21/12/2021
Il broutera désormais ses chardons ; et voilà du moins cet âne rouge incapable de posséder jamais aucune charge : c’est, comme vous dites une bien faible consolation
... J'aimerais tant que cela s'applique à tous les politiciens qui n'ont pas respecté la loi, beau troupeau d'ânes rouges, l'espèce n'est pas en voie de disparition, n'est-il pas ?
« A Jean Le Rond d'Alembert
16 de septembre [1766]
Mon cher et grand philosophe, vous saurez que j’ai chez moi un jeune conseiller au parlement, mon neveu, qui s’appelle d’Hornoy. La terre d’Hornoy est à cinq lieues d’Abbeville. C’est par le moyen d’un de ses plus proches parents qu’on est venu à bout de honnir ce maraud de Broutel 1. Il broutera désormais ses chardons ; et voilà du moins cet âne rouge incapable de posséder jamais aucune charge : c’est, comme vous dites 2 une bien faible consolation. Je voudrais que vous fussiez à Berlin ou à Pétersbourg ; mais vous êtes nécessaire à Paris : que ne pouvez-vous être partout !
Quand vous écrirez à celui 3 qui a rendu le jugement de Salomon ou de Sancho-Pança, certifiez-lui, je vous prie, que je lui suis toujours attaché comme autrefois, et que je suis fâché d’être si vieux.
Le procureur général de Besançon 4, dont la tête ressemble, comme deux gouttes d’eau, à celle dont la langue est si bonne à cuire 5, fit mettre en prison ces jours passés un pauvre libraire 6 qui avait vendu des livres très suspects. Il n’y allait pas moins que de la corde par les dernières ordonnances. Le Parlement a absous le libraire tout d’une voix, et le procureur général a dit à ce pauvre diable : Mon ami, ce sont les livres que vous vendez qui ont corrompu vos juges.
La discorde règne toujours dans Genève, mais la moitié de la ville ne va plus au sermon. Je demande grâce à l’abbé de La Porte 7 ; je ne sais plus ni ce que je suis, ni ce que j’ai fait ; il faudra que je me recueille.
Il pleut des Fréret, des Du Marsais, des Bolingbroke . Vous savez que, Dieu merci, je ne me mêle jamais d’aucune de ces productions ; je ne les garde pas même chez moi ; je les rends quand je les ai parcourues. C’est une chose abominable qu’on aille quelquefois fourrer mon nom dans tous ces caquets-là ; mais il y aura toujours de méchantes langues. Prenez toujours le parti de l’innocence : je vous embrasse très tendrement. Les philosophes ne sont guère tendres, mais je le suis. »
1 Plutôt Broutet .
2 Voir lettre du 9 septembre 1766 de d'Alembert : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6494
3 Frédéric II; voir lettre lettre du 25 aout 1766 à d’Alembert https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6468
et lettre d'août 1766 de Frédéric II : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6474
4 Il se nomme Doroz .
5 Pasquier ; voir lettre du 16 juillet 1766 de d'Alembert : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/02/correspondance-avec-d-alembert-partie-41.html
6 Fantet ; voir lettre à Damilaville du 4 août 1766 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6444
7 Voir la fin de la lettre du 9 septembre 1766 de d'Alembert
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