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14/02/2021

Y a-t-il rien de plus tyrannique, par exemple, que d’ôter la liberté de la presse ? Et comment un peuple peut-il se dire libre, quand il ne lui est pas permis de penser par écrit ?

... Qu'on se le dise et s'en souvienne en tout lieu !

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Jusqu'où peut-on supporter l'hypocrisie et la lâcheté de la censure ?

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

16è octobre 1765 1

J’ai passé de beaux jours avec vous, mon cher frère ; il me reste les regrets , mais il me reste aussi la douceur du souvenir et l’espérance de vous revoir encore avant que je meure. Qui vous empêcherait, par exemple, de revenir un jour avec M. et Mme de Florian ? Vous savez combien ils vous aiment, car vous avez gagné tous les cœurs.

J’ai reçu votre lettre de Dijon, et Mme de Florian ne vous rendra la mienne qu’à Paris. Je me flatte que votre zèle, conduit par votre prudence, va servir la bonne cause avec toute la chaleur que la nature a mise dans votre cœur généreux, sincère et compatissant. Les indignes ennemis de la raison et de la vertu sentiront bientôt qu’il n’y a de raison et de vertu que chez les vrais philosophes. L’infâme Jean-Jacques est le Judas de la confrérie, mais vous ferez de dignes apôtres.

J'attends le factum d'Elie en faveur des Sirven, et les estampes de la famille des Calas . Vous avez la note de ceux qui ont payé entre mes mains, et si vous n'avez pas d'argent à moi vous en pourrez envoyer prendre chez M. de Laleu .

Vous savez avec quelle impatience j’attends les manuscrits de Fréret 2 que vous m’avez promis. Ceux que vous avez emportés 3 peuvent se multiplier aisément. La lumière ne doit pas demeurer sous le boisseau. Je me flatte que vous m’instruirez des querelles du Parlement et du clergé . Nous sommes cette fois-ci parlementaires et de dignes paroissiens de M. l’archevêque de Novogorod 4.

Les divisions de Genève éclateront bientôt. Il est absolument nécessaire que vous et vos amis vous répandiez dans le public que les citoyens ont raison contre les magistrats ; car il est certain que le peuple ne veut que la liberté, et que la magistrature ambitionne une puissance absolue. Y a-t-il rien de plus tyrannique, par exemple, que d’ôter la liberté de la presse ? Et comment un peuple peut-il se dire libre, quand il ne lui est pas permis de penser par écrit ? Quiconque a le pouvoir en main voudrait crever des yeux à tous ceux qui lui sont soumis . Tout juge de village voudrait être despotique . La rage de la domination est une maladie incurable.

Je commence à lire aujourd’hui le livre italien Des Délits et des Peines 5. A vue de pays, cela me paraît philosophique ; l’auteur est un frère.

Adieu, vous qui serez toujours le mien. Adieu, mon cher ami ; périssent les infâmes préjugés qui déshonorent et qui abrutissent la nature humaine, et vive la raison et la probité, qui sont les protectrices des hommes contre les fureurs de l’infâme ! Adieu, encore une fois, au nom de Confucius, de Marc-Antonin, d’Épictète, de Cicéron et de Caton. »

1 L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais omet le troisième paragraphe, suivie par les éditions .

2 Des manuscrits de la Lettre de Trasybule à Leucippe, 1758 ; Les lettres à Eugénie, ou Préservatif contre les préjugés, 1768, sont l'une et l'autre sans doute d'Holbach et peut-être de Naigeon, et l'Examen critique des apologies de la religion chrétienne, 1766, qui peut être des mêmes ou de Lévêque de Burigny .

V* a écrit sur son exemplaire de la Lettre [...] « livre dangereux » et sur l'Examen [...] : « Je ne crois pas que cet examen soit de M. Fréret, il est très dangereux pour la foi. » ; voir : https://www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_1978_num_4_1_1377

Voir : https://data.bnf.fr/fr/13328631/nicolas_freret_lettre_de_thrasybule_a_leucippe/

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1521153q.image

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k845348.image

3 Parmi ces manuscrits, peut-être celui de l'ouvrage mentionné à propos de la lettre du 25 novembre à Cramer, comme semble l'indiquer la suite ; voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/01/22/aussi-bien-dans-le-comique-que-dans-le-tragique-6292671.html

4 Voir le Mandement du révérendissime père en Dieu.

5 Du marquis Cesare Bonesana Beccaria : Dei delitti e delle pene, 1764, qu'on retrouvera par la suite . Voir : https://journals.openedition.org/asterion/2184?lang=fr

et : https://data.bnf.fr/fr/13328966/cesare_beccaria_dei_delitti_e_delle_pene/