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29/11/2019

Une main comme la vôtre doit servir à écraser les monstres de la superstition et du fanatisme ; et quand on peut rendre ce service aux hommes, sans se compromettre, je crois qu’on y est obligé en conscience

... Nos hommes/femmes politiques ne semblent pas avoir la carrure, l'esprit, ni même la moindre intention de lutter contre ces deux fléaux . Ils/elles ne sont souvent pas indemnes de ces deux tares, ce qui peut expliquer leur incapacité . Sont-ils/elles doué(e)s de conscience ?  Oui, à géométrie variable, dirais-je . Me trompè-je ?

Vous reprendrez bien un peu de vérité ?

https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/quel...

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

[12 d’octobre 1764.]

Mon cher philosophe, on ne peut pas toujours rire ; il faut cette fois-ci que je vous écrive sérieusement. Il est très certain que la persécution s’armerait de ses feux et de ses poignards, si le livre en question lui était déféré. On en a déjà parlé au roi comme d’un livre dangereux, et le roi en a parlé sur ce ton au président Hénault. On me l’attribue, et on peut agir contre moi-même aussi bien que contre le livre. Il est très vrai que cet ouvrage est de plusieurs mains. L’article Apocalypse est tout entier d’un M. Abausit, si vanté par Jean-Jacques 1 : je crois vous l’avoir déjà dit 2. Je crois aussi vous avoir mandé, et que vous savez d’ailleurs que ce M. Abausit est le patriarche des ariens de Genève. Son traité sur l’Apocalypse court depuis longtemps en manuscrit chez tous les adeptes de l’arianisme. En un mot, il est public que l’article Apocalypse est de lui.

Messie est tout entier de M. Polier, premier pasteur de Lausanne. Il envoya ce morceau avec plusieurs autres à Briasson, qui doit avoir encore l’original ; il était destiné à l’Encyclopédie.

Enfer est en partie de l’évêque de Glocester, Warburton 3.

Idolâtrie, doit encore être chez Briasson ou entre les mains de Diderot, et fut envoyé pour l’Encyclopédie.

Il y a des pages entières copiées presque mot pour mot des mélanges de littérature qu’on a imprimés sous mon nom.

Il est donc évident que le Dictionnaire philosophiq est de plusieurs mains. Quelques personnes ont rassemblé ces matériaux, et si je puis y avoir eu quelque part, c’était uniquement dans la vue de tirer une famille nombreuse de la plus affreuse misère . Le père avait une mauvaise imprimerie . Il a imprimé détestablement : mais on fait en Hollande une édition très jolie, qu’on dit fort augmentée, et qu’on espère qui sera correcte 4. Si vous vouliez fournir un ou deux articles, vous embelliriez le recueil, vous le rendriez utile, et on vous garderait un profond secret. Une main comme la vôtre doit servir à écraser les monstres de la superstition et du fanatisme ; et quand on peut rendre ce service aux hommes, sans se compromettre, je crois qu’on y est obligé en conscience. J’ose vous demander ce petit travail comme une grande grâce, et je vous demande le reste comme une justice. Rien n’est plus vrai que tout ce que je vous ai dit sur le Dictionnaire philosophique. Votre voix est écoutée, et quand vous direz que ce recueil est de plusieurs mains différentes, non seulement on vous croira, mais on verra que ce n’est pas un seul homme qui attaque l’hydre du fanatisme, que des philosophes de différents pays et de différentes sectes 5 se réunissent pour le combattre. Cette réflexion même sera utile à la cause de la raison, si indignement persécutée par des Omer et par d'autres fripons ignorants, si lâchement abandonnée par la plupart de ses partisans, mais qui, à la fin, doit triompher.

Dites-moi, je vous en prie, si ce n’est pas Diderot qui est l’auteur d’un livre singulier intitulé : De la nature 6 ?

Adieu, mon cher philosophe ; défendez la cause de la vérité et celle de votre ami. Quelle plus belle et plus juste pénitence pouvez-vous faire de ces deux cruelles lignes qui vous sont échappées contre père Bayle ? et de qui attendrons-nous quelque consolation, si ce n’est de nos frères ? et d’un frère tel que vous ? »

1 Ce savant, âgé de près de quatre-vingt-dix ans, habitait Genève. Jean-Jacques lui a emprunté des remarques sur la musique des anciens. (Georges Avenel )

2 Il ne semble pas, à notre connaissance que V* ait écrit cela à d'Alembert .

3 V* corrige une erreur qu'il avait faite dans sa correspondance et dans le Dictionnaire philosophique en faisant de Warburton l'évêque de Worcester . On retrouve cette rectification dans un mémoire préparé par lui à cette époque et dont subsistent deux copies par Wagnière, dont la première comporte un paragraphe supplémentaire de la main de V* ; le voici : « Un jeune homme destiné à former une grande bibliothèque, ramassa il y a quelques années en Suisse quelques manuscrits , dont quelques uns étaient pour le dictionnaire des sciences et des arts . Entre autres l'article Messie d'un célèbre pasteur de Lausanne, homme de condition et de beaucoup de mérite, article très savant, et orthodoxe dans toutes les communautés chrétiennes , et qui fut envoyé en 1760 de la part de M. Polier de Bottens, aux libraires de l'Encyclopédie . Un extrait de l’article Apocalypse, manuscrit très connu de M. Abauzit, l'un des plus savants hommes de l'Europe, et des plus connus , malgré sa modestie . L'article Baptême, traduit tout entier des œuvres du docteur Midleton. . Amour, Amitié, Guerre, Gloire, destinés à l’Encyclopédie, mais qui n'avaient pu être envoyés . Christianisme et Enfer, tirés de la Légation de Moïse de Mylord Warburton, évêque de Glocester .enfin plusieurs morceaux imités de Bayle, de Le Clerc, du marquis d'Argens et de plusieurs auteurs . Il en fit un recueil qu'il imprima à Bâle . Ce recueil paraît très informe, et plein de fautes grossières . On y trouve : Warburton, évêque de Worchester, pour Warburton , évêque de Glocester . On y dit que les Juifs eurent des rois huit cents ans après Moïse, et c'est environ cinq cents ans . On y compte 867 ans depuis Moïse à Josias, il faut compter plus de 1100 . Il dit que soixante millions font la deux centième partie de seize cents millions, c'est environ la vingt-sixième . L'ouvrage est d’ailleurs imprimé sur le papier le plus grossier et avec les plus mauvais caractères, ce qui prouve assez qu'il n'a point été mis sous presse par un libraire de profession . On voit assez par cet exposé combien il est injuste d'attribuer cet ouvrage et cette édition aux personnes connues auxquelles la calomnie l'impute . On est prié de communiquer ce mémoire aux personnes bien intentionnées qui peuvent élever leurs voix contre la calomnie. »

Inutile de souligner la faiblesse de l' »exposé » et la naïveté ( ou l'impudence) avec laquelle V* prétend qu’on y ajoute foi .

4Sur cette construction de la proposition relative, qui, avec les années, se raréfie chez V*, voir F. Deloffre : La Phrase française . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9d%C3%A9ric_Deloffre

5V* a d'abord écrit différents âges .

6 V* pense-t-il aux Pensées sur l'interprétation de la nature qui sont de 1760 ? Voir note 10 de la lettre du 9 juin 1760 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/06/09/mes-enfants-aimez-vous-les-uns-les-autres-si-vous-pouvez-votre-ennemi-vous.html