre au fait [...] le plus simple serait si vous vouliez sur un petit bout de papier me faire dessiner l'habillement et y ajouter à côté l'explication […] Mes enfants n'ont jamais encore joué la tragédie mais plusieurs petites pièces de comédies […] D'ailleurs nous avons ici un maître de langue français qui déclame très joliment et qui se donne beaucoup de peine pour les instruire . Ma fille apprend le rôle d'Alzire et mon fils aîné celui de Zamore . » L'action d'Alzire se passe au Pérou : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/VOLTAIRE_ALZIRE.xml
2 Espèce de collet porté en Espagne (Littré)
3 « Selon toutes les apparences M. Tronchin a passé par ici incognito pour se rendre à Berlin . Nous apprîmes cette nouvelle par les gazettes et en même temps par des lettres particulières de Frankfurth » écrit la duchesse le 3 janvier 1760 . Voir aussi lettre du 7 janvier 1760 à Mme d'Epinay : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/01/15/antecedentem-scaelestum-persequitur-pede-poena-claudo-le-crime-a-beau-prend.html
4 Voir page 169 et suiv. : http://www.liberius.net/livres/Voltaire,_sa_vie_et_ses_oeuvres_%28tome_2%29_000001156.pdf
5 II s'agit d'une réponse de Choiseul à Frédéric II.
6 « […] ce vilain Freytag a passé le pas par un coup d'apoplexie : je crois qu'il est mort à Hambourg », toujours lettre du 3 janvier 1760 à V*.
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