02/03/2013
J'entre dans tous les détails, je voudrais sauver ce petit garçon . Qu'ordonnez-vous ? A propos la France est aussi malade que lui
... Et tant pour la maladie des corps que pour la maladie de l'Etat, Voltaire sait de quoi il parle . Très humainement, très afffectueusement il donne la priorité à un enfant, lui accordant les mêmes soins qu'à lui-même . Trop de personnes oublient cette facette du patriarche, ne retenant que l'homme d'esprit dans le meilleur des cas, l'homme d'affaire dans le pire . Comment ne pas aimer ce gaillard là ?
« A monsieur le professeur Théodore Tronchin
à Genève
Dimanche [1757/1758] au soir
Mon cher Esculape, mon petit malade 1 après avoir pris sa seconde dose d'émétique avant hier fut encore bien purgé par le bas de matières fétides et rendit un paquet de vers parmi lesquels il y en avait un de six pouces de long . Je lui donnai une décoction de rue, de petite centaurée, de menthe, de chicorée sauvage, et pour adoucir la vivacité que cette tisane pourrait porter dans un sang irrité par la fièvre, je lui fais prendre de demi-heure en demi-heure entre ces potions , une émulsion légère . La fièvre subsiste, continue avec redoublement, mais moins violente . Il a dormi un peu . La tête n'est point embarrassée mais il y a toujours mal . Le bout de la langue est du rouge le plus vif mais il s'en faut de beaucoup que l’œil soit net . Il ne l'est guère, je crois, dans ces maladies . La peau n'est pas ardente . Depuis qu'il a rendu des vers il n'a pas été à la garde-robe . Ne conviendrait-il pas de lui ôter sa tisane antivermineuse qui peut l'échauffer et continuer à délayer beaucoup les humeurs ?
N. b. qu'il a toujours la bouche ouverte et qu'il lui est difficile de la fermer . J'entre dans tous les détails, je voudrais sauver ce petit garçon . Qu'ordonnez-vous ?
A propos la France est aussi malade que lui . Mademoiselle votre fille est-elle palliée 2? »
1 C'est sans doute le petit Pichon, voir lettre du 8 août 1757 à Jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/11/30/oserais-je-monsieur-vous-prier-de-vouloir-bien-envoyer-a-cet.html
2 Normalement, « pallier »signifie « soulager une maladie sans la guérir » . V* semble appliquer le terme à la malade elle-même au sens de « soulager » .
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