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30/01/2012

Il y a bien des façons d'être malheureux

 

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Il y a quelques jours, Juppé et Hollande m'ont fait dormir debout !

Hier soir, Sarko m'a coupé les pattes !!

 

 

 

« A M. Antoine-Noé de POLIER de BOTTENS 1

Aux Délices, le 4 juin [1755]

Il y a bien des façons d'être malheureux, mon cher monsieur; plus belle est de l'être comme vous, par la générosité et la bonté de votre cœur, et de ne souffrir que pour les autres. La plus cruelle est de souffrir par soi-même, de devenir tous les jours inutile à la société, et de voir périr son âme en détail dans le délabrement du corps. Voilà mon état, monsieur, et voilà ce qui m'a empêché jusqu'ici de venir à Monrion. Si monsieur votre frère vous ressemblait, c'est une très-grande perte 2, et je vous assure que je la sens très-vivement. Le monde a besoin de gens comme vous.
Cette petite bagatelle dont vous me parlez a été imprimée sur d'assez mauvaises copies qui en ont couru 3; il n'y a pas grand mal. Un nommé Grasset 4, qui est actuellement à Lausanne, a été sur le point de me jouer un tour plus cruel. M. de Brenles a dû vous en instruire, et je suis persuadé que vous aurez en ce cas prêché la vertu à ce Grasset. On dit qu'il avait besoin de vos leçons. Je voudrais déjà être à Monrion, et vous y embrasser; mais je ne pourrai faire ce voyage, après lequel je soupire, qu'après le passage de M. le marquis de Paulmy . Ce n'est pas que mon âme républicaine veuille faire sa cour à des secrétaires d'État; mais je suis attaché à M. de Paulmy. Il a eu la bonté, dès qu'il a su mon séjour en Suisse, de m'envoyer des lettres de recommandation pour messieurs les avoyers de Berne 5.
Je serai encore plus aise de voir votre ami M. Bertrand 6, après quoi il ne me manquera plus que la consolation de venir vous dire combien je vous aime, de philosopher un peu avec vous, et de vous renouveler mon tendre et respectueux dévouement.
VOLTAIRE »

2 Son frère, Étienne est mort à Madrid en mai, sans laisser de postérité . C'était probablement un capitaine d'infanterie, gendre du général comte de Zastrow . Antoine-Noé faisait partie d'une fratrie de sept garçons .

5 De fin 1748 à fin 1751, le marquis de Paulmy a été ambassadeur en Suisse . Il viendra aux Délices l'été 1755 .

6 Voir lettre du 31 décembre 1754 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/10/31/puisque-les-hommes-sont-assez-barbares-pour-punir-de-mort-la.html

Élie Bertrand, né en 1712 à Orbe, petite ville du canton de Vaud. Il commença par être pasteur dans un village, et habita pendant quelque temps Boudry, ville où naquit Marat en 1744. Cette année même, Bertrand fut nommé prédicateur à Berne. On a de lui des sermons et plusieurs ouvrages. Bertrand était conseiller privé du roi Stanislas, et membre des Académies de Berlin et de Lyon.
Voltaire dut entrer en relations avec ce savant quelques années avant 1755. (CL.)

 

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