Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16/05/2021

je vous supplie de m’avertir si jamais il passe quelque idée triste dans la tête de certaines personnes qui peuvent faire du mal. Je connais des gens qui ne manqueraient pas de prendre leur parti sur-le-champ

... Tout juste mon pauvre ami !

Voir l'infiniment regrettable débauche de violence en Israël-Palestine . Les humains sont assez méchants, et franchement cons, pour tuer leurs concitoyens et voisins , véritables virus cinglés dont on ne connait toujours pas de vaccin .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol , comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

27è Janvier 1766 1

Comme mes anges m’ont paru avoir envie de lire quelques-unes des lettres de MM. Covelle et Baudinet 2, je vous en envoie une que j’ai retrouvée . Je m’imagine, peut-être mal à propos, qu’elle vous amusera. Je suis un franc provincial qui croit qu’on peut s’occuper à Paris de ce qui se passe dans son village. Vous ne serez point surpris que M. Baudinet, qui demeure à Neuchâtel, ait donné quelques louanges adroites à son souverain. Vous saurez, de plus, que ce souverain lui écrit souvent, et que M. Baudinet, qui peut-être n’est pas trop dans les bonnes grâces de la prêtraille, doit se ménager des retraites et des appuis à tout hasard. Le prince qui lui écrit lui mandait 3 que depuis quelques années, il s’est fait une prodigieuse révolution dans les esprits en Allemagne et que l’on commence même à penser en Bohême et en Autriche, ce qui ne s’était jamais vu. Les esprits s’éclairent de jour en jour depuis Moscou jusqu’en Suisse.

Vous voyez que la philosophie n’est pas une chose si dangereuse, puisque tant de souverains la protègent sous main, ou l’accueillent à bras ouverts. Je vous assure qu’on rirait bien, dans l’étendue de deux ou trois mille lieues où notre langue a pénétré, si on savait qu’il n’est pas permis de dire en France que sainte Geneviève ne se mêle pas de nos affaires. On aurait bien raison alors de penser que les Welches arrivent toujours les derniers. Il faudra bien pourtant qu’ils arrivent à la fin, car l’opinion gouverne le monde, et les philosophes, à la longue, gouvernent l’opinion des hommes.

Il est vrai qu’il y a un certain ordre de personnes auxquelles on donne une éducation bien funeste ; il est vrai qu’on combattra la raison autant qu’on a combattu les découvertes de Newton et l’inoculation de la petite-vérole , mais tôt ou tard il faut que la raison l’emporte. En attendant, mes divins anges, je vous supplie de m’avertir si jamais il passe quelque idée triste dans la tête de certaines personnes qui peuvent faire du mal. Je connais des gens qui ne manqueraient pas de prendre leur parti sur-le-champ.

J’ai grande impatience que vous entreteniez notre docteur Tronchin. Dites-moi donc, je vous en prie, qui vous enverrez à votre place à Genève. Quel qu’il puisse être, Dieu m’est témoin combien je vous regretterai. On dit que c’est M. le chevalier de Beauteville 4 . On ne pouvait, en ne vous nommant pas, faire un meilleur choix . Étant d’ailleurs ambassadeur en Suisse, il est presque sur les lieux, et doit connaître parfaitement le tripot de Genève.

Respect et tendresse. 

V.»

1 Le même jour, Diderot écrit à Sophie Volland : « Mais à propos des bizarreries d'artistes, en voici une qui peint toute la vie de Voltaire et qui lui fait un honneur infini dans mon esprit . On lui fait lire une page effroyable que Rousseau, le citoyen de Genève,venait d’écrire contre lui . Il entre en fureur, il se déchaîne ; il l'appelle infâme ; il écume de rage ; il veut faire assommer ce malheureux-là . « Cependant, lui dit un homme de la compagnie, je sais de bonne part qu'il doit venir vous demander un asile, et cela aujourd'hui, demain, après-demain peut-être . Que lui ferez-vous ? – Ce que je lui ferai, dit de Voltaire en grinçant les dents : ce que je lui ferai ? Je le prendrai par la main, je le mènerai dans ma chambre, et je lui dirai : 'Tiens, voila mon lit , c'est le meilleur de la maison, couche-toi là, couches-y pour le reste de ta vie, et sois heureux ' »

2 La XIVè lettre des Questions sur les miracles .

4Pierre de Buisson, chevalier de Beauteville : https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/032424/2002-04-25/

Les commentaires sont fermés.