25/07/2009
Il serait délicieux pour moi de rester à Sully s’il m’était permis d’en sortir
Puisqu'il va être question de fêtes, profitez de l'un de mes pianistes préférés qui joue Bach comme je le sens habituellement, à savoir vivant et rythmé :
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« A Charlotte-Madeleine de Carvoisin, marquise de Mimeure
[parente de Fyot de La Marche, ancien condisciple, qui lui présenta F M Arouet l’été 1711]
Je vous écris de ces rivages
Qu’habitèrent plus de deux ans
Les plus aimables personnages
Que la France ait vu de longtemps ;
Les Chapelles, les Manicamps [ Manicamp : courtisan de Louis XIV];
Ces voluptueux et ces sages,
Qui, rimants, chassants, disputants
Sur ces bords heureux de la Loire,
Passaient l’automne et le printemps
Moins à philosopher qu’à boire.
Il serait délicieux pour moi de rester à Sully s’il m’était permis d’en sortir [séjour de mai à octobre 1716 ; il avait été condamné à être éxilé à Tulle, son père obtiendra que ce soit à Sully]. M. le duc de Sully est le plus aimable des hommes et celui à qui j’ai le plus d’obligation. Son château est dans la plus belle situation du monde. Il y a un bois magnifique dont tous les arbres sont tout découpés par de polissons ou des amants qui se sont amusés à écrire leurs noms sur l’écorce.
A voir tant de chiffres tracés
Et tant de noms entrelacés,
Il n’est pas mal aisé de croire
Qu’autrefois le beau céladon
A quitté les bords du Lignon
Pour aller à Sully-sur-Loire.
Il est bien juste qu’on m’ait donné un exil si agréable puisque j’étais absolument innocent des indignes chansons qu’on m’imputait [vers attaquant la duchesse de Berry, fille du Régent, sur ses mœurs]. Vous seriez peut être bien étonnée si je vous disais que dans ce beau bois dont je viens de vous parler, nous avons des nuits blanches comme à Sceaux [spectacles féériques donnés à Sceaux en 1714-1715 chez la duchesse de Maine ; V* qui participait aux divertissements y composa ses premiers contes en prose : Le Crocheteur borgne, et Cosi Sancta.]! Mme de La Vrillière qui vint ici pendant la nuit faire tapage avec Mme de Listenay, [il dédia son triple madrigal intitulé Nuit Blanche de Sully aux deux sœurs, Mme de La Vrillière et Mme de Listenay] fut bien surprise d’être dans une grande salle d’ormes éclairée d’une infinité de lampions, et d’y voir une magnifique collation servie au son des instruments et suivie d’un bal où parurent plus de cent masques habillés de guenillons superbes. Les deux sœurs trouvèrent des vers, sur leur assiette, qu’on leur assura être de l’abbé C***. [l’abbé Courtin, sans doute, habitué de Sully cet été là]. Je vous les envoie, vous verrez de qui ils sont. Après tous les plaisirs que j’ai à Sully, je n’ai à souhaiter que d’avoir l’honneur de vous voir à Ussé, et de vous donner des nuits blanches comme à Mme de La Vrillière. Je vous demande en grâce, Madame, de me mander si vous n’irez point en Touraine. J’irais vous saluer dans le beau château de M. d’Ussé après avoir passé quelque temps à Preuilly chez le baron de Breteuil,[père d’Emilie du Châtelet] c’est la moitié du chemin. Ne me dédaignez pas, Madame, comme l’an passé. Souvenez-vous que vous écrivîtes à Roy,[Pierre-Charles Roy, poête] et que vous ne m’écrivîtes point. Vous devriez bien réparer vos mépris par une lettre bien longue où vous me manderiez votre départ prochain pour Ussé. Sinon, je crois que malgré les ordres du régent, j’irai vous trouver à Paris, tant je suis avec un véritable dévouement, etc.
François-Marie Arouet
Été 1716. »
Au hasard d’un furetage : http://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres... ,une petite lettre à Pimpette !
13:34 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, mimeure, bach, loussier
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