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29/06/2012

à toutes les questions que vous me faites, commençons par le moins intéressant, et le plus aisé

 

... Je suis toujours Gessien , bienheureux d'être proche du château de Voltaire, qui grouille de monde ces jours-ci, pour cause de préparation de la Fête à Voltaire, laquelle fête , cette année me déplait souverainement car on va honorer ce dadais méchant : JJ Rousseau .

 Au milieu de tout ce chambardement, le géant roupille, et je peux vous assurer qu'il n'ouvrira pas un oeil pour voir l'arrivée du JJR

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«De M. le duc de la VALLIÈRE

A Versailles, ce 22 avril 1756.

Je vais répondre avec le plus grand plaisir du monde, mon cher Voltaire, à toutes les questions que vous me faites, commençons par le moins intéressant, et le plus aisé. J'habite toujours Montrouge; je suis comme Proserpine, juste la moitié de ma vie à Versailles, l'autre moitié dans ma retraite délicieuse à tous égards; jamais un moment à Paris; je ne vais plus à Champs; il m'est impossible, à la vie que je mène, d'en jouir, et je le regarde précisément comme une maîtresse qui serait allée s'établir au nouveau monde. Il se pourrait quelquefois qu'il m'en revint des images agréables, mais je ne m'en croirais pas moins dans le cas d'en prendre une autre. Quant à l'abbé de Voisenon, hélas dans ce moment-ci c'est une brebis égarée; l'Amour me l'a ravi. Plus épris qu'un jeune écolier, il ne quitte plus l'objet de sa tendresse, et je crains d'autant plus pour sa santé que je ne crois point du tout qu'elle soit d'accord ni avec son ardeur ni avec son bonheur. Deux accès d'asthme ne me l'ont point encore ramené; il touche au troisième, et je le reverrai mauvais moment, comme vous voyez, pour lui proposer ce que je désire; et puis, à tout seigneur tout honneur 1.
Passons au plus intéressant. Un rayon de la grâce a éclairé, mais sans ivresse 2; quelques changements médiocres en sont le seul témoignage. On ne va plus au spectacle, on a fait maigre trois jours de la semaine, pendant tout le carême, mais sous la condition qu'on n'en serait point incommodée. Les moments qu'on peut donner à la lecture sont vraisemblablement employés à de bons livres; au reste, la même vie, les mêmes amis, et je me flatte d'être du nombre; aussi aimable qu'on a jamais été, et plus de crédit que jamais. Voilà la position où l'on est, et qui fait qu'on voudrait des psaumes de votre façon. L'on vous connait, on vous a admiré, et l'on veut vous lire encore; mais l'on est bien aise de vous prescrire l'objet de ses lectures. Ainsi, je vous le répète, il faut que vous nous donniez une heure par jour, et bientôt vous verrez que vous aurez satisfait et à nos désirs, et à votre réputation. Je vous le dis encore, et en vérité sans fadeur, de tout temps vous avez été destiné à faire cet ouvrage. Vous vous le devez, et à nous aussi, et c'est une marque d'attention à laquelle le bon prophète sera très-sensible; je le serai aussi très-sincèrement à cette preuve d'amitié de votre part, et j'en attends incessamment les heureux essais .
A l'égard de l'opéra prussien (Mérope), de la fin de la Pucelle que vous m'avez promise, et des autres choses que vous me faites espérer, envoyez- les à Genève, à M. Vasserot de Châteauvieux 3, il me les enverra par le premier ballot qu'il m'adressera. Je vous demande deux exemplaires de vos deux poèmes avec les notes 4, l'un pour Mme de Pompadour, l'autre pour moi. Envoyez-les-moi par la poste avec une première enveloppe à mon nom, et par-dessus une autre à M. de Malesherbes, premier président de la cour des aides. Il est accoutumé à en recevoir beaucoup pour moi. Vous feriez bien d'y joindre un ou deux psaumes, je vous en remercie d'avance 5 »



 

1. On peut conjecturer de ce que dit ici le duc de La Vallière que Voltaire, en éludant la demande qu'on lui faisait touchant des psaumes, aurait engagé le duc à s'adresser à l'abbé de Voisenon, qu'on appelait l'évêque de Montrouge, pour remplir un thème qui était plus de sa compétence que de celle d'un laïque.

2 Il s'agit ici de Mme de Pompadour.

3 Jean Vasserot de Chateauvieux, avocat, fils de Jean Vasserot (noble français protestant exilé en Hollande où il avait fait fortune ), possède le domaine de Dardagny uni à Châteauvieux et Confignon, proche de Genève, depuis 1731 .

4 Sur la Loi naturelle et sur le Désastre de Lisbonne.

5 Voltaire ne fit point de psaumes. Voir tome IX, page 481 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411325t/f483.image

et ci-après la lettre à Thieriot du 11 juin 1759, citée dans : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/06/07/i...

 

 

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