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15/02/2016

Acharnement pour l'affaire du curé, non . Vivacité, oui .

... Quand on vous dit que Voltaire luttait à juste titre contre les religions et en particulier la catholique, croyez-le !

Triste exemple nous est encore donné d'une hypocrisie intolérable, d'une lâcheté inexcusable, d'un délit caractérisé des pontes de Lyon qui ont couvert des années un prêtre pédophile , lamentable. Comment garder la foi en une Eglise qui méprise le Droit ? L'évangile, si je m'en souviens bien, appelle à couper le membre par lequel le péché est accompli ; il y a loin de la parole aux actes , hélas . Si Jésus a dit "laissez venir à moi les petits enfants", il n'a pas autorisé les curés dépravés de mettre leurs sales pattes dessus .

Monseigneur Barbarin, vous êtes un dégonflé tout juste capable d'ouvrir le parapluie hiérarchique ; vous qui ordonnez des prêtres, que n'êtes vous capable de renvoyer les pourris ! Il y a comme une odeur de faisandé du côté de la capitale des Gaules .

http://www.liberation.fr/france/2016/02/12/le-cardinal-ba...

La justice aura-t-elle cette vivacité voltairienne ?

Et c'est au son de chants grégoriens que j'écris ces lignes amères ....

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

16 février [1761] 1

Ce n'est pas aux yeux que j'ai mal, c'est à la main écrivante ; on dit que j'ai la goutte, mes divins anges , et que je suis le plus maigre des goutteux . Non ce n'est pas moi qui ne réponds point aux articles des lettres, c'est vous, vous qui parlez ; je n'avais oublié que l'article d'Oedipe, et j'ai réparé bien vite cette omission ; mais vous ! avez-vous répondu à mes justes plaintes contre Prault petit-fils ? qui n'a pas seulement daigné m'envoyer un exemplaire de sa petite drôlerie de Tancrède!M'avez-vous dit un mot du Père de famille ? Si vous aviez daigné m'instruire de la maladie de M. de Belle-Isle, je n'aurais pas pris sottement ce temps-là pour importuner M. le duc de Choiseul de mes facéties ; j'ai si bien pris mon temps qu'il ne m'a point fait de réponse , mais n'allez pas l'imiter .

Je ne suis pas excessivement content de Mme de Pompadour, mais aussi je ne suis pas fâché contre elle ; je trouve seulement la muse limonadière plus attentive qu'elle .

J'ignore aussi si M. le duc de Richelieu est à Versailles ; c'est encore un de nos hommes exacts, qui vous écrivent une lettre de huit pages, et qui vous laissent là des années entières .

Acharnement pour l'affaire du curé, non . Vivacité, oui . Et puis, quand j'ai rendu ce service à l’Église, je fais un chant de La Pucelle .

Je n'ai point trouvé d'autre façon de répondre à tous les faquins qui m'accusent de n'être pas bon chrétien que de leur dire que je suis meilleur chrétien qu'eux, je fais plus, je le prouve ; mais mon christianisme ne va pas jusqu'à pardonner à Omer ; je n'ai point de fiel contre Fréron, c'est à lui à me détester , puisque je l'ai rendu ridicule, et que je l'ai fait bafouer de Paris à Vienne . J'aurais voulu, il est vrai pour mon divertissement qu'on lui eût fait dire deux mots par le lieutenant criminel au sujet de Mlle Corneille ; si cela ne se peut, il faut tâcher de prendre une autre route . M. Corneille père peut se plaindre à M. de Saint-Florentin ; j'en écris à M. Le Brun . Il est bon de tenter toutes les voies, car ce n'est pas assez de rendre Fréron ridicule, l'écraser est le plaisir . J'ai quelque maltalent 2 contre M. de Malesherbes qui protège les feuilles de ce monstre ; mais toutes ces belles passions s'anéantissent devant la haine cordiale que je porte à l'impudent Omer . Cependant la violence de cette juste haine peut céder à la raison, et puisque je ne puis lui couper la main dont il a écrit son infâme réquisitoire qu'on lui a dicté, je l'abandonne à sa pédanterie, à son hypocrisie, à sa méchanceté de singe, et à toute la noirceur de son noir caractère ; que le Pantaodai reste un ouvrage de société entre les mains de trois ou quatre personnes ; que Mlle Clairon n'en ait pas même d'exemplaire, et que le plus profond mépris fasse place à ma juste colère , colère d'autant plus véhémente que je l'ai couvée un an entier .

Mes anges, si j'avais cent mille hommes, je sais bien ce que je ferais, mais comme je ne les ai pas je communierai à Pâques, et vous m'appellerez hypocrite tant que vous voudrez . Oui par Dieu, je communierai avec Mme Denis et Mlle Corneille ; et si vous me fâchez je mettrai en rimes croisées le Tantum ergo 3. Je m'aperçois que cette lettre est plus brûlable que l'Ecclésiaste ; ainsi je vous supplie de vous souvenir de moi au coin de votre cheminée 4.

À propos , qui vous a dit que je faisais une tragédie ? Je suis fâché de vous ôter cette douce illusion . Cette lanterne 5 vient de ce que Mme Denis qui est toujours folle du Droit du seigneur, avait mandé à sa sœur que nous jouerions quelque chose de nouveau et de merveilleux, mais sans lui dire de quoi il était question . Gardez-moi , je vous prie, un éternel secret, mes divins anges, sur ce Droit du seigneur qui m’enchante .

Pour Fanime, je la regarderai toute ma vie comme un ouvrage médiocre, et ce beau-fils qui rend Fanime à son père pour s'en débarrasser, me paraîtra toujours un des plus plats personnages qui aient jamais existé ; il y a des morceaux touchants, d'accord ; on y pleure, je le passe ; mais je ne juge point d’un visage par un nez, et par un menton . Je veux du tout ensemble . Vive Tancrède, cette pièce me paraît bien faite, neuve singulière ; cependant nous verrons ce que je pourrai faire pour obéir à vos ordres au saint temps de Pâques . Et la dissertation contre ces barbares anglais 6? Vous n'en parlez pas . Mes divins anges je vous regarde comme la consolation et l'honneur de ma vie . Je suis bien faible mais je vous aime fortement .

V. »

1 Date complétée par d'Argental ; les éditions à la suite de la copie Beaumarchais-Kehl ajoutent à la fin de cette lettre celle du 18 février 1761 au même .

2 Mot archaïque repris plaisamment par V*, comme auparavant outrecuidance ; maltalent = mauvais vouloir, mauvaise volonté .

4 Cette dernière phrase, bien que rayée sur la copie Beaumarchais a été imprimée .

5 Une lanterne est une fausseté absurde .

6 L’Appel à toutes les nations de l'Europe . Voir page 134 : http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-80022&M=tdm

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