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23/05/2010

J‘ai eu la hardiesse de me faire acteur dans ma soixante et quatorzième année … J‘en ai été malade …





« A Etienne-Noël Damilaville

23 mai 1767

Nous avons reçu, Monsieur, le beau discours de M. l’abbé Chauvelin [Discours d‘un des M.M. de grand ‘chambre au parlement, toutes les chambres assemblées. Du mercredi 29 avril 1767 ; il traitait de l‘expulsion des jésuites d‘Espagne]. Je l’ai communiqué à M. de Voltaire qui en a pensé comme vous. Il est un peu malade actuellement. C’est apparemment de la fatigue qu’il a eue de faire jouer chez lui Les Scythes et d’y représenter lui-même un vieillard. Je n’ai jamais vu de meilleurs acteurs [à de Belley le 21 mai : « J‘ai eu la hardiesse de me faire acteur dans ma soixante et quatorzième année … J‘en ai été malade … M. de Chabanon et M. de La Harpe récitent des vers aussi bien qu‘ils en font ; et Mme de La harpe a un talent dont je n‘ai encore  vu le modèle que dans Mlle Clairon. »]. Tous les rôles ont été parfaitement exécutés, et la pièce a fait verser bien des larmes. Vous n’aurez jamais de pareils acteurs à la comédie de Paris.

Je sais peu de nouvelles de littérature. J’ai ouï parler seulement d’un livre de feu M. Boulanger, [L’Antiquité dévoilée par ses usages (1766) de Nicolas-Antoine Boulanger, édité par d’Holbach, après la mort de l’auteur] et d’un autre de milord Bolingbroke [Examen important de milord Bolingbroke, Ecrit sur la fin de 1736 qui parut d’abord dans le Recueil nécessaire, et qui est de V*] dont on vient de donner en Hollande une édition magnifique. On parle aussi d’un petit livre espagnol dont l’auteur s’appelle, je crois, Zapata. [Encore V* auteur vrai de : Les Questions de Zapata, traduites par le sieur Tamponet, docteur de Sorbonne, à Leipzik (Genève) 1766 (1767) ; Zapata est sensé être « professeur en théologie dans l’université de Salamanque »] On en a fait une nouvelle traduction à Amsterdam.

On calomnie l’impératrice de Russie quand on dit qu’elle ne favorise les dissidents de Pologne que pour se mettre en possession de quelques provinces de cette république. Elle a juré qu’elle ne voulait pas un pouce de terre, et que tout ce qu’elle fait n’est que pour avoir la gloire d’établir la tolérance.

Le roi de Prusse a soumis à l’arbitrage de Berne toutes ses prétentions contre les Neuchâtelois. [À Neuchâtel, Frédéric a remplacé le régime de la régie par la mise à ferme des recettes. Il s’agit sans doute du conflit qui avait éclaté au moment du renouvellement des fermes en 1766 et qui dura plusieurs années.] Pour nos affaires de Genève, elles sont toujours dans le même état ; mais le pays de Gex est celui qui en souffre davantage. [cf. lettres 2 janvier à d’Argental, 9 janvier à Choiseul, 10 février à Beauteville, 4 mai à d’Argental] On dit que M. de Voltaire allait passer tout ce temps orageux auprès de Lyon ; mais je ne le crois pas. Il est dans sa soixante-quatorzième année et trop infirme pour se transporter.

J’ai l’honneur d’être, monsieur, bien sincèrement, avec toute ma famille, votre très humble et très obéissant serviteur.

Boursier. »

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