15/04/2022
Nous sommes si innocents que nous sommes en droit de demander justice au lieu de grâce
... Comme disent les hommes/femmes politiques mis en examen , n'est-ce pas MM. Sarkozy et Darmanin , Mme Marine Le Pen and C° .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
7 janvier 1767
Comme nous ne voulons rien faire, mon très cher ange, sans vous en donner avis, nous vous communiquons, Mme Denis et moi, le nouveau mémoire que nous sommes obligés d’envoyer à monsieur le vice-chancelier 1, fondé sur une lettre dans laquelle on nous avertit que des personnes 2 pleines de bonté ont daigné lui recommander cette malheureuse affaire.
Le mémoire, dont ces personnes ont ordonné qu’on nous fît part, alléguait des faits dont elles ne pouvaient être instruites. Ce mémoire se trouvait en contradiction avec les nôtres, et avec le procès-verbal. Vous voyez, mon divin ange, que nous sommes dans l’obligation indispensable d’exposer le fait tel qu’il est, et de requérir que monsieur le vice-chancelier daigne se procurer les informations que nous demandons. Nous sommes si innocents que nous sommes en droit de demander justice au lieu de grâce. Nous passerions pour être évidemment complices de la Doiret, si nous l’avions connue.
Nous vous supplions de vouloir bien vous intéresser à l’autre affaire 3 que nous avons recommandée à vos bontés auprès de M. de La Reynière, le fermier général.
Venons à des choses plus agréables. On ne pouvait guère, dans l’état de crise où la république de Genève et moi nous nous trouvons par hasard, imprimer correctement Les Scythes . Nous vous enverrons incessamment des exemplaires plus honnêtes. J’ai essuyé de bien cruelles afflictions en ma vie. Le baume de Fierabras 4, que j’ai appliqué sur mes blessures, a toujours été de chercher à m’égayer. Rien ne m’a paru si gai que mon épître dédicatoire. Je ne sais pas si elle aura plu, mais elle m’a fait rire dans le temps que j’étais au désespoir.
J’avais promis à M. le chevalier de Beauteville d’aller lui rendre sa visite à Soleure, et d’aller de là passer le carnaval chez l’Électeur palatin et arranger mes petites affaires avec M. le duc de Virtemberg ; mais mon quart d’apoplexie et une complication de petits maux assez honnêtes me forcent à rester dans mon lit, où j’attends patiemment la nombreuse armée de cinq à six cents hommes qui va faire semblant d’investir Genève. L’état-major n’investira que Ferney ; il croira s’y amuser, et il n’y trouvera que tristesse, malgré le moment de gaieté que j’ai eu dans mon épître dédicatoire, et dans ma préface contre Duchesne 5.
Je pense qu’on ne saurait donner trop tôt Les Scythes ; il ne s’agit que de trouver un vieillard. La représentation de cette pièce ferait au moins diversion . Cette diversion est si absolument nécessaire qu’il faut que la pièce soit jouée ou lue.
Adieu, mon aimable et très cher ange ; je me mets aux pieds de madame d’Argental . J’ai bien peur qu’elle ne soit affligée.
V. »
1 Ce mémoire est donné ici, d’autant plus qu'il a été certainement dicté par V* ; la minute ou copie est conservée en deux parties à la BNF (N. 24339 ffos 120et 117 )
Ce mémoire est intitulé « Addition au mémoire envoyé à Mgr le vice-chancelier le 29è décembre 1766 par la dame Denis de Ferney au sujet de la saisie de son équipage à Collonges », il est signé de la main de Voltaire, qui ajoute en marge : « Nota qu'ils n'avaient point de droit de visiter puisque le plomb n'est mis que pour assurer qu'on ne mettra point d'autres effets, et que le tout sera visité à l'arrivée à la douane. »
« Monseigneur,/ La dame Denis ayant appris dans le moment, que des amis généreux et respectables ont parlé ou écrit à monseigneur le vice-chancelier sur cette affaire, est obligée de lui dire , que dans leurs bontés prévenantes, ils ne pouvaient en aucune manière être instruits du fait ; et s'ils ont dit que la femme Doiret est parente de la femme de charge du château de Ferney, ils ont été trompés par de faux rapports . / Aucun de nos domestiques n'a jamais connu la femme Doiret . Notre femme de charge est sœur du boulanger du roi, nommé Thierry, qui vient d'acheter la charge de président du grenier à sel de Versailles . / Monseigneur est très instamment supplié de le faire interroger par un officier de justice de Versailles . Il verra que la famille de cette femme de charge n'est ni parente , ni alliée, ni connue de cette femme Doiret . / Monseigneur peut aussi exiger que M. l’intendant de Chalons ou son subdélégué, interroge les Doiret de Chalons . / La femme de charge du château se nomme Mathon. Elle est chargée de nourrir plus de cent personnes par jour, et dirige même souvent les travaux de la campagne . C'est une personne infiniment estimable dan son état et qui n'a jamais su s'il y a eu au monde des La Mettrie, des Frérets, des Lords Bolingbroke, des Du Marsais et des Boulangers . / En un mot , il paraît que toute cette aventure est une friponnerie de gens qui ont abusé d'un nom connu pour faire un commerce punissable. / Signé Denis de Ferney .
« 7 janvier 1767 / La nommée Doiret de Chalons est allée en Suisse pour voir une de ses parentes et amies qui l'a chargée de plusieurs papiers qu'elle ne connaissait point et dont elle ignorait entièrement la conséquence . De là elle est allée à Ferney où elle a une cousine femme de chambre de Mme Denis . Après y a voir resté quelques jours n'ayant point de voiture pour se rendre à Collonges, cette cousine à l'insu de ses maîtres lui en a fait prêter une avec quatre chevaux, lui a donné un homme pour l'accompagner et faire plomber ses malles . Elle était de si bonne foi et y entendait si peu de finesse qu'elle a livré ses malles pour cette opération . Il s'est trouvé en les visitant que que les papiers dont elle s'était chargée étaient des livres prohibés en France . Là-dessus les commis ont saisi la voiture, les chevaux, les malles et se sont emparés des papiers . La femme craignant qu'on en usât de même à son égard s'est sauvée après avoir déclaré les faits qu'on vient d'exposer . L'homme qui l'accompagnait avait fait une déclaration contraire par rapport à la voiture et aux malles, mais il n’était pas instruit et c'est celle de la femme qui est dans l'exacte vérité . / Mme Denis informée de l'aventure a réclamé tout ce qu'on avait saisi hors les papiers . On n'a consenti à rendre la voiture, les chevaux et deux malles qu'à condition de consigner 50 louis ce qui a été fait . Aujourd’hui il est question de les faire rendre ; les malles réclamées par Mme Denis contenaient des habits appartenant à elle et à M. de Voltaire . »
2 D’Argental lui-même .
3 Le renvoi de Jeannin.
4 Ce baume magique apparaît dans les romans du XIIIè siècle . Don Quichotte en fait grand cas ; voir : https://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1952_num_40_132_8622_t1_0308_0000_2
5 Voir dans Les Scythes, l’Avis au lecteur. : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/VOLTAIRE_SCYTHES.xml#haut
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