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28/07/2009

Cela est à la vérité composé par de la canaille, et fait pour être lu par la canaille

 

http://www.youtube.com/watch?v=F-rWf2PMHbw&feature=re...

 

Volti a encore frappé fort et j'ose le souhaiter n'a pas été qu'un sujet d'intéret touristique . Je m'explique : ce jour nous avons reçu une délégation officielle (d'un grand pays, très grand pays , inventeur de la porcelaine, d'où le clip précédent!), qui laisse un bon souvenir. Son élément principal, homme cultivé et agréable accompagné de son épouse, a beaucoup apprécié la visite conduite par Eilise et a l'intention de revenir. Il sera le bienvenu , c'est un poête, qui connait le français, l'anglais et jouait gentiment le rôle d'interprête auprès de son épouse. Puisse-t-il appliquer le plus souvent possible les idées généreuses de Voltaire, c'est notre voeu le plus cher ....

 

 

Volti, tu défends bec et ongle ton enfant , jeune Pucelle, que tu mis vingt ans à mettre au monde (tu dis trente, qui dit mieux ! ;-)): longue grossesse, accouchement difficile, présentation par le saint siège, tentative de version, forceps, césarienne , et sans anesthésie ! Je comprends que tu hurles "au charron" .

Sachez que cette Pucelle constitue ma récréation . N'appelez pas la police, je ne la touche que des yeux et je ris . Concentré de malice, voilà ce qu'elle est .

 Je vous invite à le vérifier : http://books.google.fr/books?id=bXYDefqNRGQC&dq=la+pu...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental

 

 

 

           Je ne suis pas excessivement dans les délices, mon cher et respectable ami ; toute cette aventure de Jeanne d’Arc est bien cruelle. Le porteur [son secrétaire Collini, envoyé à Paris] vous remettra mon ancienne copie. Vous la trouverez assurément plus honnête, plus correcte, plus agréable [le 6 juillet, V* écrit : qu’ « on trouve ici (l’ouvrage) très joli, très gai, et point scandaleux. On dit que les contes de La Fontaine sont cent fois moins honnêtes. Il y a bien de la poésie, bien de la plaisanterie, et quand on rit on ne se fâche point. »]  que les manuscrits qu’on vend publiquement. Je vous supplie d’en faire tirer une copie pour Mme de Fontaine, d’en laisser prendre une à Thiriot, et de permettre à vos amis qu’ils la fassent aussi copier pour eux. C’est le seul moyen de prévenir le péril dont je suis menacé. On s’est avisé de remplir toutes les lacunes de cet ouvrage commencé il y a plus de trente années. On y a ajouté des tirades affreuses. Il y en a une contre le roi. Je l’ai vue. Cela est à la vérité composé par de la canaille, et fait pour être lu par la canaille. [des vers assez proches sont annotés par V* dans les marges de la copie de La Pucelle «  Quel est le laquais qui a fait la plupart de ces vers ? Quel est le maraud de la lie du peuple qui peut écrire ces insolentes bêtises ? »: « …Dort en Bourbon la grasse matinée / …. Et quand saint Louis, là-haut mon compagnon / M’a prévenu qu’un jour certain Bourbon / M’en donnerait à pardonner bien d’autres » Chant I, vers 320 sq.]

 

 

C’est dormir à la Bourbon la grasse matinée

C’est… saint Louis le bon apôtre

A Louis XV en pardonne bien d’autres.

Les Richelieux le nomment maquereau.

[il ne manquera pas de citer ce vers à Richelieu le 31 juillet et d’ajouter « Les La Beaumelle, les Fréron et les autres espèces qui vendent sous le manteau cette abominable rhapsodie sont prêts, dit-on de les faire imprimer. »]

 

 

 

           Figurez-vous tout ce que les halles pourraient mettre en rimes. Enfin on y a fourré plus de cent vers contre la religion qui semblent faits par le laquais d’un athée.

 

 

           Ce coquin de Grasset dont je vous dois la connaissance a apporté ce beau manuscrit à Lausanne. J’ai profité de vos avis, mon cher ange, et les magistrats de Lausanne [Grasset travaillait chez l’imprimeur Bousquet à Lausanne] l’ont intimidé. Il est venu à Genève ; et là, ne pouvant faire imprimer cet ouvrage, il est venu chez moi me proposer de me le donner pour cinquante louis d’or. [Grasset dit que c’est V* qui l’envoya chercher. Il lui demanda d’aller voir la personne qui possédait le manuscrit. Celle-ci lui dit qu’on pouvait l’acheter 50 louis ; qu’il « provenait d’une copie que M. de Voltaire avait vendue 100 louis au prince royal de Prusse et que l’ayant donnée à copier à un secrétaire infidèle, celui-ci en avait fait une copie pour lui et l’avait vendue au possesseur actuel 100 ducats ». Grasset copie dix-sept lignes impies comme pièce à conviction, conformément aux instructions de V*. Il les lui apporta, lui demandant de faire faire une copie et de lui rendre la feuille écrite de sa main. V* promit ; mais, une fois en possession du papier, il refusa de le rendre et prit au collet Grasset en l’accusant d’avoir composé le manuscrit. Grasset dut finalement mettre la main à l’épée pour se libérer de V* et de ses gens, et il alla se plaindre aux autorités. Il avoue toutefois qu’il a fait une seconde copie des dix-sept lignes destinée, dit-il à Bousquet « sans autre vue que de (le) ce voulons pas d’un homme de cette pièce ».] Je savais qu’il en avait déjà vendu plus de six copies manuscrites. Il en a envoyé une à M. de Bernstof, premier ministre en Danemark. Il m’a présenté un échantillon, et c’était juste un de ces endroits abominables, une vingtaine de vers horribles contre Jésus-Christ. Ils étaient écrits de sa main. Je les ai portés sur le champ au résident de France. Si le malheureux est encore à Genève, il sera mis en prison, mais cela n’empêchera pas qu’on ne débite ces infamies dans Paris, et qu’elles ne soient bientôt imprimées en Hollande. Ce Grasset m’a dit que cet exemplaire venait d’un homme qui avait été secrétaire ou copiste du roi de Prusse, et qui avait vendu le manuscrit cent ducats. Ma seule ressource à présent, mon cher ange, est qu’on connaisse  le véritable manuscrit composé il y a plus de trente ans, tel que je l’ai donné à Mme de Pompadour, à M. de Richelieu, à Mme de La Vallière, tel que je vous l’envoie. Je vous demande en grâce ou de le faire copier ou de le donner à Mme de Fontaine pour le faire copier. Je vous prie qu’on n’épargne point la dépense. J’enverrai à Mme de Fontaine de quoi payer les scribes. Si vous avez cet infâme chant de l’âne qu’on m’attribue, il n’y a qu’à le brûler. Cela est d’une grossièreté odieuse, et indigne d’être dans votre bibliothèque. En un mot, mon cher ange, le plus grand service que vous puissiez me rendre est de faire connaitre l’ouvrage tel qu’il est, et de détruire les impressions que donne à tout le monde l’ouvrage supposé.

 

 

           Je vous embrasse tendrement et je me recommande à vos bontés avec la plus vive insistance.

 

 

P.S.- On vient de mettre ce coquin de Grasset en prison à Genève. On devrait traiter ainsi à Paris ceux qui vendent cet ouvrage abominable.

 

 

           Voltaire

           Aux Délices 28 juillet 1755. »