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19/11/2021

les singes qui font des gambades à Paris sont changés en tigres

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blague sur les singes – Blagues et Dessins

 

 

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha

A Ferney 25 auguste [1766] 1

Madame, permettez que la famille se jette ici à vos pieds, et remercie la belle âme de Votre Altesse Sérénissime avec des larmes de joie et tout l’attendrissement de la reconnaissance. Il est juste que la providence fasse naître des cœurs tels que le vôtre, tandis que les singes qui font des gambades à Paris sont changés en tigres.

De sottes gazettes vous auront peut-être appris, madame, que le parlement de Paris a condamné cinq jeunes gentilshommes à périr dans les flammes ; mais ces gazettes n’ont pas dit que le seul crime de ces gentilshommes était d’avoir chanté deux chansons faites il y a quatre-vingts ans, et de n’avoir pas ôté leur chapeau devant une procession de capucins. Le roi de Prusse m’a mandé qu’il les aurait condamnés à parler aux capucins chapeau bas et à chanter des psaumes. Ils ont pourtant été condamnés à être brûlés vifs à la pluralité de quinze voix contre dix, et malgré un excellent mémoire composé en leur faveur par huit avocats célèbres de Paris. Il n’y a rien d’exagéré, madame, dans tout ce que j’ai l’honneur de vous dire . On n’a reproché à ces infortunés, on n’a allégué contre eux que des paroles et des indécences qui méritaient deux jours de prison. Le plus vieux de ces jeunes gens avait vingt et un ans : c’était le chevalier de La Barre, d’une ancienne maison, petit-fils d’un général, et qui le serait devenu lui-même. Il est mort avec un courage tranquille, comme Socrate. Une telle horreur est digne du XIIe siècle. L’inquisition de Portugal ne serait pas si cruelle. Quand il s’agit de la vie des hommes, quinze voix fanatiques ne devraient pas suffire contre dix sages. On a prétendu que le parlement de Paris, accusé tous les jours de sacrifier la religion à sa haine contre les évêques, a voulu donner un exemple terrible qui démontrât combien il est bon catholique. Quelle preuve de religion ! ce n’en est pas une de raison et d’humanité. Il n’y a eu que le chevalier de La Barre d’exécuté ; les autres se sont enfuis, au lieu d’aller plonger leurs mains dans le sang de leurs juges. On a bientôt oublié cette affaire, selon le génie de la nation et de la plupart des hommes ; on a été à l’Opéra-Comique, on a soupé avec des filles d’Opéra, on a prêché, on a fait des romans, et c’est ainsi que va le monde, tandis qu’à Gotha la bonté, l’équité, la générosité, règnent.

Je me mets aux pieds de Votre Altesse sérénissime avec Sirven. 

V.»

1 L'édition Stanford place la lettre entre 1754 et 1758 ; la rectification a été faite par Cayrol .

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