30/09/2010
méritai-je d'être persécuté pour avoir toujours dit en cent façons différentes qu'on ne fait jamais de bien à Dieu en faisant du mal aux hommes ?
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"on ne fait jamais de bien à Dieu en faisant du mal aux hommes" : je repense ici aux Roms, -voleurs de poules bien connus, n'est-ce pas !?- qui n'ont pas su se couler dans le moule du monde policé !
Et je cite un président et son grand (aux deux sens du terme ) ami Brise Heurtafaux Tunoulé :"Rom ! unique objet de mon ressentiment ! Rom, que je hais ..."
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Toutefois, je leur -( tous les sus-nommés )- demande poliment de ne pas trop s'approcher de mon poulailler !
« A Frédéric , prince héritier de Prusse
[septembre 1739]
Monseigneur,
J'ai reçu à Paris les deux plus grandes consolations dont j'avais besoin dans cette ville immense , où règnent le bruit, la dissipation, l'empressement inutile de chercher ses amis, qu'on ne trouve point ; où l'on ne vit point pour soi-même, où l'on se trouve tout d'un coup enveloppé dans vingt tourbillons plus chimériques que ceux de Descartes, et moins faits pour conduire au bonheur que les absurdités cartésiennes ne font connaître la nature. Mes deux consolations, Monseigneur, sont les deux lettres dont Votre Altesse Royale m'a honoré du 9 et du 15 août, qui m'ont été renvoyées à Paris.
Il a fallu d 'abord, en arrivant, répondre à beaucoup d'objections que j'ai trouvées répandues dans Paris contre les découvertes de Neuton. Thiriot doit avoir l'honneur d'envoyer cette réponse [i] à Votre Altesse Royale. Mais ce petit devoir dont je me suis acquitté ne m'a point fait perdre de vue ce Mahomet dont j'ai déjà eu l'honneur d'envoyer les prémices à Votre Altesse Royale. Voici deux actes à la fois. Si j'avais attendu que cela fût digne de vous être présenté, j'aurais attendu trop longtemps. Je les envoie comme une preuve de mon empressement à vous plaire, et pour meilleur preuve je vais les corriger. Votre Altesse Royale verra si les horreurs que le fanatisme entraine y sont peintes d'un pinceau assez ferme et assez vrai . Le malheureux Séide qui croit servir Dieu en égorgeant son père n'est point un portrait chimérique. Les Jean Chatel, les Clément, les Ravaillac étaient dans ce cas et ce qu'il y a de plus horrible c'est qu'ils étaient tous dans la bonne foi. N'est-ce donc pas rendre service à l'humanité de distinguer toujours, comme j'ai fait, la religion de la superstition, et méritai-je d'être persécuté pour avoir toujours dit en cent façons différentes qu'on ne fait jamais de bien à Dieu en faisant du mal aux hommes ? Il n'y a que le suffrage, les bontés, et les lettres de Votre Altesse Royale qui me soutiennent contre les contradictions que j'ai essuyées dans mon pays. Je regarde ma vie comme la fête de Damoclès chez Denys. Les lettres de Votre altesse Royale et la société de Mme la marquise du Châtelet sont mon festin et ma musique.
Mais de la persécution
Le fer, suspendu sur ma tête,
Corrompt les plaisirs de la fête
Que, dans le palais d'Apollon,
Le divin Frédéric m'apprête.
Sans cela ma muse enhardie
Par vos héroïques chansons,
Prendrait une nouvelle vie
Et mêlerait de nouveaux sons
Aux concerts de votre harmonie
En profitant de vos leçons :
Mais quoi sous la serre cruelle
De l'impitoyable vautour
Voit-on la tendre Philomèle
Chanter les plaisirs et l'amour ?
A peine suis-je arrivé à Paris, qu'on a été dire à l'oreille d'un grand ministre [ii] que j'avais composé l'histoire de sa vie et que cette histoire critique allait paraître dans les pays étrangers. Cette calomnie a été bientôt confondue mais elle pouvait porter coup. Votre Altesse Royale sait ce qu'est le pouvoir despotique et elle n'en abusera jamais, mais elle voit quel est l'état d'un homme qu'un seul mot peut perdre. C'est continuellement ma situation. Voila ce que m'ont valu vingt années consumées à tâcher de plaire à ma nation, et quelquefois peut-être à l'instruire. Mais encore une fois Votre altesse Royale m'aime et je suis bien loin d'être à plaindre. Elle daigne faire graver La Henriade ; quel mal peut-on me faire qui ne soit au-dessous d'un tel honneur ?
Je viens d'acheter un Machiavel complet, exprès pour être plus au fait de la belle réfutation que j'attends avec ce que vous allez en écrire [iii]. Je ne crois pas qu'il y en ait jamais de meilleure réfutation que votre conduite. Les hommes semblent tous occupés à présent à se détruire, et depuis le Mogol jusqu'au détroit de Gibraltar tout est en guerre. On croit que la France dansera aussi dans cette vilaine pyrrhique. C'est dans ce temps que Votre Altesse Royale enseigne la justice, avant d'exercer sa valeur. M'est-il permis de lui demander quand je serai assez heureux pour voir ces leçons d'équité et de sagesses ?
J'ai vu les fusées volantes qu'on a tirées à Paris avec tant d'appareil [iv] ; mais je voudrais toujours qu'on commençât par avoir un hôtel de ville, de belles places, des marchés magnifiques et commodes, de belles fontaines avant d'avoir des feux d'artifice. Je préfère la magnificence romaine à des feux de joie ; ce n'est pas que je condamne ceux-ci, à Dieu ne plaise qu'il y ait un seul plaisir que je désapprouve. Mais en jouissant de ce que nous avons, je regrette un peu ce que nous n'avons pas .
Votre Altesse Royale sait sans doute que Bouchardon et Vaucanson font des chefs-d'œuvre chacun dans leur genre . Rameau travaille à mettre à la mode la musique italienne. Voila des hommes dignes de vivre sous Frédéric, mais je les défie d'en avoir autant envie que moi.
Je suis avec le plus profond respect et la plus tendre reconnaissance, de Votre Altesse Royale ...
M. le prince de Nassau m'a dit que M. de Kaiserling [v] venait à Paris . Plût à Dieu ! »
iRéponse à toutes les objections principales qu'on a faites en France contre la philosophie de Newton, 1739.
ii Il est question du cardinal de Fleury et du « plan raisonné de l'histoire du siècle de Louis XIV » . l'édition Prault qui contenait ce plan fût saisie ; cf. lettre à d'Argenson du 28 septembre 1739.
iii Le 15 août, Frédéric écrit : « On m'avait dit que je trouverais la défaite de Machiavel dans les notes politiques d'Amelot de La Houssaye et dans la traduction du chevalier Gordon ... J'ai été bien aise de voir que mon plan était tout différent du leur, je travaillerai à l'exécuter dès que je serai de retour. »
iv Cf. lettre à Mme de Champbonin du 20 août 1739 .
v Favori de Frédéric, reçu à Cirey en 1737.
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