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20/12/2021

Il suffit souvent d’un nom pour le succès

... Faut-il encore qu'il soit associé à un talent véritable .

Les mensonges des candidats aux élections , --que pitoyablement on baptise contre-vérités --, si bien dits soient-ils, ne devraient tromper que les couillons prêts à se donner à un maître-couillon , vrai profiteur au talent véreux .

Le Dessin du jour

Entre autres !

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

À Ferney, 15 septembre 1766 1

Quand j’eus l’honneur d’écrire 2 à mon héros, par Mme de Saint-Julien, j’étais bien triste, bien indigne de lui ; mais il n’y avait que deux jours qu’elle était à Ferney ; elle y resta encore quelque temps, et elle adoucit mes mœurs. Ne trouvez-vous pas que Mme de Saint-Julien a quelque chose de Mme du Châtelet ? Elle en a l’éloquence, l’enfantillage, et la bonté, avec un peu de sa physionomie. Je la prends pour ma patronne auprès de vous. Il faut qu’elle s’unisse à moi pour obtenir votre protection en faveur d’une famille de vos anciens sujets. En vérité, ces d’Espinas, pour qui je vous ai présenté un mémoire 3, sont dignes de toute votre pitié. Vingt-trois ans de galères pour avoir donné à souper sont une chose un peu dure . Jamais souper ne fut si cher. Voilà toute une famille réduite à la plus honteuse misère . Elle redemande son bien . Y a-t-il rien de plus juste ? Et ne dois-je pas me flatter qu’une âme aussi généreuse que la vôtre daignera faire cette bonne œuvre ? Recommandez ces infortunés à M. de Saint-Florentin, je vous en conjure.

Ma position est cruelle . Je me trouve nécessairement entouré des persécutés qui fondent autour de moi . Les d’Espinas, les Calas, les Sirven, m’environnent . Ce sont des roues, des potences, des galères, des confiscations ; et les chevaliers de La Barre ne m’ont pas mis de baume dans le sang.

Quand vous aurez quelques moments de loisir, monseigneur, je vous demanderai en grâce de lire le factum en faveur des Sirven . Il va être imprimé : c’est une affaire qui concerne une province dont vous êtes encore béni tous les jours. Vous verrez un morceau véritablement éloquent, ou je suis fort trompé.

J’ai eu l’insolence de faire venir chez moi une troupe de comédiens qui ont joué très bien Henri IV avec Annette et Lubin. C’est dommage qu’Annette n’ait pas de musique 4, car la comédie est charmante.

Pour Henri IV, j’aurais voulu qu’il eût eu un peu plus d’esprit ; mais le nom seul d’Henri IV m’a ému. Il suffit souvent d’un nom pour le succès. Il y a dans cette troupe une actrice qui joue, à mon gré, un peu mieux que Mlle Dangeville, quoiqu’elle ne soit pas si jolie. Dieu vous donne acteurs et actrices à la Comédie française !

Nous allons avoir Mme de Brionne 5 et Mme la princesse de Ligne . Où me fourrerai-je ? J’étais enchanté d’avoir Mme de Saint-Julien.

Je me mets à vos pieds avec la tendresse la plus respectueuse.

V. »

1 L'édition Supplément au recueil donne la date de 1772 suivant une copie contemporaine ; Beuchot corrige l'année .

3 Voir le P. S. de la lettre du 19 août 1766 à Richelieu .

4 Cette musique, que V* n'a pas, est de Blaise .

5 Louise-Julie-Constance de Rohan, veuve de Charles-Louis de Lorraine, comte de Brionne . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis-Charles_de_Lorraine

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louise-Julie-Constance_de_Brionne

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