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05/04/2012

quelques autres jeunes têtes de mon âge, n'ont ni tragédies ni comédies nouvelles à vous donner

 Les femmes de ces lieux ne peuvent m'abuser;
Je n'ai que trop connu leurs larmes infidèles.

... dixit le trèfle .

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« A mademoiselle Claire-Josèphe-Hippolyte Léris de La Tude Clairon

Aux Délices, 8 octobre [1755]

J'ai beaucoup d'obligations, mademoiselle, à M. et à Mme d'Argental mais la plus grande est la lettre que vous avez eu la bonté de m'écrire. J'ai fait ce que j'ai pu pour mériter leur indulgence, et je voudrais bien n'être pas tout à fait indigne de l'intérêt qu'ils ont daigné prendre à un faible ouvrage, et des beautés que vous lui avez prêtées mais, à mon âge, on ne fait pas tout ce qu'on veut. Vous avez affaire, dans cette pièce, à un vieil auteur et à un vieux mari, et vous ne pouvez échauffer ni l'un ni l'autre. J'ai envoyé à M. d'Argental quelques mouches cantharides pour la dernière scène du quatrième acte, entre votre mari et vous; et comme j'ai, selon l'usage de mes confrères les barbouilleurs de papier, autant d'amour-propre que d'impuissance, je suis persuadé que cette scène serait assez bien reçue, surtout si vous vouliez réchauffer le vieux mandarin par quelques caresses dont les gens de notre âge ont besoin, et l'engager à faire, dans cette occasion, un petit effort de mémoire et de poitrine.
Au reste, mademoiselle, je vous supplie instamment de vouloir bien conserver, sans scrupule, ces deux vers au premier acte

Voilà ce que cent voix, en sanglots superflus,
Ont appris dans ces lieux à mes sens éperdus.
(Scène 1.)


Vous pouvez être très-sûre que les sanglots n'ont pas d'autre passage que celui de la voix; et, si on n'est pas accoutumé à cette expression, il faudra bien qu'on s'y accoutume. Je vous demande grâce aussi pour ces vers

Les femmes de ces lieux ne peuvent m'abuser;
Je n'ai que trop connu leurs larmes infidèles.
(Acte III, scène 1.)


Le parterre ne hait pas ces petites excursions sur vous autres, mesdames.
Je prie Gengis de vouloir bien dire, quand vous paraissez


Que vois-je ? est-il possible 0 ciel 1 ô destinée!
Ne me trompé-je point? est-ce un songe, une erreur
C'est Idamé, c'est elle et mes sens, etc.
(Acte III, scène 1.)


Je suppose que vous ménagez votre entrée de façon que Gengis-kan a le temps de prononcer tout ce bavardage. Je demande instamment qu'on rétablisse la dernière scène du quatrième acte, telle que je l'ai envoyée à M. d'Argental elle doit faire quelque effet si elle est jouée avec chaleur; du moins elle en faisait lorsque je la récitais, quoique j'aie perdu mes dents au pied des Alpes. Je ne peux pas concevoir comment on a pu ôter de votre rôle ce vers au quatrième acte

Les lois vivent encore, et l'emportent sur vous.

C'est assurément un des moins mauvais de la pièce, et un de ceux que votre art ferait le plus valoir. Il n'est pas possible de soutenir le vers qu'on a mis à la place

Mon devoir et ma loi sont au-dessus de vous;
Je vous l'ai déjà dit.

Vous sentez qu'un devoir au-dessus de quelqu'un n'est pas une expression française, et ce malheureux Je vous l'ai déjà dit ne semble être là que pour avertir le public que vous ne devriez pas le redire encore.

La dernière scène du quatrième acte est entre les mains de M. d'Argental, je vous l'ai déjà dit; et, dans cette dernière scène que, par parenthèse, je trouve très-bonne, je voudrais que Zamti eût l'honneur de vous dire

Ne parlons pas des miens, laissons notre infortune, etc.
(Scène VI.)

Je voudrais que le cinquième acte fût joué tel qu'il est imprimé. J'ai de fortes raisons pour croire que votre scène avec Octar ne doit point être tronquée, et que vous disiez

 


Si j'obtenais du moins, avant de voir un maître,
Qu'un moment à mes yeux mon époux pût paraître.
(Scène II. )


Une de ces raisons, c'est qu'il me paraît très-convenable qu'Idamé, qui a son projet de mourir avec son mari, veuille l'exécuter sans voir Gengis, et que, remplie de cette idée, elle hasarde sa prière à Octar. D'ailleurs j'aime fort ce brutal d'Octar, et je voudrais qu'il parlât encore davantage.

Je vous demande pardon, mademoiselle, de tous ces détails. Maintenant, si M. de Crébillon ou M. de Châteaubrun, ou quelques autres jeunes têtes de mon âge, n'ont ni tragédies ni comédies nouvelles à vous donner pour votre Saint-Martin, et si votre malheur vous force à reproduire encore au théâtre les cinq magots chinois, je vous enverrais la pièce avec le plus de changements que je pourrais. J'attendrais sur cela vos ordres; mais voici ce que je vous conseillerais, ce serait de jouer Mariamne à la rentrée de votre parlement. Ce rôle est trop long pour Mlle Gaussin, qui ne doit pas d'ailleurs en être jalouse. Vous feriez réussir cette pièce avec M. Lekain, qui joue, dit-on, très-bien Hérode vous joueriez après cela Idamé, si le public redemandait la pièce; j'aurais le temps de la rendre moins indigne de vous. Je vous demande pardon d'une si longue lettre, que le triste état de ma santé m'a obligé de dicter. Je vous présente mes très- sincères remerciements, etc. »

 

 

 

 

 

 

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