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05/09/2015

c'est bien dommage qu'il faille tant de paroles pour dire si peu de choses

...  Ainsi en est-il pour gloser sur le confinement ou le déconfinement, les permissions d'ouvertures de commerces et les indemnisations et prêts et tutti quanti dans ce marécage qu'est l'épidémie du Covid-19 .

 

Mis en ligne le 17/11/2020 pour le 5/9/2015

 

 

« Au marquis Francesco Albergati Capacelli, senatore di Bologna

à Bologna

Aux Délices 5è septembre 1760 1

Je suis dans mon lit depuis quinze jours, monsieur . Vieillesse et maladie sont deux fort sottes choses pour un homme qui aime comme moi le travail et le plaisir . Il est vrai que pour du plaisir vous venez de m'en donner par votre traduction 2, et par votre bonne réponse à ce Caraccioli 3, mais je ne vous en donnerai guère ; et j'ai bien peur que la tragédie des chevaliers errants ne vous ennuie beaucoup ; elle a été confiée à un huguenot de Genève nommé Lefort, parent du fameux Lefort, qui a déniaisé les Russes ; ce Lefort et son compagnon Souchay ont adressé le petit paquet, en toile cirée, à leur correspondant de Milan, ils doivent vous en avoir donné avis .

À l'égard de mon insolent Mylord Shaftsbury, il doit vous être parvenu par les sieurs Bianchi et Balestrerio, banquiers dans la même ville de Milan, où la tragédie est aussi . Mais je vous avoue que je ne sais pas le nom du banquier de la tragédie ; c'est vous qui m'apprenez que c'est un Nadal et un Rigaut à qui Pierre Souchay de Genève a adressé un paquet à Turin pour vous .

Or, retenez bien, monsieur, que ce paquet envoyé par P. Souchay, compagnon de Lefort à Turin, est la tragédie elle-même, bonne ou mauvaise, qu'elle doit aller avec sa toile cirée de Turin à Milan et de Milan à vous . Retenez bien encore que les Milanais Bianchi et Balestrerio ont le Shaftsbury ; vous voilà au fait ; c'est bien dommage qu'il faille tant de paroles pour dire si peu de choses ; je défie la tragédie de vous ennuyer autant que ma lettre .

Venons à ce qui n'est point ennuyeux ; c'est votre traduction de Phèdre, c'est le plus grand honneur qu’ai jamais reçu Racine . Je remercie tendrement l'enfant de la nature Goldoni ; je remercie le signor Paradisi, mais c'est vous surtout, monsieur, que je remercie .

L'Algarotti a donc quitté Machiavel pour faire l'amour, il passe son temps entre les muses et les dames, et fait fort bien . Si le cher Goldoni m'honore d'une de ses pièces il me rendra la santé ; il faut qu'il fasse cette bonne œuvre . Au lieu de me faire donner l'extrême-onction, je fais répéter Alzire autour de mon lit, et nous allons ouvrir notre théâtre, dès que je serai debout ; nous n'avons pas de sénateurs Genevois qui jouent la comédie ; les pédants de Calvin n'approchent pas les sénateurs de Bologne ; je n'ai pu corrompre encore que la jeunesse ; je civilise autant que je peux les Allobroges . Les Genevois avant que je fusse leur voisin n'avaient pour divertissement que de mauvais sermons ; ils ne sont point nés pour les beaux-arts comme messieurs de Bologne ; Vous avez le génie et les saucissons, mais nos chers Genevois n'ont rien de tout cela ; ils ont besoin en fait de plaisir du compelle intrare 4. Adieu monsieur, je vous aime comme si je vous avais vu et entendu .

Recevez les respects de l'ermite

V. »

1 Une autre main a changé Bologna en Medicina sur le manuscrit original ; Les passages suivants sont omis dans toutes les éditions : « Caraccioli ; elle a été confiée […] Venons à ; A lieu de me faire donner l'extrême-onction, ; ils ont besoin en fait de plaisir du compelle intrave ; recevez […] V. »

2La Fedra, 1758 à Venise, traduction de Phèdre de Racine .

3 Apparemment une réponse par lettre à Louis-Antoine de Caraccioli .

4 Force les à entrer : Évangile de Luc, XIV, 23 .

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