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01/06/2010

Pascal ? Il y a déjà longtemps que j'ai envie de combattre ce géant

Pour renouer avec les joies du Net et du blog après un sevrage sévère (plus d'ordi)...

 

 

« A Jean-Baptiste-Nicolas Formont

[Vers le 1er juin 1733]

Rempli de goût, libre d'affaire,
Formont, vous savez sagement
Suivre en paix le sentier charmant
De Chapelle et de Sablière ;
Car vous m'envoyez galamment
Des vers écris facilement,
Dont le plaisir seul est le père,
Et quoiqu'ils soient faits doctement,
C'est pour vous un amusement.
Vous rimez pour vous satisfaire,
Tandis que le pauvre Voltaire
Esclave maudit du parterre,
Fait sa besogne tristement.

Il barbote dans l'élément
Du vieux Danchet et de La Serre.
[censeurs royaux et auteurs]
Il rimaille éternellement,
Corrige, efface assidument,
Et le tout, Messieurs, pour vous plaire
.

Je vous soupçonne de philosopher à Canteleu ave mon cher, aimable et tendre Cideville. Vous savez combien j'ai toujours souhaité d'apporter mes folies dans le séjour de votre sagesse.

Atque utinam ex vobis unus, vestrique fuissem
Aut custos gredis, aut maturae vinitor uvae !
Hic gelidi fontes, hic mollia prata, Lycori,
Hic nemus, hic ipso tecum consumerer aevo.
[Ah ! Si j'avais été l'un de vous , ou gardien de votre troupeau ou vendangeur de votre raisin mûr ! Ici il y a des sources fraiches, ici, il y a de moelleuses prairies, Lycoris, ici avec toi, c'est l'âge même qui me consumerait]

Mais je suis entre Adélaïde du Guesclin, le seigneur Osiris [personnage de son opéra Tanis et Zélide] et Newton. Je viens de relire ces Lettres anglaises moitié frivoles, moitié scientifiques [cf. lettres à Formont du 6 décembre 1732 et du 27 janvier 1733, à Thiriot du 1er avril 1733 et à Cideville du 21 avril 1733]. En vérité, ce qu'il y a de plus passable dans ce petit ouvrage, est ce qui regarde la philosophie ; et c'est, je crois, ce qui sera le moins lu. On a beau dire : le siècle est philosophe. On n'a pourtant pas vendu deux cents exemplaires du petit livre de M. de Maupertuis, où il est plus question de l'attraction,[Discours sur les différentes figures des astres ... avec une exposition abrégée des systèmes de M. Descartes et de M. Newton, 1732] et si on montre si peu d'empressement pour un ouvrage écrit de main de maître, qu'arrivera-t-il aux faibles essais d'un écolier comme moi ? Heureusement j'ai tâché d'égayer la sécheresse de ces matières et de les assaisonner au goût de la nation. Me conseilleriez-vous  d'y ajouter quelques petites réflexions détachées sur les Pensées de Pascal ? Il y a déjà longtemps que j'ai envie de combattre ce géant. Il n'y a guerrier si bien armé qu'on ne puisse percer au défaut de la cuirasse ; et je vous avoue que si, malgré ma faiblesse, je pouvais porter quelques coups à ce vainqueur de tant d'esprits, et secouer le joug dont il les a affublés, j'oserais presque dire avec Lucrèce :


Quare superstitio pedibus subjecta vicissim
Obturateur, nos exaequat victoria coelo.

Au reste, je m'y prendrai avec précaution, et je ne critiquerai que les endroits qui ne seront point tellement liés avec notre sainte religion qu'on ne puisse déchirer la peau de Pascal sans faire saigner le christianisme. Adieu. Mandez-moi ce que vous pensez des lettres imprimées et du projet sur Pascal. En attendant je retourne à Osiris. J'oubliais de vous dire que le paresseux Linant échafaude son Sabinus. »

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