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19/04/2009

Je n’ai point de recueillement dans l’esprit

Oui, mon côté manuel s'est fortement exprimé ces jours-ci, et Volti est resté sur la touche . Il y a une vie qui tient compte de la météo et des possibilités de travail en équipe !...

Quelques courbatures passées, quelques couleurs dues au soleil et à la lasure dégoulinante,  la satisfaction du devoir accompli pour le bien des usagers du terrain de tir (à l'arc ) me laissent retrouver une ambiance XVIIIème (siècle!). Il faut toucher à tout pour être heureux . Et optimiste pour entreprendre des travaux en plein air !!

http://www.arcclubprevessin.com/

 

 

 

 

Ce dimanche, je refréquente mon flatteur préféré, que certains -et je les comprend- iront qualifier de lèche-cul ! Soit ! mais méfiez-vous, il a la langue acide !! Poli, aimable, trop aimable ? C'est sa nature . A prendre tel quel sans se leurrer : "que votre imagination est riante et féconde !". Avouez que si quelqu'un vous fait un tel compliment - ici je parle pour moi- vous le prenez au premier degré si vous êtes imbu de vous même et flatté par "un maître" que vous avez "l'honneur" de fréquenter, ou vous vous souvenez de la fable "Le Corbeau et le Renard", et vous riez de vous même ; c'set mon option !

 

 

 

 

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« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville

 

 

                            Vraiment mon cher ami, je ne vous ai point encore remercié de cet aimable recueil que vous m’avez donné [Epître en vers accompagnant des écrits  de Cideville]. Je viens de le relire avec un nouveau plaisir. Que j’aime la naïveté de vos peintures ! que votre imagination est riante et féconde ! et ce qui répand sur tout cela un  charme inexprimable, c’est que tout  est conduit par le cœur. C’est toujours  l’amour ou l’amitié qui vous inspire. C’est une espèce de profanation à moi de ne vous écrire que de la prose après les beaux exemples que vous me donnez. Mais, mon cher ami, carmina secessum scribentis et otia quaerunt [= les vers requièrent pour le poête la retraite et les loisirs ]. Je n’ai point de recueillement dans l’esprit. Je vis de dissipation depuis que je suis à Paris, tendunt extorque poemata [= on est en train de m’arracher la composition poétique], mes idées poétiques s’enfuient de moi. Les affaires et les devoirs m’ont appesanti l’imagination. Il faudra que je fasse un tour à Rouen pour me ranimer. Les vers ne sont guère à la mode à Paris. Tout le monde commence à faire le géomètre et le physicien. On se mêle de raisonner. Le sentiment, l’imagination et les grâces sont bannis. Un homme qui  aurait vécu sous Louis XIV et qui reviendrait au monde ne reconnaitrait plus les Français. Il croirait que les Allemands ont conquis ce pays –ci. Les belles-lettres périssent à vue d’œil. Ce n’est pas que je sois fâché que la philosophie soit cultivée, mais je ne voudrais pas qu’elle devint un tyran qui exclût tout le reste. Elle n’est en France qu’une mode qui succède à d’autres et qui passera à son tour, mais aucun art, aucune science ne doit être de mode. Il faut qu’ils se tiennent tous par la main, il faut qu’on les cultive en tout temps. Je ne veux point payer de tribut à la mode, je veux passer d’une expérience physique à un opéra ou à une comédie, et que mon goût ne soit jamais émoussé par l’étude. C’est votre goût, mon cher Cideville, qui soutiendra toujours le mien, mais il faudrait nous voir, il faudrait passer avec vous quelques mois, et notre destinée nous sépare quand tout devrait nous réunir.

 

                            J’ai vu Jore à votre semonce [après l’édition des Lettres philosophiques en avril 1734, condamnation de V* et Jore perd sa maîtrise d’imprimeur ; V* dès le 12 avril 1735 désira voir Jore pour se « raccommoder entièrement avec lui »]. C’est un grand écervelé. Il a causé tout le mal pour s’être conduit ridiculement.

 

                            Il n’y a rien à faire pour Linant ni auprès de la présidente [Mme de Bernières], ni au théâtre [les comédiens ne désirent pas jouer la pièce de Linant]. Il faut qu’il songe à être précepteur [« ce qui est difficile attendu son bégaiement, sa vue basse et le peu d’usage qu’il a de la langue latine »]. Je lui fais apprendre à écrire, après quoi il faudra qu’il apprenne le latin, s’il le veut montrer. Ne le gâtez point si vous l’aimez.

 

                            Vale.

 

                            Voltaire

                            Ce 16 avril 1735. »

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