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05/09/2020

Je me flatte que vous jouissez d’une bonne santé ; ainsi je n’ai rien à vous souhaiter

... C'est dit .  Vale .

 

 

« Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis

A Ferney en Bourgogne

par Genève 15 mai [1765]

J’avais résolu, dans ma timide profanerie 1, de ne point écrire à monseigneur l’Archevêque ; mais j’apprends que Votre Éminence fait autant de bien que je lui ai connu d’esprit et de grâces. Omnis Aristippum decuit color et status et res 2.C’est votre bienfaisance qui m’enhardit ; je m’adresse à vous dans votre département, qui est celui de secourir les malheureux.

Il y a une famille bien plus infortunée que celle des Calas, et qui doit, comme les Calas, ses malheurs à l’horrible fanatisme du peuple, qui séduit quelquefois jusqu’aux magistrats. Mais, pour ne pas fatiguer Votre Éminence par de longs détails, je prends le parti de lui envoyer une lettre que j’écrivis il y a quelques mois à un de mes amis , et qu’on rendit publique 3. On est près de demander au Conseil, dont vous êtes, une évocation ; mais nos avocats ont besoin de la copie de l’arrêt de Toulouse, qui confirme la sentence du premier juge. Cet arrêt est du 5 mai 1764. Vous pourriez aisément charger, sans vous compromettre, quelque homme de confiance de vous procurer cette copie. Je vous conjure de m’accorder cette grâce, si elle est en votre pouvoir. Vous tirerez une famille de très honnêtes gens de l’état le plus cruel où l’on puisse être réduit. Il y a bien des malheureux dans ce meilleur des mondes possibles ; mais il n’y en a point qui méritent plus votre compassion. Vous rendez service au genre humain, en servant à déraciner le fanatisme fatal qui change les hommes en tigres.

Ces deux exemples des Calas et des Sirven seront 4 une grande époque. Accordez-nous, je vous en supplie, toute votre protection dans cette affaire, qui intéresse l’humanité. Je ne sais si vous êtes lié avec M. l’archevêque de Toulouse 5, que je n’ai pas l’honneur de connaître . Mais il me semble que Votre Éminence est à portée de l’engager à nous obtenir cette copie que nous demandons. Il est bien étrange que l’on puisse refuser la communication d’un arrêt . Une telle jurisprudence est monstrueuse, et, j’ose le dire, punissable. De bonne foi, souffririez-vous de pareils abus, si vous étiez dans le ministère ? Enfin je m’en remets à votre sagesse et à votre bonté.

Vous devez avoir quelque avocat à Toulouse chargé des affaires de votre archevêché. Il me paraît bien aisé de faire retirer cette pièce par cet avocat. Au nom de Dieu, prenez cette bonne œuvre à cœur. Je vous aimerai autant qu’on vous aime dans votre diocèse.

Je me flatte que vous jouissez d’une bonne santé ; ainsi je n’ai rien à vous souhaiter. 

Gratia, fama, valetudo, contigit abunde.6

J’écris aujourd’hui de ma main. Une bonne femme m’a presque guéri de mes fluxions, qui m’ôtaient l’usage de la vue : les femmes sont toujours bonnes à quelque chose. Ainsi donc ma main vous assure que mon cœur est pénétré, pour Votre Éminence, d’attachement et de respect. 

V.»

1 Encore un mot créé par V*, et non enregistré dans les dictionnaires .

2 Horace, Épîtres , I, XVII, 23 ; toute couleur, état et fortune conviennent à Aristippe .

3 Lettre du à Damilaville, qui a toujours été destinée à être publiée .

4 Voir lettre du 1er mai 17465 à Mlle Clairon :

5 Etienne-Charles de Loménie de Brienne : https://data.bnf.fr/fr/12319373/etienne-charles_de_lomenie_de_brienne/

et : http://académie-française.fr/les-immortels/etienne-charles-de-lomenie-de-brienne

6 Horace, Épîtres, I, iv, 10 ; la faveur, la réputation, la santé lui sont échues en abondance .

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