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04/06/2010

En vérité il n'y a que les Italiens, et les Français leurs disciples , qui aient connu le théâtre




« Au marquis Francesco Albergati Capacelli

senatore à Bologna



4è juin 1762, aux Délices


J'ai bien de la peine à revenir, Monsieur, de la maladie qui m'a accablé. Ç'aurait été une grande consolation pour moi de voir M. Goldoni ; il m'aurait parlé de vous. Il aurait trouvé chez moi des amis qui l'auraient pu servir à Paris, et je lui aurais fourni des voitures qui lui auraient épargné vingt lieues de chemin. Je le défie d'ailleurs de trouver dans Paris des hommes qui soient plus sensibles que moi à son mérite. L'état où j'ai été, et où je suis encore, ne m'a pas permis de mettre la dernière main à la tragédie que j'ai fait essayer sur mon théâtre [Cassandre-Olympie ; en avril, il a fait venir Lekain pour « essayer » la pièce]. Je compte avoir l'honneur de vous l'envoyer dès que j'aurai pu y travailler.


Il a fallu m'occuper des commentaires sur Corneille. J'y ai joint une traduction en vers blancs de la tragédie de Shakespear, intitulée La Mort de César, que je compare avec le Cinna de Corneille, parce que dans l'une et l'autre pièce le sujet est une conspiration. J'ai traduit Shakespear vers pour vers ; je peux vous assurer que c'est l'extravagance la plus grossièree qu'on puisse lire. Gille et Scaramouche sont beaucoup plus raisonnables.


J'ai traduit aussi l'Héraclius de Calderon, pour le comparer à l'Héraclius de Corneille. Calderon est aussi barbare que Shakespear. En vérité il n'y a que les Italiens, et les Français leurs disciples , qui aient connu le théâtre. Que ne puis-je en raisonner avec vous , Monsieur ! Mes plaisirs en augmenteraient avec mes lumières. Je vous souhaite une santé meilleure que la mienne, et des jours aussi heureux que vous le méritez. Je serai toute ma vie avec le plus tendre respect , Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.


Voltaire »

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