21/02/2015
les princesses portaient des bas ; pour les autres dames, j'ai peur que bientôt elles ne portent point de chemise, si la guerre dure encore un an
... Et c'est ainsi qu'on les retrouve , dans un monde sans paix,
révolutionnaires du XIXè siècle
et femen du XXIè,
même combat !
« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de SAXE-GOTHA
Au château de Tournay, 19 février [1760], partira le 22 ou le 23.
Madame, je n'ai rien de nouveau touchant le mariage de la coquette. Il est plaisant que Votre Altesse sérénissime ait pris un moment cette belle épithète de coquette pour elle ; non, madame, vous n'avez de votre sexe que la beauté. Je m'imagine que la charmante et respectable Alzire, de Thuringe, vous ressemble.
Ah ! madame, qu'elle mette des bas de soie ou des bottines, ou qu'elle soit nu-jambes si elle veut, tout sera bon si elle tient de sa mère, comme je le crois. Je n'aime point les bottines ; j'ai vu tout le monde botté à Berlin, mais les princesses portaient des bas ; pour les autres dames, j'ai peur que bientôt elles ne portent point de chemise, si la guerre dure encore un an.
Le Brandebourg doit être dans un état pitoyable par la cessation du commerce, par le nombre énorme de recrues, par la dévastation des pays voisins. Voilà, madame, à la longue, tout le fruit de la guerre, et les suites en peuvent être encore cent fois plus affreuses. Il est désagréable qu'un livre de poésies du roi de Prusse paraisse dans ce temps-ci. La police en a fait saisir les exemplaires à Paris. Il me semble que le nom d'un homme tel que le roi de Prusse devrait être respecté partout. C'est étrangement le profaner que de voir ses ouvrages un gibier de police. On ne s'accoutume point à voir un héros traité comme Fréron et comme les autres gredins de Paris. Le meilleur ouvrage qu'il
pourrait faire serait un traité de paix, car bientôt on n'aura pas plus de chemises à Paris qu'à Berlin. On nous fait vendre les nôtres avec notre vaisselle pour faire la campagne. On dit que nous renonçons à la marine pour porter le ravage sur terre.
J'ignore si votre nouveau voisin, le landgrave catholique 1, est toujours prisonnier gouverneur à Magdebourg. C'est encore là un nouveau sujet de noise. Mais, madame, ce n'est pas à moi de me mêler des affaires de vous autres princes ; je ne dois penser qu'à Mlle Pertriset et à son mariage. J'eus l'honneur de lui écrire, il y a huit ou dix jours 2, et je lui demandai sa protection auprès de Votre Altesse sérénissime.
V.»
1 Frédéric de Hesse-Cassel qui converti au catholicisme venait de succéder à Guillaume VIII .
2 Voir lettre du 15 février 1760 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/02/14/mademoiselle-je-vous-fais-ces-lignes-pour-vous-remercier-de-l-air-gracieux.html
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