01/01/2016
J'y perds quelque chose mais si cela donne la paix je me console .
... Est-il quelque va-en-guerre qui soit capable d'un tel altruisme actuellement ? ça se saurait !... Guerre religieuse, guerre de conquête, guerre de clans politiques, chasse au pouvoir , on n'a que l'embarras du choix, surtout l'embarras d'ailleurs .
« A Louise-Dorothée von Meiningen duchesse de Saxe-Gotha
[vers le 1er janvier 1761]
Madame, il faut donc que l'année 1761 recommence avec la guerre ! Il faut donc que toutes vos vertus, ou toute la conciliation de votre esprit ne puissent détourner ce fléau de votre voisinage et même de vos États ! Voilà donc les choses à peu près comme elles étaient dans le commencement de ces funestes troubles ! Il y a longtemps , madame, que je n'ai pris la liberté de mêler ma douleur à celle que Votre Altesse Sérénissime ressent de tant de désastres . Les larmes qu'elle verse sur les malheurs de l'Allemagne sont d'autant plus belles, que les désolations qui vous environnent ne vont point jusqu'à vous . Une princesse ne souffre guère personnellement : mais une âme comme la vôtre souffre des peines d'autrui . J'ignore si l'interruption du commerce attachée au fléau de la guerre n'a point empêché le petit paquet qui contenait l’Histoire de Pierre Ier de parvenir jusqu'à Votre Altesse Sérénissime .
Il faut au moins que je l'amuse d'une petite aventure de nos climats pacifiques . J'ai quelques terres dans le pays de Gex aux portes de Genève . Les jésuites en ont aussi, ce sont mes voisins . Non contents du royaume du ciel dont ils sont sûrs, ils avaient usurpé un domaine très considérable sur six pauvres gentilshommes, tous frères , tous mineurs, tous servant dans le régiment des Deux-Ponts . J'ai pris le parti de ces messieurs . Il fallait quelque argent . Je l'ai donné . Calvin ne me le rendra pas, mais enfin j'ai arraché le bien des mains des jésuites et je l'ai fait rendre aux propriétaires . Voilà madame ma bataille de Lissa 1. Je sais bien que saint Ignace ne me pardonnera pas . Mais n'est-il pas vrai que je trouverai grâce à vos yeux, madame ? Il n'y a point de saint dont j'ambitionne la protection comme la vôtre . Je suis sûr que la grande maîtresse des cœurs rira de me voir vainqueur des jésuites . Elle aimera les guerres qui finissent par rendre à chacun ce qui lui appartient . On dit Pontichéri au pouvoir des Anglais . J'y perds quelque chose mais si cela donne la paix je me console .
Je me mets aux pieds de Votre Altesse Sérénissime et de toute votre auguste famille avec le plus tendre respect .
Le Suisse V. »
1 Lissa avait été fondée par des Moraves chassés de Bohème au XVIè siècle ; en outre V* pensait à une autre ville nommée Lissa (= Leuthen ) champ de bataille qui avait vu la victoire de Frédéric II (voir lettre du 20 décembre 1757 à d'Argental : … ). Dans l'espoir de prendre ses quartiers d'hiver en Silésie, le prince Charles et Daun avaient marché sur Leuthen, mais Frédéric II s'attendant à ce mouvement manœuvra si bien que le 5 décembre 1757 il infligea une sévère défaite aux Autrichiens (19 décembre) , leur tuant ou leur prenant prisonniers 55000 hommes sur un total de 90 000 alors qu'il n'avait que 40 000 hommes .
16:15 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.