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17/09/2020

Tout est cabale à la cour, tout est quelquefois passion dans de grandes compagnies qui ne devraient point avoir de passions

... Les petites histoires de la grande histoire en passent par là, inexorablement alimentées par l'orgueil et l'envie .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

A Genève 22è mai 1765

Mon cher et vertueux ami, je vous ai envoyé le portrait du petit Calas peint à l’huile . Sa mère aidera à rectifier les traits . Ils sont mieux peints dans le cœur de cette digne mère que par le pinceau de M. Hubert 1. On fait actuellement un recueil de toutes les pièces de cette triste aventure, dont la fin fera tant d’honneur aux maîtres des requêtes, à la nation, et surtout au roi, qui a si bien réparé la malheureuse injustice de  Toulouse. S’il était mieux instruit, je suis bien sûr que la bonté de son cœur réparerait sur la fin de ma vie  toutes les injustices que j’ai essuyées. Vous savez qu’on m’impute tous les jours des ouvrages auxquels je n’ai pas eu la moindre part. Ce ne devait pas être la récompense d’avoir fait la Henriade, le Siècle de Louis XIV, et quelques autres ouvrages qui n’ont déplu ni au roi ni à la nation ; mais c’est le sort attaché à la profession d’hommes de lettres. Peut-être est-il dur, à l’âge de soixante-douze ans, d’être continuellement en butte à la calomnie ; mais j’ai appris, dans la saine philosophie que nous cultivons tous deux, qu’il faut savoir se résigner. Tout ce que je souhaite, c’est que le roi et le ministère puissent un jour savoir que les gens de lettres sont les meilleurs citoyens et les meilleurs sujets. Tout est cabale à la cour, tout est quelquefois passion dans de grandes compagnies qui ne devraient point avoir de passions . Il n’y a que les vrais gens de lettres qui n’aient point d’intrigues, et qui aiment sincèrement l’ordre et la paix.

Adieu, mon digne ami ; je suis bien malade, et, en vérité, on ne devrait pas troubler mes derniers jours. Votre amitié vertueuse fait toute ma consolation. 

Voltaire.»